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LA DIAGONALE DE L’ART

Mythologies du Poisson Rouge, un choc plastique signé Renoma

(MISE À JOUR : 25 OCTOBRE 2020)

Mythologies du Poisson Rouge, un choc plastique signé Renoma

Maurice Renoma, Bain de foule, Exposition Mythologie du poisson rouge

En ouvrant l’Appart, avec une exposition mixant photographies, installations, et multimédia, Maurice Renoma qui su si bien transgresser le dress-code masculin dans les années 60, offre à Paris un nouveau lieu de rencontres artistiques à la programmation énergique et décalée.

Celui qui se confectionna, dès ses 15 ans à la fin des années 50, des vêtements en suédine ou en loden, dans un style typiquement anglais - du jamais vu pour l’époque - reste un créateur touche-à-tout de génie, visionnaire, autodidacte, qui ne recule devant aucun médium, toujours en quête de projets susceptibles de faire bouger les lignes de la création, face à des institutions culturelles trop rigides à son goût. À l’instar du Renoma Café, où il nous reçoit, le couturier Maurice Renoma nous rappelle que ce lieu magnifique qui allie design, restauration et galerie n’a pu voir le jour qu’au terme d’une farouche bataille contre des règlements absurdes qui séparaient la filière de la restauration de celle des galeries d’art.

Maurice Renoma, Le repas, Exposition Mythologie du poisson rouge

DE GAINSBOURG À WARHOL, TOUS S’Y SONT FAIT TAILLER LE COSTARD

Effacer les frontières entre l’art et la mode, mélanger des genres comme on croise des tissus, tel est l’un des crédo de Maurice Renoma qui se dit « modographe » en désignant par ce néologisme, son goût de mixer la photographie à la mode, la scénographie au design. Bousculer les standards, il en connaît les vertus et la force, celui qui ouvrit en 1963, la boutique White House Renoma, en bouleversant la mode avec ses blazers en drap militaire, ses costumes cintrés en velours de couleurs et en détournant le vêtement, et le taillant dans du tissu d’ameublement. Matières inédites, couleurs franches et coupes sculpturales, tous les ingrédients furent réunis pour que sa maison de couture se dé- marque des autres. Avec sa vision originale et audacieuse, le style Renoma devient vite célèbre : veste cintrée à larges revers, aux fentes profondes, aux épaules droites associée à un pantalon coupe droite, taille basse. Il bouscula les standards avec ses blazers en drap militaire, ses costumes cintrés en velours vert, grenat, violine... Pour la jeunesse parisienne et les personnalités artistiques et politiques de l’époque, sa boutique devint le lieu incontournable d’une mode inédite sans convention et sans concession. Serge Gainsbourg, ami proche, resta l’égérie de la marque pendant plus de 10 ans. Du rock à l’art contemporain en passant par les personnalités hollywoodiennes et sportives ainsi que les grands noms de la mode, tous s’y font tailler le costard. La liste de stars dont Renoma peut s’enorgueillir d’avoir eu comme client est impressionnante ! Brigitte Bardot, Catherine Deneuve, Eric Clapton, Bob Dylan, Elton John, John Lennon, Mike Tyson, le roi Pelé, la famille Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing, Yves Saint-Laurent, Alain Delon, Jacques Dutronc, Françoise Hardy, Jean-Paul Belmondo, Andy Warhol, Keith Richards et Jim Morrison…Sans compter tous les grands créateurs de mode, de Saint-Laurent à Lagerfeld, il fut le Couturier des couturiers.

«AUJOURD’HUI LA MODE, C’EST UNE AFFAIRE DE MARQUE ET DES MACHINES À FRIC...JE PRÉFÈRE REGARDER LES SDF..! »

Dans la mode, il n’a plus rien à prouver. Ce qui l’intéresse depuis les années 90, c’est la photographie.

Tous les vêtements que je faisais avait du sens. Aujourd’hui la mode, c’est une affaire de marque et des machines à fric ! Ça n’a rien à voire avec le style. Je préfère regarder les SDF. Ils ont une intelligence, c’est de l’art brut leur manière de s’habiller...

D’ailleurs avec ses derniers projets, Renoma procède à la manière des créateurs d’art brut qui développent de proche en proche leurs œuvres, à la manière d’un patchwork dont on ne peut pas saisir la fin. Il privilégie en photographie la pratique du noir et blanc, et donne libre cours à son goût de l’expérimentation, en s’évadant progressivement du domaine de la mode pour investir des univers (plus) poétiques et carrément philosophiques. C’est le cas notamment avec cette exposition immersive et inaugurale : « Mythologie du poisson rouge » qui invite à une réflexion sur l’environnement, et les méfaits de la pollution plastique.

Maurice Renoma, La grande consommation, Exposition Mythologie du poisson rouge

A l’origine de cette exposition, un simple objet en plastique. « J’étais dans une boutique de Tel-Aviv en Israël qui propose uniquement des objets en plastique. Mon ami Enrique Rottenberg voulait m’offrir quelque chose. J’ai choisi ce poisson rouge » explique Maurice Renoma.

«Je pense que depuis un certain temps, j’avais cette idée du plastique dans la tête. Je faisais des photos. Un an avant l’histoire du poisson rouge, j’avais survolé la Malaisie et j’ai pris conscience que l’homme était en train de détruire la nature, qu’il ravageait l’écosystème en rasant les forêts pour planter des palmiers».

Maurice Renoma se pose alors la question : comment expliquer cela aux gens.

«Ce poisson rouge en plastique m’est apparu comme un bon moyen d’expliquer cela par un biais humoristique. Même si on ne peut pas se passer du plastique - il a des avantages et des inconvénients - on peut arriver à sauver cette planète, en récupérant et recyclant ce plastique».

Maurice Renoma a sillonné le monde pendant deux ans accompagné de son poisson rouge. Il a immortalisé Cristobal dans une série de photographies humoristiques, sensuelles, tendres et saisissantes.

Maurice Renoma, Exposition Mythologie du poisson rouge

Mythologies du Poisson Rouge s’expose en deux parties : Au Souplex (les 150 m2 du sous-sol de la boutique Renoma, ancien atelier de création de la maison transformé en espace d’exposition depuis 2012) et l’Appart (la nouvelle galerie au premier étage).

« Dans le Souplex, confiné comme dans un sous-marin, on a voulu exagérer les extrêmes, tandis que l’Appart prône, lui, un côté positif et l’espoir. C’est un voyage entre inconscient et conscient ».

Un choc visuel et plastique dont il ne faut pas se priver, et qui augure de futures expositions promptes à bousculer tous nos codes culturels.

Maurice Renoma, Introspection, Exposition Mythologie du poisson rouge

Exposition Mythologies du poisson rouge jusqu’au 24 décembre 2020. Au Souplex et à L’AppartRenoma. 129, bis rue de la Pompe. 75016 Paris. Ouvert du mardi au samedi de 10h à 19h.

https://www.renoma-paris.com

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