oct. 31

Froid

Tu rentres dans les draps hivernaux du grand lit

Et tu cherches l’autre corps pour réchauffer ton cœur

Mais le sommeil se fâche, se montre endolori

Quand il lui faut soudain fournir double chaleur.

 

 

 

Ton cœur en petite robe à fleurettes et bretelles

Refuse de bronzer quand l’été nous revient

Il préfère cloquer et rougir les dentelles

Parti pris de la honte, lui qui n’a jamais rien.

 

 

 

Il grossira sans doute et te fera pleurer

Devant des suppliciés, pour une ordure de plus

Pour un regard, enfin, devant un nouveau-né

Qui vagit, déchirant, pour la tétée de plus.

 

 

 

Il prendra tant de place qu’il te faudra des gaines

Pour oser te montrer, sortir en société.

Evite l’étiolement, investis dans la laine

Parce qu’au cœur de l’hiver, quand les draps sont gelés

 

 

 

Il n’y a jamais personne pour réchauffer un cœur

Qui débute, esseulé, ne sachant que jouer

A l’outil primordial, au cœur, au simple cœur

Pompant, distribuant. Réchauffe pour saigner.  

 


 

Du domaine des oiseaux

Il est un espace clair

Sur un plateau volant

Perdu sur la colline

Bien au-dessus des pins

Où le ciel se finit

Sur la butée des Maures.

 

Il existe quelque part

Une trouée solaire

Que fuient tous les nuages

Protégée par la croix

Qui unit les deux mondes

Grâce à son cœur de pierre.

 

Un endroit libéré

De toute humanité

Et fourmillant de vies

Qui pulsent dans leurs cris ;

N’y chantent dans le vent

Que les moineaux farceurs

Les colombes indolentes

Et la raison des pies.

 

Un fracas éternel

Pénètre tes tympans

Efface les plis du front

Et récupère ton âme ;

C’est ce que je te lègue

Pour alléger ta route,

 

Cet espace clair-là

Ce quelque part perdu

Cet endroit protégé

Au-delà de la croix

Qui marque son entrée

C’est ta carte postale,

Pour les années qui viennent,

Envoyée de l’hiver

Deux mille vingt-et-un

Du domaine des oiseaux.

août 4

Et quand les dieux se fâchent...

 

 

 

Comme un bel accident…

Le pied a fait un trou

On nage dans du sang

Mais on crée le vaudou !

 

 

 

Des grains de sable qui crissent

Les fils qui étranglent

Des araignées qui tissent

Des filons et des sangles

 

 

 

Le sable est un caillou

Qui écrase les têtes

Et il est le caillot

Qui tue pendant les fêtes

 

 

 

La trace crée des montagnes

Il faut tuer Babel

La vallée est le pagne

Qui broie les tourterelles

 

 

 

Et quand les dieux se fâchent

Ils sont impitoyables

Ils oublient d’être lâches

Quand leurs jeux sont de sable.

Le reflet

 

 

 

Si j’effeuille la marguerite ce n’est pas pour m’en

Gaver. Arracher des pétales blancs, les jeter,

Faire naître le bouton nu n’est même plus un jeu d’enfant.

Le massacre a eu lieu et j’en suis désolée.

 

 

 

Si j’effeuille la marguerite ce n’est même pas pour

Pleurer. La tige qui s’élance vers le point

Vivant encore, je la dédouble, la jette au jour.

Le massacre a eu lieu, je ne pouvais pas moins.

 

 

 

Si j’effeuille la marguerite ce n’est pas pour

Espérer. Regarder le bouton tout petit

Esseulé ; se dire qu’il est bien laid, riquiqui

Puis d’un coup, entre pouce et index, l’écraser.

"Je fais semblant de croire..."

Je fais semblant de croire aux chaleurs de l’été

Aux idées, à l’espoir, la belle humanité

Je fais semblant souvent pour faire croire au bonheur

La tête renversée je vomis ma gaieté

 

 

 

Je fais semblant de vie et semblant de jeunesse

Le vent dans mes cheveux, parti pris de l’ivresse

Je fais celle qui colore, je fais rouge jaune vert bleu

La tête renversée je m’ouvre comme une ogresse

 

 

 

Quand je suis dans le rai, je vois bien la poussière

La vie et ses grimaces me montre son derrière

Réalité obscène. J’ai cassé le miroir.

 

 

 

Deux millénaires plus tard l’homme n’a rien appris

Tout ce qui respire est en dehors de lui.

Je fais semblant de croire que ce n’est qu’un cafard.

"Il n'est pas noir..."

Il n’est pas noir, il n’est pas rouge,

L’enfer, c’est plutôt gris.

C’est un manteau qui n’tient pas chaud

Et qui rappelle le paradis.

 

 

 

Entre les jeans et les costumes

Les têtes rases, les cheveux longs

Y a des idées qui filent le rhume

Des trous du cul en pantalons.

 

 

 

Talons vernis, baskets pourries

J’ai le savoir, j’ai l’expérience.

Robes moirées, jupettes fleuries

On enlaidit, j’ai de l’avance.

 

 

 

Entre les slips et les caleçons

La politique et le social

J’ai un pétard, j’ai le bourdon

Et j’en ricane avec mon ch’val.

 

 

 

Entre polos et chemisettes

J’ai la jeunesse, c’est la mariée…

Des cols roulés, des pulls en V

J’ai la sagesse…Bonjour Pierrette !

 

 

 

J’ai fait des gosses :j’en suis content !

Je suis de gauche, j’vote RPR

Les fonctionnaires ? Des tire-au-flanc…

Bonjour mon père, monsieur le Maire…

 

 

 

Il n’est pas rose, il n’est pas noir,

L’enfer, c’est délavé

Des marionnettes y jouent leur vie

Dans cet imper qui prend la pluie.

"Mon sourire est si las..."

Je suis grave, ô ma mère, j’ai la tristesse des grands

Explorateurs qui ont trop voyagé et vu

Trop de cités pillées et ravagées devant

Leur avancée.

                        J’ai la gravité des malvenus.

 

 

Mon sourire est si las que mes cheveux blanchissent.

Mon œil a la sagesse désabusée des vieilles

Edentées qui ont beaucoup donné et glissent

Du regard devant la vanité, vomissant

                                                              Des merveilles.

 

 

Il n’y a guère que mes doigts qui vivent en se nouant.

Je serre un élastique que je roule et déroule

De manière mécanique, sans décider comment

Il deviendra quand je serai trop saoule.