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dimanche 11 août 2019 - 08:26:27 -0000 580 mots
Le sculpteur grec Takis est mort
L’artiste aux œuvres marquées par le métal, le magnétisme et l’électricité, s’est éteint à l’âge de 94 ans.
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L’artiste grec Takis est mort vendredi 9 août à Athènes à 94 ans. La rétrospective que lui consacre actuellement la Tate Modern à Londres est la preuve la plus récente de l’importance de son œuvre, exemplaire de la seconde moitié du XX° siècle.
Quand il naît, le 25 octobre 1925 dans une banlieue d’Athènes, Takis se nomme Panaviotis Vassilakis. Sa famille, autrefois aisée, a grandement souffert de ce que la Grèce appelle la grande catastrophe : la défaite de son armée en 1921 contre les armées turques et l’expulsion des populations chrétiennes d’Asie mineure. Durant la seconde guerre mondiale, l’adolescent entre dans la résistance contre l’occupation de son pays par les forces nazies et fascistes. La guerre finie, il s’initie aux arts en autodidacte, sa famille ne l’encourageant pas dans cette voie. Des reproductions lui révélant Picasso et Giacometti, il s’essaie à exécuter des bustes en plâtre et apprend le travail du fer dans une forge. En 1952, il réalise sa première œuvre de grande taille, Les quatre soldats, citation explicite de Giacometti.
Il prend peu après la décision de partir pour Paris, ce qu’il fait à la fin de 1953. Après un bref passage dans l’atelier d’un Brancusi âgé, il abandonne le modelage pour le métal, avec lequel il dresse ses premiers Signaux : de longues tiges de fer et, à l’extrémité, des éléments mécaniques récupérés. Les allusions aux paysages industriels et ferroviaires, aux antennes et aux radars, sont explicites : ce que Takis invente alors est un réalisme contemporain par la métonymie – les mêmes matériaux – et la ressemblance extérieure – la même forme. Il y adjoint bientôt la lumière, donc l’électricité, tout en les voulant de plus en plus souples, sensibles au vent qui les fait osciller et chanter . Ce moment est décisif pour une autre raison encore : montrés à Londres et à Paris dès 1955, ses Signaux lui valent un début de notoriété et, par ailleurs, de rencontrer deux artistes devenus et restés ses amis, Jean-Jacques Lebel et Erro.
L’onction de Marcel Duchamp
Les deux décennies suivantes sont celles des expérimentations les plus novatrices. A l’électricité, Takis ne demande plus seulement la lumière et la couleur, mais d’alimenter des champs magnétiques. En novembre 1960, il tente de faire léviter un homme grâce au magnétisme. L’homme est le poète sud-africain Sinclair Beiles qui, pour l’occasion, porte un casque de motard, et la tentative a lieu dans la galerie d’Iris Clert – elle-même d’origine grecque –, rue des Beaux-Arts à Paris. Par précaution, elle a fait tendre un filet. Judicieuse prudence. Beiles se jette dans le vide et l’aimant attaché à sa ceinture ne suffit pas à le retenir en l’air. Peu importe la chute, car la performance, contemporaine du saut dans le vide d’Yves Klein, attire l’attention sur son auteur. Sans faire partie du groupe et bien qu’on l’ait souvent enfermé dans la catégorie art cinétique , Takis est alors proche des Nouveaux Réalistes, par son audace et sa passion pour le monde qui émerge. Il reçoit comme eux l’onction de Marcel Duchamp. Recevant Takis en 1961, celui-ci voit en lui le gai laboureur des champs magnétiques et indicateur des chemins de fer doux .
Cet article est paru dans Le Monde Blogs - Passeur de Sciences