26 juin 2017

Étienne HELMER, Diogène le Cynique, Les Belles Lettres, Paris 2017, lu par Matthieu Guyot

 

https://static.lesbelleslettres.com/data/cache/ProductPicture/picture/main/4/d/11199.jpgÉtienne Helmer, Diogène le Cynique, Glossaire, notices biographiques, bibliographie et index, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Figures du savoir », 2017, 216 p.

Dans l’importante collection « Figures du savoir », Étienne Helmer, auteur de plusieurs ouvrages sur les questions économiques et sociales dans la pensée antique, propose aujourd’hui un livre dense et novateur qui est à la fois une présentation du cynisme et un plaidoyer en faveur de cette philosophie parfois méprisée. S’appuyant sur des études récentes et pour certaines inédites, l’auteur s’efforce en effet de montrer que malgré son apparente pauvreté théorique et ce qui peut être perçu comme une pose provocatrice, le cynisme est bien une philosophie digne d’intérêt et riche d’enseignements. Pour cela il en étudie les différents pans, en prenant à rebours certains contresens traditionnels et en montrant comment la pensée de Diogène peut résonner en notre temps.

 

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23 juin 2017

Sophie-Jan Arrien, L’inquiétude de la pensée. L’herméneutique de la vie du jeune Heidegger (1919-1923), PUF, lu par Baptiste Klockenbring

Sophie-Jan Arrien, L’inquiétude de la pensée. L’herméneutique de la vie du jeune Heidegger (1919-1923), Paris, 2014, PUF « Epiméthée », 400 p.

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Ce qu’il est convenu d’appeler « la philosophie herméneutique de la vie facticielle » ou encore parfois « l’herméneutique de la facticité » - et qui, depuis le colloque de 1996 organisé par J.-F. Courtine et J.-F. Marquet, fait l’objet d’un intérêt croissant des études heideggériennes - joue un rôle déterminant sur le chemin qui conduit Heidegger au motif central de sa philosophie, la question de l’Être.Pour autant, il ne faudrait pas faire de cette philosophie une simple propédeutique ; il s’agit au contraire d’un chemin original, qui, dans l’esprit du jeune Heidegger, ne vise rien de moins qu’à « faire exploser les catégories traditionnelles de la philosophie ». Et c’est cette étape que Sophie-Jan Arrien nous propose, dans ce volumineux ouvrage qui résulte de sa thèse, d’approfondir pour elle-même, résistant à la tentation de lire cette philosophie naissante à la lumière de ce qu’elle est amenée à devenir.

Le motif central de cette philosophie est ainsi la vie, conçue comme la sphère originelle de l’expérience concrète (« facticielle »). L’enjeu d’une telle philosophie est ainsi de retrouver l’intimité du philosopher avec la vie, qui constitue l’un des enjeux structurants de la pensée du jeune Heidegger, et ce dès sa thèse d’Habilitation (1915). Reste que la vie se manifeste avant tout par une certaine labilité, qui la rend précisément inaccessible aux catégories traditionnelles de la philosophie. Or la philosophie prend naissance dans la vie, et y retourne comme à son télos ; la tâche du philosopher consiste ainsi à identifier un logos constitutif de l’origine, c’est-à-dire inhérent à l’expérience facticielle de la vie, et ouvert sur la conceptualité philosophique ; en somme, penser conjointement la vie en ses structures propres et la condition de possibilité de tout philosopher. Pour ce faire, l’effort de Heidegger consistera à passer sans rupture de l’expérience vécue préthéorique du sens au discours philosophique, et rechercher « l’unité vivante de la vie et de la philosophie ».

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22 juin 2017

Jan Patočka, Le monde naturel comme problème philosophique, trad. Erika Abrams, Vrin, Paris 2016, lu par Mathieu Cochereau

Jan Patočka, Le monde naturel comme problème philosophique, trad. fr. Erika Abrams, Paris, Vrin, 2016 lu par Mathieu Cochereau

 

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Le philosophe-dissident Jan Patočka s’éteint en 1977 à la suite d’interrogatoires policiers en raison de son statut de porte-parole de la Charte 77, pétition d’intellectuels tchèques (au nombre desquels on trouve aussi Václav Havel et Václav Benda) réclamant davantage de libertés pour les citoyens au régime communiste alors en place. De l’œuvre de Patočka, on dispose de quelques grands livres (Aristote, ses devanciers, ses successeurs, Éternité et historicité ou encore les Essais hérétiques sur la philosophie de l’histoire) mais surtout de notes, de cours, de fragments divers. Le monde naturel comme problème philosophique occupe une place doublement importante, d’abord pour l’auteur lui-même et ensuite pour sa réception en France. D’abord, il s’agit de la thèse d’habilitation de Jan Patočka qui paraît en 1936 à Prague, premier ouvrage du jeune philosophe alors nettement influencé par la phénoménologie d’Edmund Husserl. Ensuite, il s’agit du premier grand texte de Patočka dont le public francophone a pu avoir connaissance, grâce à la traduction proposée en 1976 par Jaromir Danek et Henri Declève – traduction parue aux éditions Martinus Nijhoff. Le problème de cette première traduction, réputée difficile pour tous les lecteurs de Patočka, réside dans son étrange élaboration : elle est le fruit d’un tchécophone ne parlant pas tout à fait le français et d’un francophone ne maîtrisant pas totalement le tchèque. Si l’on doit à Jaromir Danek et Henri Declève un immense travail, notamment dans la diffusion en français de l’œuvre de Jan Patočka, il n’en demeure pas moins que le public francophone attendait depuis longtemps une nouvelle traduction de cette œuvre de jeunesse dans laquelle nous pensons également reconnaître un moment décisif dans l’élaboration de la pensée de Jan Patočka. Qui d’autre qu’Erika Abrams, en charge de la traduction de la quasi totalité des textes de Jan Patočka, était en mesure de réaliser un tel projet ? C’est donc comme le résultat d’une longue attente (une attente de quatre-vingts ans) que l’on doit d’abord lire Le monde naturel comme problème philosophique. Force est de constater que, tant pour le lecteur habitué à Patočka que pour celui qui souhaite le découvrir, cette nouvelle traduction offre un texte d’une grande cohérence et offre l’avantage d’être accompagnée de deux textes complémentaires (suivant ainsi les éditions tchèque et allemande) de Patočka revenant sur sa thèse d’habilitation: « Le monde naturel dans la méditation de son auteur trentre-trois ans après » (1970) et la « Postface à la première traduction française » (1976).

 

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21 juin 2017

Gérard Lebrun, Pascal. Tours, détours et retournements, édition et traduction par Francis Wolff, Beauchesne Éditeur, Collection "Le grenier à sel", 2016, lu par Laurence Harang

 

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En 1983, le livre de Gérard Lebrun à propos de Pascal est publié en portugais sous le titre Pascal. Voltas, desvios, y reviravoltas. Rappelons que Gérard Lebrun fut professeur de philosophie à l’Université de Sao Paulo à partir de 1960 et d’Aix-en-Provence en 1966 : il fut un grand maître dans l’art d’enseigner l’histoire de la philosophie ; et, pour ses étudiants, il fut un homme d’une grande exemplarité par ses exigences, sa rigueur et son immense érudition.

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20 juin 2017

Élodie Cassan, Descartes et Bacon, Genèses de la modernité philosophique, ENS éditions, Paris 2014, lu par Max Hardt

 

Élodie Cassan (dir.), Descartes et Bacon,Genèses de la modernité philosophique, Paris, ENS éditions, 2014

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Cet ouvrage explore les différentes facettes des deux figures-clefs de la modernité philosophique que sont Francis Bacon et René Descartes. L’idée directrice est de proposer une analyse critique des points de convergence et de divergence de leurs pensées, dont, d’après l’article d’introduction rédigé par Élodie Cassan, la réception a eu tendance à simplifier ou homogénéiser le contenu.

En effet, le rayonnement exceptionnel de ces deux philosophes, leur geste de rupture radicale avec la tradition, et le projet de constitution d’un savoir autonome qui semble se trouver au fondement de leurs pensées respectives, ont incité la postérité à les percevoir comme les deux facettes d’un même mouvement, d’une même posture philosophique, fût-ce au détriment d’une juste approche de leurs spécificités irréductibles. Comme l’explique Élodie Cassan, il existe une « mythologie » de la modernité philosophique, et Bacon comme Descartes y font conjointement figures d’incarnation d’une science nouvelle, promouvant la maîtrise de la nature par le recours à une technique philosophiquement réévaluée.

 

 

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19 juin 2017

Claude Duverney, Lire Kant, Visite guidée de la « Critique de la raison pure », 196 p., Slatkine Érudition, Genève 2015, lu par Martine Louis

 

 

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Dans l’avant-propos, l’auteur part d’un dire de Kant, extrait de la « Préface à la première édition de la Critique de la raison pure (1781), annonçant la difficulté de compréhension de son ouvrage. Il va s’agir de retracer le parcours poursuivi par Kant pour favoriser la compréhension de celle-ci, notamment en faisant des références aux Prolégomènes à toute métaphysique future. Pour cela, l’auteur précise avant tout, ce que n’est pas son ouvrage, à savoir un énième ouvrage sur Kant (commentaire), mais bien plutôt une introduction à la Critique de la raison pure qui se veut adaptée au lycéen, au lecteur novice. D’où une méthode alliant des explications et des citations extraites des deux versions de la Critique elle-même et des Prolégomènes. Il insiste sur le fait que son ouvrage reste une introduction et n’a pas la prétention à être autre chose.

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30 mai 2017

Jérôme Thélot, Les avantages de la vieillesse et de l’adversité. Essai sur Jean-Jacques Rousseau, éditions encre marine, 2015, lu par Julien Meresse

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Les avantages de la vieillesse et de l’adversité, essai sur Jean-Jacques Rousseau, de Jérôme Thélot, éditions encre marine, 2015, 140 pages.

 

         L’ouvrage Les avantages de la vieillesse et de l’adversité vise à retracer les principes d’un traité que Jean-Jacques Rousseau projetait d’écrire. Si Rousseau n’a pas pu écrire un traité sur la vieillesse et sur l’adversité, il n’est pas vain de rechercher les principes, à l’œuvre dans le texte rousseauiste, qui donne sens à ce traité. L’ambition de Jérôme Thélot est de dégager l’architecture de ce traité absent.

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16 mai 2017

Ruwen Ogien, Mes mille et une nuits. La maladie comme drame et comme comédie, Paris, Albin Michel, 2017, lu par Alexandre Klein.

L'équipe de l'Œil de Minerve se joint à l'hommage rendu à la mémoire de Ruwen Ogien, disparu le 4 mai dernier.

 

Ruwen Ogien, Mes mille et une nuits. La maladie comme drame et comme comédie, Paris, Albin Michel, 2017, 254 p.

              

À l’origine de la philosophie, de l’acte de philosopher, il y a un étonnement, une surprise, le surgissement d’une nouveauté qui déplace les repères, transforme les représentations et suscite l’interrogation. Celle-ci peut-être un bruissement infime, un évènement anodin ou encore une rencontre décisive. Parce qu’elle bouleverse le cours de l’existence, tant dans son quotidien que dans son devenir, la maladie est de ces éléments qui engendrent le questionnement, engagent la réflexion et conduisent à la remise en question. C’est ce qu’a découvert le philosophe français Ruwen Ogien lorsqu’il a été diagnostiqué, en 2013, d’un cancer du pancréas. Ce spécialiste de philosophie morale, directeur de recherche au CNRS, s’est trouvé plongé dans un monde nouveau : celui des rendez-vous médicaux, des diagnostics difficiles à annoncer (et à entendre), des traitements de chimiothérapie épuisants, des opérations lourdes, des séjours à l’hôpital qui s’éternisent. Un monde fait de peur, de tristesse, d’inquiétude, d’angoisse et parfois d’espoir. Un monde où le temps change de rythme et où les autres changent d’attitude à mesure que l’on change d’apparence. De cette expérience singulière, le philosophe a tiré une réflexion nouvelle et un livre particulièrement intime.

 

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09 mai 2017

Mériam Korichi, Traité des bons sentiments, Albin Michel, Bibliothèque Idées, 2016 Lu par Véronique Longatte

Mériam Korichi, Traité des bons sentiments, Albin Michel, Bibliothèque Idées, 2016 Lu par Véronique Longatte

                                                                               

Comment expliquer que l’expression « bons sentiments » ne soit plus utilisée de nos jours que de manière résolument péjorative ? Cet ouvrage révèle à quel point c’est au travers des mots que nous pensons. Plus qu’une évolution langagière, ce traité nous offre à examiner la pertinence des modifications idéologiques et des mœurs. Un glissement de sens n’est pas anodin, et si l’on accorde à Mériam Korichi qu’ « il est possible d’aller contre un usage général » alors par notre seule interrogation face au sens qu’il convient d’attribuer à cette expression « bons sentiments », n’est ce pas une authentique réflexion philosophique que nous nous permettrions d’entreprendre ? Au fond, qu’est ce que « penser » sinon d’interroger les mots eux-mêmes ?

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26 avril 2017

Emmanuel Faye, Arendt et Heidegger, Extermination nazie et destruction de la pensée, Paris, Albin Michel, 2016, lu par Gérald Sfez

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b_1_q_0_p_0-2.jpg, avr. 2017

Emmanuel Faye, Arendt et Heidegger, Extermination nazie et destruction de la pensée, Paris, Albin Michel, « Bibliothèque Idées », 2016. 

 

Hannah Arendt et la culture nazie

L’ouvrage d’Emmanuel Faye sur Arendt et Heidegger, récemment paru (Septembre 2016) fera date tant par la précision de l’enquête qui y est menée que par les conclusions auxquelles il conduit.     

Cette enquête philosophique vise à répondre à une question que l’on ne peut manquer de se poser à propos d’Arendt : comment le même auteur a-t-il pu concilier la défense hyperbolique et la promotion active de la pensée de Heidegger tout en effectuant une description critique du « totalitarisme » national-socialiste ? Répondre à cette question est une exigence de probité et de clarification des temps présents, aujourd’hui que nous mesurons l’ampleur de l’implication de la philosophie de Heidegger dans l’extermination nazie.

 

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21 avril 2017

Patrick Savidan, Voulons-nous vraiment l'Egalité?, 2015, lu par Eric Zanetto

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Savidan, Voulons-nous vraiment l'Egalité, Albin Michel, 2015

        L'ouvrage de Patrick Savidan s'en prend à un irritant paradoxe : nous voulons tous l'égalité, considérons que le pays réel est par trop inégal, et pourtant l'inégalité élève par degrés sa tête hideuse, pour paraphraser Rousseau parlant de la tyrannie. Tocqueville déjà remarque cette passion de l'égalité: « Chacun a remarqué que, de notre temps, et spécialement en France, cette passion de l'égalité prenait chaque jour une place de plus en plus grande dans le cœur humain ». Non seulement cette passion se développe, mais elle suit la loi d'un feed-back positif ; plus elle en a, plus elle en veut. S'agissant de l'amour de l'égalité, « en le satisfaisant, on le développe », remarque encore Tocqueville. Voilà qui rappelle Freud et son narcissisme des petites différences, croissant avec la petitesse des différences entre individus ; sauf que c'est l'inverse, allez comprendre. Ce constat psycho-politique étant posé, il s'agit d'expliquer pourquoi cette passion trouve de moins en moins à s'inscrire dans les faits.

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05 avril 2017

Bonnes vacances de printemps

L'équipe de l'Œil de Minerve vous souhaite à tous de bonnes vacances de printemps.

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31 mars 2017

Slavoj Žižek, La nouvelle lutte de classe, Les vraies causes des réfugiés et du terrorisme, Fayard, 2016, lu par Didier Lemaire

Face aux nouvelles menaces qui ont plongé l'Europe dans la plus grande crise depuis la Seconde Guerre mondiale - l'afflux de réfugiés et le terrorisme islamiste -, la réaction des gouvernants oscille entre déni, colère et chantage. Mais jamais ni les autorités ni les opinions ne prennent en compte le réel. Or, cet afflux de réfugiés sur le continent ainsi que les récentes attaques terroristes en France constituent des phénomènes politiques propres au capitalisme mondialisé qui exclut des populations entières des conditions de vie supportables.

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28 mars 2017

Eric Delassus, Spinoza, « Connaître en citations », Ellipses, 2016, lu par Antony Dekhil

Eric Delassus, Spinoza, « Connaître en citations », Ellipses, 2016, lu par Antony Dekhil.

    La collection « Connaître en citations » des éditions Ellipses ne cesse de s'enrichir : en septembre 2016, deux volumes sont sortis, sur Bergson et Sartre ; en novembre 2016 deux autres sur Arendt et Kant. Ces ouvrages sont des outils pédagogiques précieux pour le professeur, dans la mesure où ils permettent d'étudier un point particulier de doctrine à partir d'une citation, sans pourtant perdre de vue la systématicité des œuvres étudiées, ni le contexte philosophique dans lequel celles-ci ont été écrites.

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17 mars 2017

Michel Villey La Nature et la Loi, Une philosophie du droit, éditions du Cerf coll. La nuit surveillée, Lu par Laurent Gryn

Michel Villey La Nature et la Loi, Une philosophie du droit, éditions du Cerf coll. La nuit surveillée, Lu par Laurent Gryn

Le volume intitulé La nature et la loi rassemble une série d’études qui donne une bonne perception  de la pensée de M. Villey. Nous trouvons dans ces études les deux pôles autour desquels tourne la philosophie du droit de l’auteur. Une critique de la pensée et de la pratique du droit contemporain, incluant une critique des  droits de l’homme, et une réflexion sur le droit naturel classique que l’on retrouve , selon l’auteur, chez Aristote et Thomas d’Aquin. Il ne s’agit évidemment pas pour l’auteur de revenir purement et simplement à Aristote,  Thomas d’Aquin ou au droit romain, mais d’extraire de la lecture des classiques et de la pratique des jurisconsultes romains une méthode destinée à éviter les apories auxquelles mènent les droits de l’homme.

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14 mars 2017

Béatrice Delaurenti, La contagion des émotions, Paris, Classiques Garnier, 2016, lu par Nicolas Combettes

https://www.ehess.fr/sites/default/files/publication/couverture/la_contagion_des_emotions.jpg     Delaurenti, La contagion des émotions. Compassio, une énigme médiévale,  Paris, Classiques Garnier, 2016

Le livre de Béatrice Delaurenti  propose une étude de la notion de compassion, envisagée non pas en termes d’ invariant culturel, mais comme concept pluriel et objet d’une double énigme, dans un champ encore peu exploré par les historiens, celui des émotions dans l’ Occident médiéval des XIIIe et XIVe siècles.

Le terme latin de « compassio » appelle en effet deux sens : le premier, courant, renvoie à ce que nous entendons aujourd’hui par empathie ou partage de la douleur d’autrui. Le second, plus technique, engage une compréhension plus large du concept  où se trouvent en jeu des réactions psychiques ou corporelles d’ imitation involontaire d’un comportement. L’intérêt de ce second sens de la compassion réside dans sa diffusion énigmatique : produite par la culture savante à l’ occasion de la traduction en latin, en 1260, d’un texte attribué à Aristote, les Problemata physica , traduction que prolonge, 50 ans après, un commentaire de Pietro d’ Abano, cette notion est reconnue rapidement dans le monde universitaire européen (ce qui lui vaut de jouer le rôle de « moment fondateur » selon l’auteur), sans pourtant être reprise par la culture scientifique susceptible de relayer cette innovation : la médecine scolastique ou la philosophie naturelle.  

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10 mars 2017

Fichte, La destination du savant, Vrin Paris, 2016, lu par Florence Salvetti

http://www.vrin.fr/bookpict/2711626733.jpg     Fichte, La destination du savant, Vrin, Bibliothèque des textes philosophiques, Paris, 2016

    On connaît le célèbre mot de Bernard de Chartres rapporté par Jean Salisbury au livre III de son Metalogicon, mot d’après lequel « nous sommes comme des nains assis sur les épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux ». Fichte doit sa hauteur à deux géants. Le premier est Kant envers qui il est redevable de sa notoriété. Rappelons qu’en 1792, le penseur de Königsberg vient en aide à Fichte connaissant des difficultés financières en pressant son propre éditeur de publier l’Essai d’une critique de toute révélation de Fichte et de le payer immédiatement, ce qui est fait. Mais l’éditeur publie l’ouvrage sans nom (probablement en vue de recueillir un bénéfice plus intéressant d’un livre qui passerait pour un nouveau chef-d’œuvre de Kant plutôt que pour l’essai d’un philosophe inconnu). Ceci explique la méprise générale et initiale sur l’auteur de l’Essai, méprise à laquelle Kant ne tarde pas à remédier en intervenant dans le numéro 102 du 22 août 1792 du Journal Littéraire Universel d’Iéna, rendant ainsi à Fichte son mérite. Deux ans plus tard, Fichte, qui a pour habitude d’envoyer ses écrits à son maître, lui envoie La destination du savant qui rassemble cinq conférences du cours inaugural du philosophe entrant à l’université de Iéna pour y prendre la succession du rationaliste Reinhold, et que les éditions Vrin présentent aujourd’hui  dans la Bibliothèque des textes philosophiques. Mais comme souvent, le geste de Fichte ne trouve pas de répondant, car Kant pressé par l’âge, préfère consacrer son temps à finir son œuvre que de le perdre à lire celle d’autrui.

 

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07 mars 2017

Contre la perfection – L’éthique à l’âge du génie génétique de Michaël J Sandel, éd. VRIN matière étrangère , Lu par Guillaume Lillet

 Contre la perfection – L’éthique à l’âge du génie génétique  de Michaël J Sandel, éd. VRIN matière étrangère Lu par Guillaume Lillet

Dans ce court essai truffé d’exemples, qui servent de point de départ à la réflexion, Sandel oppose une éthique du don à une éthique de l’augmentation et de la perfection encouragée par le génie génétique. Il n’est pas question d’écarter ce dernier d’un revers de la main, mais bien de comprendre dans quelle démarche éthique il doit s’inscrire : une éthique qui prenne en considération le respect de la vie comme don. Ainsi, le génie génétique n’est pas mauvais en soi et n’a pas le monopole de l’augmentation ; tant s’en faut, certains de ses usages sont extrêmement bénéfiques à l’humanité quand d’autres pratiques courantes, loués sur un malentendu, ne seraient pourtant pas moins condamnables qu’une forme d’eugénisme.

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24 février 2017

Ghislain Deslandes, Critique de la condition managériale, PUF, 2016, lu par Eric Delassus

Dans ce livre, Ghislain Deslandes parvient à faire du management, qui est trop souvent réduit à sa dimension technoscientifique et comptable, un véritable thème de réflexion philosophique. S’opposant à la conception taylorienne qui reste aujourd’hui dominante dans de nombreuses organisations, il propose une phénoménologie managériale s’inspirant de la pensée de Michel Henry et élabore une conception plus humaine du management s’enracinant dans la subjectivité vivante des êtres humains au travail.

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31 janvier 2017

Myriam Revault d'Allonnes, La crise sans fin. Essai sur l'expérience moderne du temps, Seuil, 2012, lu par Nathalie Godefroid

http://media.paperblog.fr/i/586/5869312/livre-crise-sans-fin-essai-sur-lexperience-mo-L-qFz0qW.jpegMyriam Revault d'Allonnes, La crise sans fin. Essai sur l'expérience moderne du temps, Seuil, La couleur des idées, 2012.

Notre présent est envahi par la crise. Mais qu'entendre par « crise » ? On dit « la » crise, notion englobante qui rassemble des domaines très différents (économie, autorité, éducation…). La notion en est obscurcie. Car au sens originel la krisis, c'est le jugement, la séparation, la décision, autrement dit le moment décisif qui permet le diagnostic et la sortie de crise. Or aujourd'hui, la crise est marquée par l'indécidable, elle est permanente, c'est le milieu et la norme de notre existence, instaurant ainsi une nouvelle expérience du temps.

 Dans notre époque « post-moderne », le temps n'est plus moteur d'une histoire à faire, c'est un temps sans promesse : le futur est incertain, tout s’accélère mais rien ne bouge, l'initiative en reste paralysée. C'est pourquoi il faut repenser la question de l'orientation vers le futur, car une société peut-elle se passer d'un sens de l'histoire ?

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26 janvier 2017

Jonathan Sterne, Une histoire de la modernité sonore, La découverte/Philharmonie de Paris, « Culture sonore », traduction par Maxime Boidy, Paris, 2015 Lu par Pierre Arnoux

Jonathan Sterne, Une histoire de la modernité sonore, La découverte/Philharmonie de Paris, « Culture sonore », traduction par Maxime Boidy, Paris, 2015 Lu par Pierre Arnoux

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L’Histoire de la modernité sonore est considéré comme l’un des ouvrages fondateurs des sound studies1 études interdisciplinaires faisant du champ sonore à la fois leur objet et « une voie d’accès alternative à des problématiques centrales qui animent la réflexion en sciences humaines et sociales »2.

Son auteur, Jonathan Sterne, professeur à l’Université McGill de Montréal, se propose ainsi de comprendre « l’altération de la nature, de la signification et des pratiques sonores à la fin du XIXe siècle » (p. 5) en procédant à une histoire des technologies sonores, abordée « du point de vue archéologique », (p. 15) explicitement référé à la généalogie nietzschéenne et sa reprise foucaldienne (p. 39). Il s’agit de restituer le processus d’« extériorisation » du son, c’est-à-dire sa constitution comme entité autonome et objective, telle qu’elle a accompagné le développement des technologies de reproduction sonore, sans pour autant être unilatéralement déterminée par lui. Loin des approches « d’ordre mécanique », déterministes et s’appuyant sur la seule histoire des techniques, Sterne veut donc se pencher sur « les univers culturels et sociaux dans lesquels [les technologies de reproduction sonore] ont éclos »3 et qu’elles ont transformé en retour. En ce sens, comme le résume l’auteur, « Une histoire de la modernité explore la possibilité de reproduire le son [et] la façon dont ces technologies ont favorisé des mouvements culturels plus vastes encore. » (p. 6).

A ce titre, l’autre enjeu explicite de l’Histoire est la compréhension de la part qu’a prise le sonore dans la constitution de la modernité, et plus précisément encore dans « les formes modernes de la connaissance, de la culture et de l’organisation sociale » (p. 7). Le rôle du son et des pratiques sonores a en effet, selon l’auteur, été en grande partie masqué par le modèle visuel, prépondérant depuis les Lumières dans la manière dont l’Occident pense son évolution. En témoigne ce que Sterne nomme « litanie audiovisuelle », répartition binaire et simpliste de différentes qualités attribuées aux objets de la vision et de l’audition, qui parcourt les sciences humaines et qu’il entend invalider.

 

 

 

 

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17 janvier 2017

Michael J. Sandel, Justice, Albin Michel, 2016, lu par Marie-Christine Ibgui

Pour le professeur de philosophie, la réflexion de M. J. Sandel présente le mérite de s'appuyer sur de nombreux exemples, pour prendre la mesure de la difficulté à résoudre certains problèmes d'ordre moral. Le choix de cas précis et concrets lui permet ainsi de déployer progressivement sa propre conception de la justice, en montrant qu'elle apporte des solutions que les autres théories, dominant actuellement aux États Unis, ne lui semblent pas fournir. A une dimension pédagogique s'ajoute donc la dimension polémique de cet ouvrage, qui offre une synthèse passionnante des débats actuels sur la justice.

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13 janvier 2017

Alain Badiou, Rhapsodie pour le théâtre - Court traité philosophique, PUF, 2014, coll. Perspectives critiques, 130 pages, lu par Guillaume Lillet

Cette Rhapsodie pour le théâtre est composée de courts textes, d’aphorismes, d’abord publiés entre 1985 et 1989 dans la revue L’Art du théâtre dirigée par Antoine Vitez, pour lequel Badiou ne cache pas son admiration ; ils furent une première fois regroupés en 1990 avant de reparaître augmentés d’une préface de l’auteur, « Gloire du théâtre dans les temps obscurs », dans cette nouvelle édition des PUF.

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10 janvier 2017

Simone Weil, Amitié. L’art du bien aimer, Rivages Poche, Petite Bibliothèque, Paris, 2016, lu par Florence Salvetti.

Simone Weil, Amitié. L’art du bien aimer, Rivages Poche, Petite Bibliothèque, Paris, 2016, lu par Florence Salvetti.

           

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   Le petit ouvrage intitulé Amitié. L’art de bien aimer, édité chez Payot & Rivages en Poche, Petite Bibliothèque, et précédé de la préface de Valérie Gérard, est un extrait des Formes de l’amour implicite de Dieu. Cet écrit rédigé par Simone Weil en 1942 fait lui-même partie du recueil Attente de Dieu, paru à titre posthume en 1950. Tous les travaux de l’auteur ont été publiés sous son nom après sa mort, excepté les Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale (1934) datant de la période durant laquelle elle suspend son métier de professeur de philosophie pour défendre la cause ouvrière. Amitié est le titre de l’avant dernier point traité dans les Formes. La mention « L’art de bien aimer » n’y figure pas et a donc probablement été ajoutée par l’éditeur.

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03 janvier 2017

Jacques André, L’imprévu en séance, Gallimard, « Folio Essais », 2013, lu par Valérie Badaracco

Jacques André, L’imprévu en séance, Gallimard, « Folio Essais », 2013, lu par Valérie Badaracco

L’imprévu dont il est question dans le livre de Jacques André, psychanalyste de formation d’abord philosophique, ne sera jamais défini mais ne cessera d’être donné à voir comme ce qui, au cœur de la cure, vient attirer l’attention de l’analyste, pas seulement dans les attendus que sont le  lapsus et le rêve mais plutôt ici « quand tout est à sa place, que règne l’ordre sur la langue et que soudain, l’inouï naît de la « chose entendue », celle que depuis  longtemps on n’entend plus ». Comment restituer ce qui fait l’originalité de la cure psychanalytique, si ce n’est en montrant qu’elle voisine avec l’étonnement philosophique dont elle a même appétence à faire entendre ce dont l’ordinaire est porteur, et qui de familier devient soudain étranger ? En partant de fragments de séance, Jacques André revient sur des « fondamentaux » de la psychanalyse – le cadre, le rêve, l’interprétation, le transfert, etc. – pour les interroger, en raviver la pertinence, en signaler les limites et ce faisant, éclairer la complexité de la « réalité psychique ». Nous en retiendrons quelques-uns seulement et choisirons, par commodité,  d'appeler récit les différents moments de ce livre, même si  le terme de récit ne convient pas exactement à ce qui nous est donné à lire, qui est plutôt une sorte de cheminement s’appuyant sur des fragments de cas, sur l’histoire de la psychanalyse, sur des écrits philosophiques, permettant à l’auteur d’aller titiller les concepts établis.

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