DESIGN ENZO MARI


Le designer italien Enzo Mari est mort
Avant-gardiste, il fut l’un des premiers à défendre le design pour tous, livrant dès les années 1970 les plans de son mobilier, et à prôner le respect de l’environnement. Le maître italien est mort le 19 octobre, à l’âge de 88 ans.
Par Véronique Lorelle Publié aujourd’hui à 15h32
Le designer italien Enzo Mari, en 1974. Alecchi/MP/Leemage
Il a inspiré des générations de designers, jusqu’aux jeunes makers du IIIe millénaire, qui offrent gratuitement sur Internet les plans à construire de leurs créations. L’Italien Enzo Mari, l’un des derniers maestros, est mort à l’age de 88 ans, lundi 19 octobre, à l’hôpital San Raffaele de Milan.
Ce rebelle dans l’âme, célèbre pour ses coups de gueule, a incarné une vision du design collaboratif et écologique, bien avant l’heure. Né le 27 avril 1932 dans une famille pauvre de Cerano, près de Novare, dans le Piémont, il part à Milan pour subvenir aux besoins de sa famille, et vit de petits métiers tout en se formant à l’art et à la littérature à l’Académie des beaux-arts de Brera. Devenu designer autodidacte, inspiré par les courants marxistes de son époque, il ne cesse « d’impliquer le peuple » dans ce qui fait sa vie quotidienne, alors que le design industriel est en plein essor.
En 1971, avec un archétype de chaise, livrée à plat et montable par l’usager – la Box Chair –, il propose aux consommateurs de se réapproprier une part de la production de leur mobilier, « confisquée » par les fabricants. Il pense en outre qu’en réalisant leurs meubles de leurs mains, ils en prendront un meilleur soin dans le temps. En 1972, lors de l’exposition culte consacrée par le MoMA de New York au design transalpin, « Italy : The New Domestic Landscape », il présente les vases Pago Pago dont l’utilisateur peut se servir de différentes façons, tête en bas s’il le souhaite.
Les plans livrés gratuitement
En 1974, Enzo Mari fait scandale à Milan avec son exposition « Proposta per autoprogettazione ». Cette fois-ci, c’est toute une collection de mobilier – chaise, table, bureau – dont il livre gratuitement les plans : l’idée est que chacun puisse la fabriquer soi-même avec un minimum d’outils (marteau, scie, clous et colle), pour retrouver un peu de pouvoir sur sa vie domestique et de dignité au quotidien. Il incite même tous ceux qui modifient son plan d’origine à lui adresser des notes et des photos, comme un avant-goût des posts de décoration qui foisonnent aujourd’hui sur les réseaux sociaux…
Dans son studio qu’il a fondé en 1952 à Milan, cela ne l’empêche pas de dessiner des objets fonctionnels d’une grande élégance pour des marques industrielles : Artemide, Danese, Kartell, Magis, Olivetti, Poltrona Frau, Zanotta, en Italie, mais aussi Le Creuset, Thonet ou Muji. Voilà qui lui permet de rafler à plusieurs reprises un Compasso d’oro, prix qui est au design ce que l’Oscar est au cinéma.
Dès 1995, cet avant-gardiste soucieux de l’environnement dessine pour Alessi les vases Ecolo : des bouteilles de détergent vaisselle transformées en réceptacles à fleurs grâce à différentes découpes. Les clients ont le choix entre le livret qui donne le mode d’emploi ou le vase réalisé, signé ou non, le tout à des prix divers. En 1999, il est l’initiateur du Manifeste de Barcelone qui plaide pour un serment d’Hippocrate du designer. C’est ainsi que cet enseignant martelait à ses élèves de Berlin, de Vienne ou de Milan : « Il vaudrait la peine de promouvoir une acceptation générale du principe selon lequel l’éthique doit guider toute forme de design » (Designing the 21st Century, Taschen, 2001).
Un temps d’avance
C’est un créateur « colérique, intransigeant, auteur d’objets d’une beauté immense, qui semble appartenir à un monde passé mais qui continue de rayonner », résumait le designer français Pierre Charpin dans Le Monde en janvier 2009. Une décennie plus tard, c’est toujours vrai. Non seulement Enzo Mari a toujours eu un temps d’avance, mais il continue d’inspirer une multitude de jeunes créateurs. « Enzo Mari n’est pas un designer, mais notre conscience à tous », résumait son compatriote, l’inspiré designer rock’n’roll Alessandro Mendini (1931-2019).
Enzo Mari est mort dans la capitale lombarde au lendemain de l’inauguration d’une exposition qui lui était dédiée à la Triennale de Milan (jusqu’au 28 avril 2021). Frondeur, comme toujours.
Enzo Mari en quelques dates
27 avril 1932 Naissance à Cerano (Piémont, Italie)
1971 Crée la Box Chair
1972 Expose au MoMA de New York
1974 Livre les plans de ses meubles lors d’une exposition à Milan
1995 Dessine les vases Ecolo
19 octobre 2020 Mort à Milan
Véronique Lorelle

 

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