août 4

"Moi quand je serai grande..."

Moi quand je serai grande, je serai un garçon

Je dirai des choses bêtes pour embêter les filles

Et je ferai du bruit avec mon grand avion

-Taratatata- Et maman aura peur, elle deviendra gentille.

 

 

 

Je serai tellement grand que je boirai le ciel

Et il fera plus beau, plus jamais, sur la terre

Et les gens pleureront pour que je rend’ le ciel

-Non. Non . Non !- Et maman sera triste, je lui donnerai la mer.

 

 

 

Je serai si terrible que ça s’ra moi le chef

Alors je command’rai et je f’rai qu’est-c’que j’veux

J’irai plus à l’école parc’que c’est moi le chef

-Bang.Bang.Bang- Et maman s’ra d’accord, elle dira « comme tu veux ».

 

 

 

Et puis j’mettrai des bombes pour qu’tous les profs y meurent

Y’aura plus le collège, y rest’ra qu’ma maison.

Et les gens y diront que j’suis plus déshonneur

-Hip.Hip.Hip. Hourra- Et maman elle s’ra fière de son nouveau garçon.

 

 

 

Les gens ils m’aim’ront tant que ma maman aussi

Quand j’aurai tout cassé, ils verront qui je suis

Et ils regretteront de m’avoir tant traitée

Et p’têtre que ma maman elle voudra bien m’aimer.

Oralité

 

 

 

Je me souviens d’un chant qui n’a plus de paroles

Qui dit Lalalala sur un air tristounet.

La terre dure de l’hiver accouche de rigoles

Qui craquelle la boue dans un bruit de rouet.

 

 

 

Bien sûr qu’il y a le sang de ceux qu’on égorgea

Mais il s’éteint déjà caché dessous la glace

Bien sûr qu’il y a la laine de celle qui tissa

Pour ne pas voir, au jour, les corps jonchant la place.

 

 

 

Le matin était sale, les cadavres étaient gris

Mais Rosita chantait pour son chat Mistigri

Pour son enfant à naître, elle disait Lalala.

 

 

 

Elle n’était pas poète, ne s’est jamais servi

De l’immortalité pour avoir un sursis ;

Mais ce soir je suis là, et je vois, Lalala.

 

Encore

Il y aura d’autres danses, on pourra dire encore,

D’autres matins d’été, de nouvelles moiteurs,

Des odeurs délirantes dans le pli de nos cœurs

Nous feront soupirer et repousser la mort.

 

 

 

Tu verras mon amour qu’on renaîtra encore

Liés à tout jamais par les jambes par les bras

Dans un lit infini il y aura d’autres ébats

Nos rires étincelants repousseront la mort.

 

 

 

Parc’ qu’on est barbouillés de pleurs et de salive

Que nos nez sont bouchés, je pars à la dérive…

Transmets-moi ton odeur pour repousser la mort.

 

 

 

Mets ta main sur ma joue pour manger mon profil

Ton doigt est dans ma bouche, je le dévore, une île

Si je deviens ta plaie je me rends à la mort.

Parler d'L

 

 

 

Elle a souvent rêvé de défier tous ceux-là

-Elle a connu la lutte et le sang sur ses mains-

D’être celle qui jamais ne perdit et gagna

D’être enfin la première à dire Non à demain.

 

 

 

Mais celle qui connaissait le sourire des combats

Le goût du sang séché et l’odeur des grands rois

Un matin a dit non à sa belle cuirasse

Au matin a dit « passe. Il n’y a plus de chasse. »

 

 

 

Ce fut le soir, je crois, qu’agenouillée et nue

Devant le grand Tiba, à côté de l’entrée,

Elle a baissé la tête pour dire : « je n’en puis plus »

Et ses bras sont tombés devant cett’ vérité.

 

 

 

« Ce soir,

Je suis prête à subir les tout derniers outrages

Vaincue par leur présence maint’nant qu’ils ne sont plus

Regarde, mes mains, mon œil éteint t’encouragent

Mon glaive ne tient plus droit, j’ai l’orgueil abattu. »

"Elles ont vidé le fil..."

Elles ont vidé le fil qui attachait ma vie.

Je pouvais m’éloigner ou bien le remonter

J’étais rivée à lui, il était ma survie

Mes hiers-aujourd’hui, mon seul laissez-passer.

 

 

 

Il a fallu du temps pour qu’il se coupe enfin

Cesse de me nourrir et me laisse échouée

Dans cet ailleurs aride que je ne voyais point

Au milieu de ces folles au sourire édenté.

 

 

 

C’est mon crâne sans poils et cette main ridée

Lourde comme un gibet ne saisit que du vide,

Je n’ai rien à broyer sinon des fleurs fanées.

 

 

 

Quand je ferme les yeux parfois je sens le fil

J’ai son goût dans la bouche avec le manque en plus

J’accouche d’un squelette en fixant mon nombril.

Et quand les dieux se fâchent...

 

 

 

Comme un bel accident…

Le pied a fait un trou

On nage dans du sang

Mais on crée le vaudou !

 

 

 

Des grains de sable qui crissent

Les fils qui étranglent

Des araignées qui tissent

Des filons et des sangles

 

 

 

Le sable est un caillou

Qui écrase les têtes

Et il est le caillot

Qui tue pendant les fêtes

 

 

 

La trace crée des montagnes

Il faut tuer Babel

La vallée est le pagne

Qui broie les tourterelles

 

 

 

Et quand les dieux se fâchent

Ils sont impitoyables

Ils oublient d’être lâches

Quand leurs jeux sont de sable.

"Quand le désir parfume..."

Quand le désir parfume la silhouette du vide

Qui se met à danser devant mes yeux éteints

J’ai le cœur qui se serre et l’âme qui se ride

Les papillons d’avant volètent dans tous les coins…

 

 

 

Je rêve d’approcher, de fondre dans l’illusion

Mes pupilles dilatées reflètent la pure beauté

Que la forme blanchâtre se forge à ma façon !

Les papillons d’avant volètent dans la gaieté…

 

 

 

J’ai la lourdeur des corps pétris dans le granit

Mon cerveau hébété enregistre un regret

Aussi lisse et fuyant qu’un bout de bakélite

Les papillons d’avant volètent dans un rai…

 

 

 

Quand le désir habille la silhouette du vide

Qui se met à danser devant mes yeux, en vain

J’ai la main qui sanglote et ma vie qui se vide

Les papillons d’avant se meurent dans le lointain.

"Mais c'était en amie..."

Mais c’était en amie que je venais vous voir

Et j’avais apporté de belles fleurs des champs

J’avais laissé chez moi mon manteau de cafard

Pour être plus légère, plus jolie que le vent.

 

 

 

Je venais raconter ce que j’avais trouvé

L’aurore qui se lève juste derrière le ruisseau

Et qui devient clarté lorsqu’elle court dans le pré.

A travers les feuillages le jour me semblait beau.

 

 

 

Il a fallu pourtant que vous vous enfermiez…

A travers le volet vous m’avez regardée :

J’ai jeté le bouquet aux pieds de la statue.

 

 

 

Vous m’avez fait penser aux hommes de la vallée

Un cauchemar éteint venait de s’allumer…

Il fallait peu de choses, seulement que je vous tue.

Le reflet

 

 

 

Si j’effeuille la marguerite ce n’est pas pour m’en

Gaver. Arracher des pétales blancs, les jeter,

Faire naître le bouton nu n’est même plus un jeu d’enfant.

Le massacre a eu lieu et j’en suis désolée.

 

 

 

Si j’effeuille la marguerite ce n’est même pas pour

Pleurer. La tige qui s’élance vers le point

Vivant encore, je la dédouble, la jette au jour.

Le massacre a eu lieu, je ne pouvais pas moins.

 

 

 

Si j’effeuille la marguerite ce n’est pas pour

Espérer. Regarder le bouton tout petit

Esseulé ; se dire qu’il est bien laid, riquiqui

Puis d’un coup, entre pouce et index, l’écraser.

"Je fais semblant de croire..."

Je fais semblant de croire aux chaleurs de l’été

Aux idées, à l’espoir, la belle humanité

Je fais semblant souvent pour faire croire au bonheur

La tête renversée je vomis ma gaieté

 

 

 

Je fais semblant de vie et semblant de jeunesse

Le vent dans mes cheveux, parti pris de l’ivresse

Je fais celle qui colore, je fais rouge jaune vert bleu

La tête renversée je m’ouvre comme une ogresse

 

 

 

Quand je suis dans le rai, je vois bien la poussière

La vie et ses grimaces me montre son derrière

Réalité obscène. J’ai cassé le miroir.

 

 

 

Deux millénaires plus tard l’homme n’a rien appris

Tout ce qui respire est en dehors de lui.

Je fais semblant de croire que ce n’est qu’un cafard.

- page 3 de 4 -