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Le Monde - ARGENT & PLACEMENTS
MARCHÉ DE L'ART
Que valent les œuvres d’art créées par une intelligence artificielle ?

 

Une reproduction par imprimante d’une image conçue par un algorithme à partir d’un corpus de 15 000 œuvres existantes a atteint plus de 390 000 euros en 2018, avant que le soufflé ne retombe l’année suivante.

Par Roxana Azimi 



« Portrait d’Edmond de Belamy », produit par intelligence artificielle (impression sur toile, 70 x 70 cm) adjugé pour près de 390 000 euros, à New York, en  2018. Christie's
En octobre 2018, le monde de l’art a cru tomber de sa chaise. Le Portrait d’Edmond de Belamy, produit par le collectif français Obvious avec le concours de l’intelligence artificielle, a été adjugé pour 432 500 dollars (390 115 euros) chez Christie’s. Soit quarante-cinq fois son estimation ! L’œuvre n’était pas une peinture de chevalet, mais une reproduction par imprimante d’une image conçue par un algorithme à partir d’un corpus de 15 000 œuvres existantes.

Ce prix dépasse de très loin le total de 98 000 dollars décroché par une vente aux enchères caritatives de vingt-neuf œuvres produites par l’intelligence artificielle, et vendues par Google en 2016. Et il est d’autant plus surprenant, voire irritant, que l’œuvre ne présente aucune qualité artistique ni avancée technologique. Obvious n’a pas conçu l’algorithme et a utilisé le procédé d’apprentissage automatique (« machine learning ») mis au point en 2014 par le chercheur en intelligence artificielle, Ian Goodfellow.

Le soufflé est d’ailleurs vite retombé. Deux autres toiles d’Obvious ont décroché de piètres résultats chez Sotheby’s en novembre 2019. La Baronne de Belamy, réalisée selon le même principe que le Portrait d’Edmond de Belamy, a plafonné à 25 000 dollars sur une seule enchère, tandis qu’une autre peinture inspirée des estampes japonaises traditionnelles n’a pas dépassé 16 250 dollars.

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Bien que le terme d’intelligence artificielle soit né dans les années 1950, les ventes aux enchères peinent encore à le cerner. « Le marché a toujours été réticent à l’idée de promouvoir des œuvres incluant des composants électroniques ou se déployant en ligne, observe le curateur Dominique Moulon, spécialiste de l’art numérique. Essentiellement pour des questions de maintenance donc de pérennité. Il faut du temps au marché pour s’adapter aux nouvelles tendances, tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’œuvres ayant des parts d’immatériel. »

Le même destin que la photographie
Christie’s avoue d’ailleurs « ne pas prévoir dans l’immédiat de ventes consacrées aux œuvres nées de l’intelligence artificielle ». Mais, l’écurie de François Pinault n’exclut pas que l’usage de cette technologie connaisse le même destin que la photographie. Et de préciser : « Développer les outils c’est aujourd’hui coûteux et il faut des compétences spécifiques pour les utiliser, mais demain, ils seront plus largement diffusés. »

 

 

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