"J'ai mis un pull trop grand..."

J’ai mis un pull trop grand pour mes frêles épaules

Bien trop long, bien trop large, mais c’était un cadeau

Que je trouvais parfait. Tricotez, Marie-Paule,

En point mousse, en marine, en amour bien au chaud.

 

 

 

Il avait la souplesse des vagues de mes étés

Le côté non poli de mes jours de sauvage

Et l’odeur d’un grand large que j’ai toujours cherché,

Quelque chose d’un noyé au-dessous du naufrage.

 

 

 

A force de m’y complaire, d’y rentrer jusqu’aux pieds

D’y enfoncer mon nez même au cœur de l’été

Mon pull est devenu un vieux tronc d’olivier

Au pied duquel, démence, je me suis échouée.

 

 

 

Quand les branches ont fleuri j’ai reçu en échange

Un tout petit bout d’homme qui s’est blotti au chaud

Sous le pull, contre moi, contre le tronc étrange.

Un deuxième, un troisième, un énième marmot…

 

 

 

Ils sont tous venus sous le pull avec moi.

Mais les branches grossissent et les rameaux grandissent

Et des lambeaux de laine s’effilochent et pourrissent

Au sommet du vieil arbre qui se meurt sans moi.

 

 

 

Il me reste le rouge pour mes larges épaules

Le choix de l’acrylique fabriqué en Corée.
Il n’y aura plus d’amour ma chère Marie-Paule,

Et un pull étriqué sera mon bouclier.