DISPARITION
Vladimir Velickovic, peintre de la Yougoslavie perdue
Duponchelle, Valérie
C'EST L'ACADÉMIE des beaux-arts, par le biais de son secrétaire perpétuel, Laurent Petitgirard, qui a fait part du décès de Vladimir Velickovic, survenu brutalement jeudi dernier à Split, en Croatie. Velickovic avait été élu à la section de peinture au fauteuil de Bernard Buffet, le 7 décembre 2005. Portant beau en habit vert devant l'objectif de la photographe Juliette Agnel, « Vlada » fut ainsi le premier artiste franco-serbe élu membre de l'Académie des beaux-arts. Il était aussi membre de l'Académie serbe des sciences et des arts.
Né le 11 août 1935 à Belgrade (alors la Yougoslavie), Vladimir Velickovic y expose pour la première fois en 1951. C'est dans cette même ville qu'il est diplômé en 1960 de la faculté d'architecture et que le Musée d'art moderne lui offre sa première exposition personnelle en 1963. Il obtient le prix de peinture de la Biennale de Paris en 1965, ville où il s'installe l'année suivante avec toute sa famille, à la Cité des arts, où il vivra et travaillera jusqu'à sa mort. Il y est révélé dès 1967 par une exposition personnelle à la galerie du Dragon et apparaît alors comme l'un des artistes importants de la figuration narrative. Velickovic n'échappe pas au Herald Tribune de New York et au Washington Post International . Le représentant du MoMA à Paris fait immédiatement l'acquisition de deux grands dessins pour son musée.
« Un univers macabre et agressif »
« Adulte, il assiste avec désespoir à la sanglante dislocation de son pays entre 1991 et 2008. Dès 1998, alors que les jeux étaient faits, il donnait pour titre à l'une de ses expositions : « Blessure(s) » et, surtout, il écrivait en exergue du catalogue : « À mon pays qui n'existe plus » » , rappelle Jean-Luc Chalumeau, commissaire de sa rétrospective à venir en décembre à Landerneau. « Témoin des atrocités commises pendant les guerres d'ex-Yougoslavie, il a voué sa peinture à la représentation du corps de l'homme qui est pour lui un champ d'investigation inépuisable. Dans son oeuvre, paysages désolés, horizons bouchés, visions de guerre et de carnage forment un univers macabre et agressif, où les représentations du monde et du corps humain sont autant d'illustrations de la souffrance infligée à l'homme par l'homme » , souligne l'Académie des beaux-arts.
« Au-delà des étiquettes, c'est surtout un peintre puissant et sombre dont les sujets sont marqués déjà par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale à Belgrade qui ont imprégné à jamais son iconographie. Les Allemands ont été particulièrement brutaux avec les Serbes : ils pendaient leurs victimes à tous les réverbères de la ville. D'où la palette noire et les sujets explicites, corbeaux, rats, hommes démantibulés. Hormis la galerie Marlborough, peu de grandes pointures du marché se risquèrent à accepter pareille dureté. La puissance de la peinture est pourtant là et ne peut laisser indifférent. Francis Bacon ne s'y trompe pas, lors de ses séjours à Paris, le génie britannique habite dans le même immeuble que la famille Velickovic dans le Marais. Les deux hommes se lient d'amitié, visitent leurs ateliers et échangent leurs correspondances en les glissant sous les portes » , nous raconte Valérie Cueto, galeriste française de New York qui représente les deux fils artistes de Vladimir Velickovic et de son épouse Maria Stella, le peintre Vuk Vidor et le dessinateur Marko Velk, dont ils ont hérité la beauté et le feu sacré.
Nommé en 1983 professeur aux Beaux-Arts de Paris, Vladimir Velickovic y a enseigné pendant dix-huit ans. « Il était un professeur adoré par ses élèves des Beaux-Arts, soutenant des artistes de grands talents tel que le peintre Axel Pahlavi, le photographe Ali Mahdavi. C'est lui qui décerna le prix de peinture de l'Institut français à Natacha Ivanova, dont il était un fervent défenseur » , souligne Valérie Cueto. Vladimir Velickovic partagea les vernissages à Landerneau de la bande joyeuse et plutôt macho de la figuration narrative. Depuis ses expositions à Moscou en 2004, Montréal en 2005 et Toulouse (Les Abattoirs) en 2011, aucune rétrospective importante ne lui a été consacrée.
Illustration(s) :
Vladimir Velickovic a enseigné pendant dix-huit ans à l'école des Beaux-Arts de Paris.
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