Cette question est aujourd’hui au cœur des priorités de l’école comme l’a rappelé Madame Najat Vallaut-Belkacem et les chiffres importants d’élèves ayant subi des situations de harcèlement au cours de leur scolarité (10% déclarés mais sans doute près de 30%) nous ont amenés, à Bagneux, depuis deux ans déjà  à réfléchir aux gestes professionnels à développer pour permettre à tous nos élèves d’apprendre dans un climat serein et propice (cf. « Le harcèlement en milieu scolaire, qu’est-ce que c’est ? » et « Visite de Madame la Ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à Bagneux le 5 novembre 2015 »).

Si des ressources à destination des professionnels mais également des parents sont proposées par l’institution avec la création d’un site dédié (http://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/ressources/guides/le-harcelement-cest-quoi/), localement, à Bagneux, un pôle ressources d’enseignants et psychologue scolaire a pu être formé avec l’aide du Centre académique d’appui aux écoles et aux établissements des Hauts-de-Seine (C2A2E). Cette année, une volonté d’élargir cette sensibilisation à tous les enseignants volontaires a motivé l’organisation de cette conférence montée grâce aux financements dédiés à l’Education prioritaire et animée par Madame Hélène Romano.

Madame Romano, Docteur en psychologie clinique, psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée dans le psychotraumatisme, coordonnatrice de la cellule d’urgence médico-psychologique du 94 et la consultation de psychotraumatisme au CHU Henri Mondor de Créteil, intervient depuis des années en milieu scolaire suite à des événements traumatiques ainsi que sur des formations sur les pratiques dangereuses.

Durant la première partie de sa conférence, Madame Romano est revenue sur ce qui relevait du harcèlement en milieu scolaire et ce qui n’en était pas. En effet, définir précisément la situation permet d’apporter les réponses les plus adaptées. L’intervenante a ainsi rappelé que le harcèlement était une série d’actes répétés, intentionnels avec la volonté de nuire et qui faisaient violence. La particularité du milieu scolaire par rapport à celui des activités  sportives ou des colonies de vacances par exemple, est que les enfants se suivent toute la journée durant de nombreuses années de scolarité. Les conséquences de ces violences répétées en termes de destruction de la confiance en soi et dans les autres ont pu être rappelées, amenant parfois les élèves à des situations extrêmes.

Dans les cas de harcèlement, la victime est isolée et peut subir des violences aussi bien psychologiques que physiques voire même sexuelles ou sous forme de cyber-harcèlement, mais qui généralement restent sans traces. Il n’est alors pas toujours facile pour les enseignants d’identifier ces situations de harcèlement car en général, les élèves harcelés ne se plaignent pas et ces attaques sont faites « en cachette », dans les lieux ou durant les moments où les adultes sont moins présents. Différents indices d’alerte dans le cadre scolaire ont pu être répertoriés par Madame Romano pour aider les enseignants à rester particulièrement vigilants. L’importance du dialogue avec les parents qui permet également de repérer des comportements non verbaux des enfants a été également soulignée.

Le profil des élèves harceleurs, souffrant eux aussi d’une perte de confiance en eux importante, a également été présenté :  si certains enfants ont eux-mêmes vécus des situations de harcèlement ou sont victimes de violence, répercutant ainsi ce qu’ils ont subi et passant du statut de « harcelé » à celui de « harceleur », la grande majorité des élèves fait partie des « suiveurs » avec lesquels un véritable travail de développement des capacités empathiques est possible comme le propose la méthode Pikas, utilisée dans les Hauts-de-Seine. Reste alors une dernière catégorie d’élèves qui relèvent de troublent psychopathologiques plus graves liés bien souvent à des problèmes éducatifs et pour lesquels d’autres approches sont à préconiser.

Bien souvent, il y a un décalage entre le début d’une situation de harcèlement subi et le moment où l’élève s’effondre, l’année du baccalauréat étant particulièrement fragile. La question de la vulnérabilité d’un enfant harcelé s’inscrit en effet bien souvent dans une temporalité personnelle où d’autres événements viennent le fragiliser : sa fracture de vie est alors en résonnance avec la situation de harcèlement subi. Aider l’élève à mettre en lien ce qu’il a pu vivre personnellement et la période du harcèlement lui permet alors de comprendre que la situation n’est pas définitive, qu’il y a bien eu un avant et qu’il y aura un après, et que les adultes sont là pour l’aider à dépasser cette situation.

La seconde partie de la conférence a été consacrée aux gestes professionnels à acquérir. Face à une situation de harcèlement en milieu scolaire, la façon de s’adresser à l’élève, de lui poser des questions pour essayer de comprendre ce qui se passe est alors primordiale. La nécessité de ne pas stigmatiser un élève et de rester dans l’empathie relationnelle a été réaffirmée. Des exemples concrets ont pu être donnés quant à la gestion lors d’échanges individuels aussi bien avec les élèves harcelés que harceleurs plutôt qu’en grand groupe. L’idée principale étant d’aider l’enfant à comprendre ce qu’il est en train de dire pour l’amener à changer de posture. La question de la sanction a été interrogée. Mais ce que Madame Romano a rappelé avant tout, c’est la nécessité de protéger l’élève harcelé. Pour ce faire,  l’enseignant ne doit pas gérer ces situations seul et doit pouvoir y réfléchir en équipe. La place des médecins a également été réaffirmée pour les cas où la mise en place d’un Projet d’accueil individualisé (PAI) serait alors décidée. Enfin, la question du recours aux plaintes et aux mains courantes a été discutée en rappelant que plus que le procédural, il est important de travailler sur la collaboration, les projets collectifs et tout ce qui permet de montrer aux élèves que le groupe peut être une force et non un danger. Les actions de prévention, les concours, les projets sportifs, artistiques et culturels sont autant de pistes à explorer pour remettre du lien positif entre élèves. Une série de ressources documentaires a également pu être proposée aux enseignants présents pour approfondir ces questions et permettre à l’école d’être ce lieu de bienveillance pour tous.

Article rédigé par Y. Tohmé, Inspectrice de l'Éducation Nationale.