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17 juillet 2020

Alain Corbin, Histoire du silence, Albin Michel 2016. Lu par Alexandre Klein

Alain Corbin, Histoire du silence. De la Renaissance à nos jours, Albin Michel, mars 2016 (216 pages), lu par Alexandre Klein.

 

Notre société connectée nous aurait fait perdre le sens du silence. Pire, le flot continu de paroles produit par l’hypermédiatisation nous le ferait désormais craindre. Pourtant, le silence est une source inestimable de vertus tant méditatives et réflexives que jouissives. C’est ce qu’entend nous rappeler l’historien français Alain Corbin dans son nouvel opus. Après avoir étudié les transformations de notre sensibilité aux odeurs, dans son célèbre Le Miasme et la Jonquille (1982), ou plus récemment notre rapport aux arbres ou au temps qu’il fait, ce spécialiste de l’histoire des sensibilités s’attache ici à écrire une histoire de notre relation au silence.

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18 juin 2019

Santiago Espinosa, L'Impensé, Belles Lettres 2019, lu par Jordan l'Hostis le Hir

Santiago Espinosa, L'Impensé. Inactualité de Parménide, « Encre marine », Les Belles Lettres, avril 2019 (123 pages). Lu par Jordan l'Hostis le Hir.

 

J'ouvre les yeux et des choses apparaissent, voilà tout.

L'Impensé est l'ouvrage récemment publié par Santiago Espinosa. À l'appui de fragments connus du Poème de Parménide, il y soutient l'idée que l'être est tout ce qui existe, jamais ce qui fait que les choses sont, et que le non-être n'existe pas.

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28 juin 2017

Pierre-Jean Renaudie, Husserl et les catégories, Langage, Pensée et Perception, Vrin, 2015, lu par Pierre Souq

Pierre-Jean Renaudie, Husserl et les catégories, Langage, Pensée et Perception, Paris, Vrin, 2015

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Dès les premières lignes de son ouvrage, Pierre-Jean Renaudie indexe le problème des catégories à celui de l'énonciation, et interroge le discours dans son origine et ses fondements à partir du Sophiste de Platon.

L'étranger. ― À toi de dire à propos de quoi et sur quoi porte le discours.

Théétète. ― C'est évident : à propos de moi, et sur moi.                         

(Platon, Sophiste, 263a)

 

Ainsi, que se passe-t-il lorsque l'Homme dit quelque chose ? Quelles différences faire entre le contenu du discours et l'objet visé ? À quelles conditions finalement le sujet peut-il discourir et parler du réel ?

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22 juin 2017

Jan Patočka, Le monde naturel comme problème philosophique, trad. Erika Abrams, Vrin, Paris 2016, lu par Mathieu Cochereau

Jan Patočka, Le monde naturel comme problème philosophique, trad. fr. Erika Abrams, Paris, Vrin, 2016 lu par Mathieu Cochereau

 

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Le philosophe-dissident Jan Patočka s’éteint en 1977 à la suite d’interrogatoires policiers en raison de son statut de porte-parole de la Charte 77, pétition d’intellectuels tchèques (au nombre desquels on trouve aussi Václav Havel et Václav Benda) réclamant davantage de libertés pour les citoyens au régime communiste alors en place. De l’œuvre de Patočka, on dispose de quelques grands livres (Aristote, ses devanciers, ses successeurs, Éternité et historicité ou encore les Essais hérétiques sur la philosophie de l’histoire) mais surtout de notes, de cours, de fragments divers. Le monde naturel comme problème philosophique occupe une place doublement importante, d’abord pour l’auteur lui-même et ensuite pour sa réception en France. D’abord, il s’agit de la thèse d’habilitation de Jan Patočka qui paraît en 1936 à Prague, premier ouvrage du jeune philosophe alors nettement influencé par la phénoménologie d’Edmund Husserl. Ensuite, il s’agit du premier grand texte de Patočka dont le public francophone a pu avoir connaissance, grâce à la traduction proposée en 1976 par Jaromir Danek et Henri Declève – traduction parue aux éditions Martinus Nijhoff. Le problème de cette première traduction, réputée difficile pour tous les lecteurs de Patočka, réside dans son étrange élaboration : elle est le fruit d’un tchécophone ne parlant pas tout à fait le français et d’un francophone ne maîtrisant pas totalement le tchèque. Si l’on doit à Jaromir Danek et Henri Declève un immense travail, notamment dans la diffusion en français de l’œuvre de Jan Patočka, il n’en demeure pas moins que le public francophone attendait depuis longtemps une nouvelle traduction de cette œuvre de jeunesse dans laquelle nous pensons également reconnaître un moment décisif dans l’élaboration de la pensée de Jan Patočka. Qui d’autre qu’Erika Abrams, en charge de la traduction de la quasi totalité des textes de Jan Patočka, était en mesure de réaliser un tel projet ? C’est donc comme le résultat d’une longue attente (une attente de quatre-vingts ans) que l’on doit d’abord lire Le monde naturel comme problème philosophique. Force est de constater que, tant pour le lecteur habitué à Patočka que pour celui qui souhaite le découvrir, cette nouvelle traduction offre un texte d’une grande cohérence et offre l’avantage d’être accompagnée de deux textes complémentaires (suivant ainsi les éditions tchèque et allemande) de Patočka revenant sur sa thèse d’habilitation: « Le monde naturel dans la méditation de son auteur trentre-trois ans après » (1970) et la « Postface à la première traduction française » (1976).

 

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09 mai 2017

Mériam Korichi, Traité des bons sentiments, Albin Michel, Bibliothèque Idées, 2016 Lu par Véronique Longatte

Mériam Korichi, Traité des bons sentiments, Albin Michel, Bibliothèque Idées, 2016 Lu par Véronique Longatte

                                                                               

Comment expliquer que l’expression « bons sentiments » ne soit plus utilisée de nos jours que de manière résolument péjorative ? Cet ouvrage révèle à quel point c’est au travers des mots que nous pensons. Plus qu’une évolution langagière, ce traité nous offre à examiner la pertinence des modifications idéologiques et des mœurs. Un glissement de sens n’est pas anodin, et si l’on accorde à Mériam Korichi qu’ « il est possible d’aller contre un usage général » alors par notre seule interrogation face au sens qu’il convient d’attribuer à cette expression « bons sentiments », n’est ce pas une authentique réflexion philosophique que nous nous permettrions d’entreprendre ? Au fond, qu’est ce que « penser » sinon d’interroger les mots eux-mêmes ?

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25 novembre 2016

Norman MALCOLM, Wittgenstein, un point de vue religieux ? Suivi d'une réponse de Peter Winch ; traduit et postfacé par Michel Le Du ; éditions de l'éclat, philosophie imaginaire, 2014 Lu par Marc KUSZEL.

Norman MALCOLM, Wittgenstein, un point de vue religieux ? Suivi d'une réponse de Peter Winch ; traduit et postfacé par Michel Le Du ; éditions de l'éclat, philosophie imaginaire, 2014 Lu par Marc KUSZEL.

La philosophie de Wittgenstein a sans doute été négligée et longtemps méconnue des philosophes de langue française. On se souvient du travail monumental accompli par Jacques Bouveresse pour la tirer de l'oubli ou encore des travaux remarquables de Christiane Chauviré allant dans un sens analogue. Depuis quelque temps, il semble que la tendance s'est heureusement inversée et qu'une inflation de livres consacrée à la pensée wittgensteinienne a fait son apparition. Dans cet ordre de grandeur, nous parvient en l'espèce un livre consacré au point de vue religieux de Wittgenstein, signé Norman Malcolm, dont le nom n'est certes pas étranger à quiconque s'intéresse à la pensée du maître de la philosophie analytique. Il y a bien longtemps déjà, Malcolm rédigeait un véritable petit livre d'une grande clarté en guise de postface au Cahier bleu et le cahier brun, et peu avant sa mort, cet ancien professeur de philosophie à l'Université Cornell puis au King's College de Londres tournait un dernier regard global en direction de la philosophie wittgensteinienne sous un aspect quelque peu insolite : le point de vue religieux de Wittgenstein. C'est de cet opus ultime dont nous nous efforcerons de rendre compte ici et l'enjeu est d'autant plus important que l'ouvrage lui- même fait l'objet d'une réponse de Peter Winch, collègue et ami proche de l'auteur mais également éditeur dudit ouvrage. La traduction française de ces travaux est due à Michel Le Du, maître de conférences à l'université de Strasbourg qui signe également en l'espèce une postface suivie d'une annexe. Il est aisé dans de semblables conditions de deviner que l'important volume paru aux Éditions de l'éclat promet d'être foisonnant.  

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21 mars 2016

Claude Debru, Au-delà des normes : la normativité, Hermann, Octobre 2015, lu par François Chomarat

Claude Debru : Au-delà des normes : la normativité (Hermann, Octobre 2015)

Dans son dernier livre, Claude Debru remet ses pas dans ceux de son maître Canguilhem, pour explorer à nouveau toutes les facettes du concept de normativité. Il se défend d'avoir écrit un traité, plutôt une suite d'essais. En un sens, les différentes lignes du livre tiennent à l'objet lui-même, et à une de ses idées-clés : « C'est l'expérience de la "désunité", désunité sociale autant que désunité individuelle, qui suscite l'intention et l'invention normatives » (p. 93). En effet,  « le grand arbre de la normativité humaine a certainement de nombreuses racines » (p. 94), et la normativité elle-même – capacité humaine de modifier ou de créer des normes – comporte quelque chose de transgressif, y compris à l'égard de la fixité des concepts comme des frontières disciplinaires. Cette exploration n'est donc pas non plus dissociable d'histoires de vie, et d'un certain engagement personnel et vital de l'auteur qui est coutumier des rencontres intellectuelles singulières dont beaucoup de ses travaux antérieurs peuvent témoigner.

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04 mars 2016

Jean-Jacques Rousseau, Le Lévite d’Ephraïm, suivi de Le livre des Juges (chapitres XIX-XXI), Les éditions de la transparence, lu par Aline Beilin

Chers lecteurs, chères lectrices, 

 

Les recensions paraissent et disparaissent très vite ; il est ainsi fort possible que certaines vous aient échappé en dépit de l'intérêt qu'elles présentaient pour vous. Nous avons donc décidé de leur donner, à elles comme à vous, une seconde chance. Nous avons réparti en cinq champs philosophiques, les recensions : philosophie antique, philosophie morale, philosophie esthétique, philosophie des sciences et philosophique politiques. Pendant cinq semaines correspondant à ces champs, nous publierons l'index thématique des recensions publiées cette année et proposerons chaque jour une recension à la relecture. Au terme de ce temps de reprise, nous reprendrons à notre rythme habituel la publication de nouvelles recensions. 

Recensions d'ouvrages portant sur l'histoire de la philosophie 

Recensions d'esthétique 

Recensions de philosophie politique

Recensions de philosophie antique

Recensions de philosophie morale

Recensions d'épistémologie



Jean-Jacques Rousseau, Le Lévite d’Ephraïm, Introduction, notes et bibliographie par Sébastien Labrusse, suivi de Le livre des Juges (chapitres XIX-XXI), Les éditions de la transparence, Paris, 2010.

Sébastien Labrusse propose ici une réédition d’un texte peu connu de Jean-Jacques Rousseau intitulé Le Lévite d’Ephraïm, un petit poème en prose en quatre chants, « une espèce de paraphrase » – aux dires de Rousseau lui-même – de la fin du Livre des Juges. 

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20 mai 2015

Antonio Prete, L’ordre animal des choses, Editions du chemin de ronde, 2013, lu par Nathalie Nieuviarts

L’ordre animal des choses, est un recueil de récits d’Antonio Prete, publié en français aux Editions Chemin de Ronde en 2013, et traduit de l’italien par Danièle Robert. Ces récits, très divers, nous livrent une réflexion poétique et philosophique sur la délicate frontière qui sépare et unit le monde animal et le monde humain.

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13 avril 2015

Ludwig Wittgenstein, Recherches philosophiques, Gallimard. Lu par Marc Kuszel

Ludwig Wittgenstein, Recherches philosophiques, "Tel", Gallimard, janvier 2014, 392 pages.


« Absconse, d'une froide aridité technique qui la rend presqu'illisible, la philosophie de Wittgenstein ne saurait émouvoir quiconque et seuls les spécialistes aguerris et inconditionnels de cette pensée pourront y trouver leur compte » : c'est à peu près de cette façon qu'on pourrait résumer les préjugés dont la pensée wittgensteinienne est victime dans nombre de consciences aujourd'hui encore, et que la récente réédition des Recherches philosophiques chez Gallimard ne contribuera pas peu, espère-t-on, à dissiper.

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13 février 2015

Wittgenstein, De la certitude, Elise Marrou, Ellipse, 2006. Lu par Marie-Christine Ibgui

1.Dans ce petit livre publié dans la collection « Ellipse », Elise Marrou nous offre un riche commentaire de la grande œuvre du  « troisième » Wittgenstein , intitulée  De la certitude , consacrée à l’examen de la thèse de G.E. Moore, selon laquelle la référence au sens commun permet d’établir avec certitude des propositions aussi évidentes que « je sais que ceci est ma main », « la terre a existé depuis longtemps avant ma naissance », ou encore « je sais que je ne me suis jamais beaucoup éloigné de la surface de la terre », et par la même occasion , d’en finir avec le scepticisme  et l’idéalisme philosophique.

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26 janvier 2015

Antonin Wiser : Vers une langue sans terre. Adorno et l’utopie de la littérature. Editions MSH, collection Philia, 2014 lu par Maryse Emel

Le danger est la lutte pour la domination idéologique des discours, qui se traduit par l’uniformisation, l’équivalence, et le règne des principes d’identité et de non-contradiction au sein du discours. Ainsi la langue est-elle bridée par la langue des maîtres. Procédé de désertification qui assèche la terre. Il faut donc déserter cette désertification que crée la domination. Aller vers une « langue sans terre », la libérer de ses racines : c’est cela le projet de l’utopie...

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15 décembre 2014

Barbara Cassin, L'archipel des idées, Revues / Collections : L'archipel des idées Editions de la Maison des sciences de l'homme lu par Maryse Emel

Barbara Cassin, L'archipel des idées, Revues / Collections : L'archipel des idées Editions de la Maison des sciences de l'homme. 

Un vrai pari que de présenter cet ouvrage. Un archipel a de multiples entrées. J’en choisirai  une : la figure d’Hélène de Troie.

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18 juin 2014

Benoît Charuau, La rédaction de Paul, Editions Le Manuscrit, septembre 2013, lu par Guy Renotte

Benoît Charuau, La rédaction de Paul, Editions Le Manuscrit, septembre 2013, 288 pages.

Benoît Charuau dans La rédaction de Paul, réinvente le roman polyphonique à la française, cet art du roman « total » où se mêlent fiction et essai, autobiographie et fable, parce qu’il est évident que pour lui vie et philosophie ne font qu’un, et que la littérature, comme la vie, n’a pas à se conformer à une philosophie, ni à s’engager. La littérature est engagée parce qu’elle est une action et que nous sommes « embarqués ». Il semble que Benoît Charuau ne répugne pas à prendre des risques puisque le sujet qu’il choisit de coucher sur le papier est pour le moins « sensible » : l’histoire d’un jeune détenu dont l’auteur a été le professeur de philosophie en maison d’arrêt.

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21 mars 2014

Vincent Giraud, Augustin, les signes et la manifestation, PUF, 2013, lu par Damien Auvray

Vincent Giraud, Augustin, les signes et la manifestation. Épiméthée, PUF, 2013. 

Le livre que Vincent Giraud vient de consacrer à saint Augustin s'inscrit dans une relecture du théologien qui cherche à le soustraire à la métaphysique, entendue au sens heideggérien d'onto-théologie, pour montrer que sa pensée repose non sur des catégories ontologiques, mais sur un accueil de la manifestation de Dieu, dans une perspective de louange : pensée confessante qui reçoit Dieu et se reçoit de Dieu, pensée de la donation, comme Jean-Luc Marion l'a interprétée dans son livre Au lieu de soi. L’approche de saint Augustin (2008), dans le sillage duquel Vincent Giraud se place.  

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29 mars 2013

Jean Starobinski, Diderot, un diable de ramage, Gallimard, 2012, lu par Bernard Dufour

Jean Starobinski, Diderot, un diable de ramage, Gallimard, novembre 2012, Bibliothèque des Idées, 420 pages. 

Dans la lignée de ses ouvrages essentiels sur Rousseau et Montaigne J. Starobinski publie le livre qu’on attendait qui regroupe et présente en cinq parties dix-neuf articles parus entre 1970 et 2011. Fidèle à sa méthode critique qui suppose que « Toutes les entreprises de Diderot révèlent leur unité profonde» son approche repose sur deux « principes », extériorisation et hybridation, et une figure, le chiasme, qui mêlent nature et culture —comme le suggère le terme de « ramage » que le Neveu applique à son parler— dans une œuvre qui va renouveler le sens de la fiction.

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