Prix m.Duchamp 2020

     prix marcel duchamp 2020

 

Œuvre de la série «Flowers for Africa».

Œuvre de la série «Flowers for Africa».Photo centre Pompidou. ADAGP. Courtesy the artist and galerie Poggi

ART

Kapwani Kiwanga, lauréate du 20e prix Marcel-Duchamp

Par Clémentine Mercier — 20 octobre 2020 à 13:0

Avec «Flowers for Africa», l'étoile montante de l'art franco-canadien, 42 ans, a remporté les suffrages des collectionneurs privés.

Ce n’est pas le grand retour de la peinture que consacre la 20e édition du prix Marcel-Duchamp, décerné au centre Pompidou, mais plutôt des brassées de fleurs colorées, symboles fragiles d’une décolonisation fragile. Avec Flowers for Africa, la canadienne Kapwani Kiwanga est lauréate 2020 du prix des collectionneurs privés, avec une œuvre poétique et politique…

Commencé lors d’une résidence au Sénégal en 2013, ce projet s’inspire du décorum floral présent lors des négociations et des cérémonies d’indépendance des pays africains. L’artiste a retrouvé des archives avec des photos de discours et de défilés pour en reproduire les gerbes et les bouquets, matière végétale naturelle, pleine de couleurs et de vitalité, promise paradoxalement au pourrissement. L’histoire mouvante, vulnérable, qui se fane vite et renaît, voilà ce qui intéresse à la Franco-Canadienne, formée à l’anthropologie. «Il est important pour moi de mettre en avant dans mon travail la dimension personnelle de mon approche de l’histoire. Je suis avant tout une lectrice. Une interprète», expliquait Kapwani Kiwanga lors d’une exposition à la Ferme du Buisson en 2016.

«Histoires oubliées»

Présentée au prix Marcel-Duchamp par le rapporteur Emanuele Coccia, philosophe, le parcours et le palmarès de l’artiste de 42 ans impressionnent : Kapwani Kiwanga rafle de nombreux prix et attire l’intérêt des institutions les plus prestigieuses, comme le MIT de Boston. Née en 1978 à Hamilton, au Canada, d’un père tanzanien, Kapwani Kiwanga a étudié l’anthropologie et la religion comparée à l’université McGill de Montréal. Réalisatrice de documentaires à l’origine, elle investit peu à peu son anthropologie subjective dans le champ des arts plastiques et nourrit son art «des histoires oubliées», des récits qui sous-tendent la géopolitique contemporaine.

Arrivée en France en 2005, elle intègre un post-diplôme à l’école des Beaux-Arts de Paris, passe par le Fresnoy et suit des résidences aux Pays-Bas et la Box, à Bourges. Son intérêt pour l’histoire et l’anthropologie prend alors la forme d’installations, de sculptures, de photographies, de vidéos ou de performances. A la ferme Dubuisson, en 2016, elle s’est interessée par exemple aux traces matérielles de l’insurrection des Maji-Maji entre 1905 et 1907 contre l’occupant allemand au Tanganyika (actuelle Tanzanie), une révolte peu connue et réprimée dans un bain de sang. Remarquée au Canada puisqu’elle remporte le Sobey Art Award en 2018 (l’équivalent du Duchamp au Canada doté de 100 000 dollars) Kapwani Kiwanga est aussi lauréate du Frieze Award Artist à New York. Malgré l’engouement que rencontre son travail, la plupart des expositions de l’artiste ont été reportées à cause de la crise sanitaire. On peut néanmoins voir son projet syncrétique Nations à la galerie Poggi, qui présente sa troisième exposition personnelle, parallèlement à l’exposition au centre Pompidou du prix Marcel-Duchamp.

Clémentine Mercier

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