Walter Bruyère-Ostells, Hervé Drévillon et Jean-Christophe Romer dir., Anthologie des penseurs militaires français, Nouveau Monde Éditions, 2025 (1039 p.).
Y a-t-il une pensée militaire française ? Ce travail collectif d’une vingtaine de contributeurs sur une vingtaine d’années s’efforce d’en montrer l’existence, les caractères et les causes. Il le fait en fournissant un florilège des textes fondateurs ou significatifs de cette pensée, de Brantôme à Raymond Aron, rassemblés dans les quatre périodes de son évolution, l’Ancien Régime, le XIXème, les Guerres mondiales et l’Après-1945.
Charlotte Sabourin, Kant on Marriage, "Cambridge Elements", Cambridge University Press, 2025.
La série des « Cambridge Elements in the Philosophy of Immanuel Kant », dirigée par D. Hogan, H. Williams et A. Wood, propose des opuscules sur les concepts fondamentaux et subsidiaires du système kantien. Après ceux, entre autres, de Wood sur « les formulations de la loi morale », de P. Horstmann sur « les pouvoirs de l’imagination », de B. Vilhauer sur « la sympathie rationnelle », c’est au tour de l’universitaire canadienne Charlotte Sabourin, spécialiste de la question féministe dans la pensée des Lumières, de faire paraître une analyse de la conception kantienne du mariage en tant qu’institution juridique.
Marie Garrau, Politiques de la vulnérabilité, CNRS Editions, coll. « Biblis », 2023 [2018] (502 pages).
Préface à la réédition : Penser la vulnérabilité au temps du COVID-19 et du reste.
Ce texte,extrait d’un travail de thèse, fait suite à une crise multiple réelle et parfois fantasmée du monde moderne dont la prise de conscience modifie nos existences et transforme notre rapport au monde, bouleverse notre vision de nous-même et de l’autre. La pandémie de COVID-19 en janvier 2020 constitue le paroxysme de cette « vulnérabilité » négative dans la restriction de notre action, mais, pouvait-on le deviner ?, à vertu heuristique pour la pensée.
Céline Spector, No demos ? Souveraineté et démocratie à l’épreuve de l’Europe, Éditions du Seuil, collection « L’ordre philosophique », 2021.
Traiter philosophiquement de l’Europe en tant que totalité, en questionnant la possibilité de décrocher la souveraineté démocratique de son territoire strictement national : telle est l’ambition du livre de Céline Spector. Pour ce faire, les six chapitres traitent de problèmes de philosophie politique classique – l’échelle de la démocratie (ch. 1), la souveraineté (ch. 3), la citoyenneté (ch. 4), le peuple (ch. 5), le développement des droits sociaux (ch. 6) –, en posant la question de leur application au niveau européen, dans une forme institutionnelle correspondant à une République fédérative européenne (ch. 2).
Géraldine Muhlmann, L'imposture du théologico-politique, Belles Lettres, octobre 2022, 448 pages.
Géraldine Muhlmann est enseignante à l’Université Paris-Panthéon-Assas. C’est une spécialiste de l’analyse politique du journalisme (Une histoire politique du journalisme XIX-XXème siècle, 2007, et Du journalisme en démocratie, 2017). Elle a publié en octobre 2022, aux Belles Lettres, L’imposture du théologico-politique, dans lequel elle réoriente, semble-t-il, ses objets de recherche.
"A propos d'Antigone tout est dit et l'on vient trop tard", écrivait Nicole Loraux en 1986.
Jean-Marc Narbonne, professeur de philosophie antique à l'Université Laval de Québec, a relevé le défi, et fait paraître ces jours-ci une relecture passionnante de l'Antigone de Sophocle. Il met l'accent, non sur l'opposition éthique entre les lois de Créon et d'Antigone, mais sur le conflit politique entre Créon et son fils Hémon, entre le pouvoir du tyran et la parole des démocrates.
Professeur de philosophie antique à l'Université Laval de Québec, titulaire de la Chaire Antiquité critique et Modernité émergente, Jean-Marc Narbonne publie une analyse de l'idéal démocratique chez Aristote.
On se souvient que c'est à l'occasion de la réflexion politique d'Aristote que Léon Robin avait autrefois reproché au Stagirite deux vices opposés, "un empirisme étroit et une abstraction trop ample", préférant à La Politique d'Aristote "la force et la richesse" des Lois de Platon. Jean-Marc Narbonne discerne au contraire dans la substance de la philosophie politique d'Aristote la semence de nos pratiques et de nos théories les plus actuelles de la démocratie.
Le Hérisson et le renard. Essai sur la vision de l’Histoire de Tolstoï est un texte d’Isaiah Berlin initialement publié en 1953. Sa réédition par Les Belles Lettres, dans la collection “Le goût des idées”, accompagnée d’une préface de Mario Vargas Llosa, permet de découvrir les vues originales de l’historien des idées sur la littérature russe.
Franck Varenne, Théorie, réalité, modèle. Épistémologie des théories et des modèles face au réalisme dans les sciences, Éditions matériologiques, 2012 (259 pages). Lu par Arnaud Rosset.
Cet ouvrage vise à rendre compte des circonstances dans lesquelles l'évolution de la physique a amené le retour d'un questionnement sur le réalisme scientifique et à mettre en valeur la façon dont la valorisation récente des modèles, saisis comme des représentations intermédiaires entre la théorie et les données de l'expérience, a permis de réorienter ce questionnement.
The purpose of this book is to report on the circumstances in which the evolution of physics brought about a reexamination of scientific realism and to highlight how the recent valorisation of models, as intermediate representations between theory and data, redirects this reexamination.
Michel Chabot, Réflexion sur Qu'est-ce que les Lumières ? de Kant, collection Réflexions (im)pertinentes, éditions Bréal, 2017 (158 pages). Lu par Éric Delassus.
Loin d’être un commentaire de l’opuscule de Kant, le livre de M. Chabot se veut être une réflexion sur notre situation contemporaine à partir de la pensée de Kant.
Sébastien Roman, Nous, Machiavel et la démocratie, C.N.R.S. 2017, collection PHIL (350 pages). Lu par Bertrand Vaillant.
Machiavel peut-il nous aider à penser la société démocratique et libérale dans laquelle nous vivons, société qu’il n’a ni connue ni même imaginée ? C’est la question à laquelle l’ouvrage de Sébastien Roman, inspiré de sa thèse soutenue en 2011, entend proposer une réponse affirmative.
Crystal Cordell Paris. La philosophie politique, collection Apprendre à philosopher, Ellipses, mai 2013 (224 pages). Lu par Jean-Pierre Delange.
La philosophie politique, longtemps enseignée à l’Université avec la philosophie morale, est parfois identifiée avec la science politique, laquelle souffre des inévitables maux consécutifs de l’inexorable spécialisation des sciences humaines, au premier rang desquelles la sociologie.
Pascal Charbonnat, Les inégalités économiques et leurs croyances, Editions matériologiques, Paris, 2016
L'auteur cherche à montrer que le principal obstacle à la lutte contre les inégalités économiques ne réside pas dans des raisons objectives, mais trouve son origine dans un ensemble de croyances contradictoires partagées par tous ceux qui affichent leur volonté de lutter contre l’inégalité sociale tout en restant impuissant à le faire.
The author seeks to show that the main obstacle in the fight against economic inequalities lies not in objective reasons, but originates in a set of contradictory beliefs shared by all those that demonstrate a certain willingness to fight against social inequality while remaining powerless to do so.
Voici un titre qui, venant après deux autres ouvrages parus chez le même éditeur, Le National-Socialisme et l’antiquité (2008) et La loi du sang : penser et agir en nazi (2014), ne laissera pas, dès lors que l’on songe quelque peu à ses attendus, de devoir inquiéter un lecteur trop accoutumé aux délices de la pensée « positive ». En l’occurrence, si l’on pouvait craindre d’avoir affaire là à la énième publication sur la question nazie, dans laquelle un auteur, sans révélations essentielles, rassemblant des études déjà publiées dans différentes revues, en reprenant quelques vérités établies, dates, chiffres, ou séquences factuelles, caparaçonnées dans des évidences éthiques irréfutables, agrémentées de quelques réflexions édifiantes, trahissant chez celui-ci le sentiment, somme toute, sans doute assez plaisant, d’être un archange de la pensée affrontant la bête immonde, sachant aussi susciter chez le lecteur ce petit frisson qui vous susurre que vous êtes à la fois audacieux et du bon côté, le titre lui-même en effet relève d’un programme d’interprétation du phénomène que l’on ne saurait négliger.
Thierry Ménissier, Machiavel. Ombres et lumières du politique, Éditions Ellipses 2017, lu par Éric Delassus.
Si cet ouvrage de T. Ménissier peut apparaître comme une introduction à la lecture de Machiavel, il ne s’y réduit pas. Composé d’une analyse et d’une présentation des principales idées qui traversent cette œuvre, ainsi que d’un corpus de textes auxquels l’auteur renvoie régulièrement, puis d’un glossaire, son objectif principal, son titre l’indique, est d’interroger le paradoxe qui traverse l’œuvre de Machiavel et qui tient en ce que tout en éclairant les relations entre les hommes, elle les assombrit au point que leur intelligibilité semble parfois nous échapper.
John Stuart Mill, Sur le Socialisme, trad. Michel Lemosse, bibliothèque classique de la liberté, Les Belles Lettres, Paris, 2016.
En début d’année, les éditions Les Belles Lettres ont publié la première traduction française d’On Socialism, bref texte posthume paru en 1879, 6 ans après la mort de John Stuart Mill, qui regroupe les notes rédigées à partir de 1869 par le philosophe anglais en vue d’un ouvrage de fond sur le sujet, qu’il n’aura pas le temps de terminer. Entre notes de lecture et ébauches de chapitres, qu’il aurait sans doute éditées, cet « essai » n’en constitue pas moins une lecture consistante et profitable encore aujourd’hui, grâce à la clarté stylistique et conceptuelle et à la probité intellectuelle de Mill. Il analyse avec lucidité les méfaits de la société capitaliste tout en parvenant à prévoir les risques politiques et économiques associés au socialisme.
Catherine Kintzler, Penser la laïcité, Minerve, 2014 (220 p.). Lu par Anne Beilin.
Signataire en 1989 de la Lettre ouverte à Lionel Jospin qui demandait l'interdiction des signes religieux au sein de l'école publique, Catherine Kintzler n'a cessé depuis de prendre la laïcité comme objet philosophique. Elle approfondit ici bien des points développés dans son précédent ouvrage, Qu'est-ce-que la laïcité?, publié en 2007. Le positionnement de l'auteur est bien connu : il n'est ni nécessaire ni souhaitable de « toiletter » la laïcité et d'y apposer un adjectif – « ouverte », « apaisée », « raisonnable », «positive ». La laïcité se suffit à elle-même, à condition toutefois d'en penser le concept de manière à ce qu'il livre toutes ses propriétés et ses effets. L'ambition de Catherine Kintzler est de poursuivre ici une saisie philosophique du concept, qui permette d'éclairer les problèmes contemporains dans leurs aspects concrets.
Pierre Rosanvallon, Le Bon gouvernement, Seuil, collection Les Livres du nouveau monde, 2015. Lu par Bruno Hueber.
Le terme de démocratie, on le sait, est un de ces signifiants flottants ou de ces termes qui donnent lieu depuis longtemps à une véritable guerre des mots. Un mot, donc, pour un idéal de société émancipatrice s'il en est, qui saurait conjoindre de façon satisfaisante les libertés publiques et individuelles, une certaine justice économique et sociale ainsi qu'une prospérité raisonnable, un mot aussi malheureusement trop souvent alibi, masque ou slogan de toutes les déclarations politiciennes les plus creuses ou les plus prudentes voire des décisions les plus cyniques, un mot enfin affirmant un principe, pour ne pas dire un paradigme, celui de la souveraineté du peuple, entérinant ainsi la même égalité de dignité et de droits fondamentaux pour tous ; la démocratie est bien un mot-valise, qui ne prend son sens véritable que par la connaissance de l'histoire dans laquelle il se déploie, et de celle qu'il contribue à construire en retour par sa valeur d'idéal régulateur, ou d'horizon de normalité des sociétés modernes.
Michel Villey, La Nature et la Loi. Une philosophie du droit, éditions du Cerf, coll. La nuit surveillée. Lu par Laurent Gryn.
Le volume intitulé La nature et la loi rassemble une série d’études qui donne une bonne perception de la pensée de M. Villey. Nous trouvons dans ces études les deux pôles autour desquels tourne la philosophie du droit de l’auteur. Une critique de la pensée et de la pratique du droit contemporain, incluant une critique des droits de l’homme, et une réflexion sur le droit naturel classique que l’on retrouve, selon l’auteur, chez Aristote et Thomas d’Aquin. Il ne s’agit évidemment pas pour l’auteur de revenir purement et simplement à Aristote, Thomas d’Aquin ou au droit romain, mais d’extraire de la lecture des classiques et de la pratique des jurisconsultes romains une méthode destinée à éviter les apories auxquelles mènent les droits de l’homme.
Dans ce premier essai de Jean-Baptiste HENNEQUIN, c'est en tant que père que l'auteur choisit Machiavel comme anti-modèle pour son fils. S'adressant à son enfant devenu imperceptiblement un jeune adulte, il lui montre comment un penseur florentin du seizième siècle peut l'aider à naviguer sans sombrer dans l'époque chaotique qui est la nôtre.
Patrick Savidan, Voulons-nous vraiment l'Egalité, Albin Michel, 2015
L'ouvrage de Patrick Savidan s'en prend à un irritant paradoxe : nous voulons tous l'égalité, considérons que le pays réel est par trop inégal, et pourtant l'inégalité élève par degrés sa tête hideuse, pour paraphraser Rousseau parlant de la tyrannie. Tocqueville déjà remarque cette passion de l'égalité: « Chacun a remarqué que, de notre temps, et spécialement en France, cette passion de l'égalité prenait chaque jour une place de plus en plus grande dans le cœur humain ». Non seulement cette passion se développe, mais elle suit la loi d'un feed-back positif ; plus elle en a, plus elle en veut. S'agissant de l'amour de l'égalité, « en le satisfaisant, on le développe », remarque encore Tocqueville. Voilà qui rappelle Freud et son narcissisme des petites différences, croissant avec la petitesse des différences entre individus ; sauf que c'est l'inverse, allez comprendre. Ce constat psycho-politique étant posé, il s'agit d'expliquer pourquoi cette passion trouve de moins en moins à s'inscrire dans les faits.
Face aux nouvelles menaces qui ont plongé l'Europe dans la plus grande crise depuis la Seconde Guerre mondiale - l'afflux de réfugiés et le terrorisme islamiste -, la réaction des gouvernants oscille entre déni, colère et chantage. Mais jamais ni les autorités ni les opinions ne prennent en compte le réel. Or, cet afflux de réfugiés sur le continent ainsi que les récentes attaques terroristes en France constituent des phénomènes politiques propres au capitalisme mondialisé qui exclut des populations entières des conditions de vie supportables.
Michel Villey La Nature et la Loi, Une philosophie du droit, éditions du Cerf coll. La nuit surveillée, Lu par Laurent Gryn
Le volume intitulé La nature et la loi rassemble une série d’études qui donne une bonne perception de la pensée de M. Villey. Nous trouvons dans ces études les deux pôles autour desquels tourne la philosophie du droit de l’auteur. Une critique de la pensée et de la pratique du droit contemporain, incluant une critique des droits de l’homme, et une réflexion sur le droit naturel classique que l’on retrouve , selon l’auteur, chez Aristote et Thomas d’Aquin. Il ne s’agit évidemment pas pour l’auteur de revenir purement et simplement à Aristote, Thomas d’Aquin ou au droit romain, mais d’extraire de la lecture des classiques et de la pratique des jurisconsultes romains une méthode destinée à éviter les apories auxquelles mènent les droits de l’homme.
Pour le professeur de philosophie, la réflexion de M. J. Sandel présente le mérite de s'appuyer sur de nombreux exemples, pour prendre la mesure de la difficulté à résoudre certains problèmes d'ordre moral. Le choix de cas précis et concrets lui permet ainsi de déployer progressivement sa propre conception de la justice, en montrant qu'elle apporte des solutions que les autres théories, dominant actuellement aux États Unis, ne lui semblent pas fournir. A une dimension pédagogique s'ajoute donc la dimension polémique de cet ouvrage, qui offre une synthèse passionnante des débats actuels sur la justice.
Cette Rhapsodie pour le théâtre est composée de courts textes, d’aphorismes, d’abord publiés entre 1985 et 1989 dans la revue L’Art du théâtre dirigée par Antoine Vitez, pour lequel Badiou ne cache pas son admiration ; ils furent une première fois regroupés en 1990 avant de reparaître augmentés d’une préface de l’auteur, « Gloire du théâtre dans les temps obscurs », dans cette nouvelle édition des PUF.
L’Œil de Minerve se diversifie. Notre veille philosophique emprunte désormais deux voies : celle des recensions et celle des entretiens. Nous donnerons la parole à des chercheurs en philosophie, et mettrons en lumière la genèse de leur démarche, de leurs concepts, l’évolution de leur travail, la façon dont les recherches philosophiques au plus près des textes éclairent notre commune réalité.
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« oeil de minerve ISSN 2267-9243 » Responsable éditorial : Jeanne Szpirglas (Versailles), avec la collaboration de: Cyril Morana, Evelyne Bechthold-Rognon, Florence Benamou, Michel Cardin, Romain Couderc, Francis Foreaux, Jérôme Jardry. Mentions légales - Signaler un abus - Dane de l'académie de Versailles