Dans l'étrange musée de Catherine Balet

Le Monde

Monde des livres, vendredi 11 novembre 2016 369 mots, p. LIV9

Le Monde des Livres

Livres d'images Photo

Dans l'étrange musée de Catherine Balet

L'artiste a reproduit des clichés fameux en faisant poser un ami. Ambigu et stimulant

Amaury da Cunha

Au début, on manque de se faire avoir. En ouvrant rapidement Looking for the Masters in Ricardo's Golden Shoes, on pense qu'il s'agit d'une anthologie des photographies les plus iconiques de l'histoire. Des clichés de Nadar, Walker Evans, Bill Brandt, jusqu'à Antoine d'Agata... En y regardant de plus près, ces images s'avèrent être des « remakes », parfaitement réalisés, dans l'esprit des tirages originels (la gamme des gris, par exemple, des images d'Henri Cartier-Bresson est subtilement imitée).

Mais quelque chose cloche. Un personnage, toujours le même, prend la pose, à la place du modèle d'origine. Il s'appelle Ricardo Martinez Paz : c'est un ami de la photographe franco-britannique Catherine Balet, qui lui a toujours trouvé un air de ressemblance avec Pablo Picasso.

Elle raconte qu'un jour, alors qu'elle prenait un petit déjeuner avec lui, il portait une marinière. Des croissants étaient en outre posés sur la table - comme dans le célèbre cliché Les Pains(1952) de Doisneau, représentant le peintre espagnol. Pour s'amuser, elle refait l'image à l'iPhone et la diffuse sur les réseaux sociaux.

Le succès est immédiat, ce qui l'encourage à prendre plus au sérieux ce projet. Elle décide alors, avec le même Ricardo, de revisiter les cent soixante-seize ans de l'histoire de la photographie, retenant surtout des images phares qui circulent sur Internet, et que l'on connaît par coeur, sans se souvenir, parfois, de l'identité des auteurs.

Hommage ou sacrilège ?

Le résultat est troublant. Cet exercice de style, étrange et burlesque, déstabilise la mémoire, tout en la stimulant. On tourne les pages de ce musée imaginaire en riant, sans trop comprendre l'effet produit sur nous par ces contrefaçons : sapent-elles l'aura des originaux ? Leur rendent-­elles, aussi, indirectement hommage ?

Cette ambiguïté fait tout l'intérêt de ce livre, et pose des questions cruciales : face au foisonnement contemporain des images, lesquelles resteront dans l'histoire ? Comment et pourquoi une photographie devient-elle une icône ?

Résultat de recherche d'images pour "catherine balet artiste"

 

« Hommage à R. Doisneau, Les Pains de Picasso » (2013), de Catherine Balet.

Haut de page