oct. 31

Programme

J’endurcis, je carris mes épaules

Et j’assèche mes bras

C’est la force du haut qui traînera le bas

 

Et puis je tanne le tout

Il faut que meure la chair

Le moelleux et le blanc, le doux et le rosé

 

C’est l’avant-dernier âge, c’est celui du carré

Et c’est la salamandre sans queue et desséchée

Qui me l’a raconté dans un brûlant soleil

 

Je cultive désormais le sec et le brûlé

Le rugueux de ma peau

Les stries de mon passé

 

J’ai des bras qui propulsent et des pieds qui acquiescent

Les épaules adaptées

Pour gravir, ultime, le tout dernier sentier

 

"J'ai le corps déformé..."

J’ai le corps déformé de celles qui ont donné,

Des seins lourds, avachis, un ventre qui a porté

De multiples petits ; ils ont tous bien grandi

Et puis s’en sont allés sans le moindre souci.

 

 

 

J’ai le corps déformé de celles qui ont donné,

Des bras bien trop musclés et un dos très courbé

Qui me fait voir la terre aride de par ici

Que j’ai tant travaillé sans le moindre merci.

 

 

 

Mes jambes boursouflées et mes pieds trop petits

Sont dans les pantalons de mon défunt mari

Que j’ai toujours haï parce qu’il n’a su donner

Que des silences lourds ou des cris de taré.

 

 

 

Il y a trop de dimanches pour mon corps déformé,

Trop de jours à venir qu’il me reste à porter,

Trop de matins d’été qui me verront courbée ;

Je suis ma foi trop laide pour la moindre piété.

"Quand je ne pourrai plus..."

Quand je ne pourrai plus aller au bout du monde

Que l’univers entier sera un bout de moi

Quand le soleil d’hiver me dira « autrefois »

Et que la Terre enfin ne me sera plus ronde

 

 

 

Que me restera-t-il ? Quelques pâles souv’nirs

Brillants près de l’enfance, éteints dans mes hiers

De chipoteux remords et des regrets bien pires

Autour de mon nombril emmitouflé d’hiver.

 

 

 

Je pourrai dire souriante que j’ai un jour été

Que je ne l’savais pas avant d’être édentée

Puis j’irai arroser mon champ de stalagmites

 

 

 

J’aurai encore mes bras et je pourrai serrer

Dans d’ultimes câlins mon torse nourricier

Duquel s’échappera des odeurs d’antimites.