À deux doigts de l’écrire ce putain d’livre-là
À deux doigts, à deux pieds, à demain, à plein ventre
À deux doigts de m’y mettre, d’y cracher ce que j’dois
Au seuil du Grand Œuvre qui me murmure : Entre !
J’y dépos’rai fissa la somme de mes savoirs
Pour ne plus jamais en oublier un seul
Pour qu’il m’éclaire derrière, pour qu’il m’éclaire devant
Pour qu’il soit le guetteur logé contre mon cœur
Qu’il soit un paravent
Un vrai gilet pare-balles
Mon seul truc abouti
Enfin indispensable
Et j’y mettrai aussi tous mes ravissements
Et ma joie d’exister, d’un jour avoir été
Mes dialogues incessants avec tous ces anciens
Sur les traces desquels j’ai posé mes deux mains ;
Leur répondre enfin que j’ai léché les pierres
Des monuments écrits qu’ils ont esséminés
Et que même si j’en crève de l’oubli qui viendra
Ils furent les sentinelles de mon chemin à moi
J’ai rencontré la vie, j’ai rencontré la Terre
Et j’ai aimé les fleurs, l’herbe drue et les troncs,
J’ai dansé dans la boue qui craquelle la peau
Et je me suis vautrée dans de nouveaux sillons
Qui ne menèrent, final, qu’au plaisir d’exister
Mais tout ce que je sais, que j’ai accumulé
Au fil de cette vie qui devra basculer
Je désire l’amasser dans le livre à venir
Qui s’échappe sans fin et ne fait que partir
Quand j’adoube les textes que je crois achevés
À deux doigts de l’écrire ce putain d’livre-là
À deux doigts, à deux pieds, à demain, à plein ventre
À deux doigts de m’y mettre, d’y cracher ce que j’dois
Au seuil du Grand Œuvre qui me murmure : Entre !