Alfred Hitchcock présente lui-même son chef-d'œuvre avec l'humour qu'on lui connaît (mais il faut avoir le courage de supporter les 36 premières secondes de la vidéo agrémentée d'un habillage sonore particulièrement pénible).
Difficile de voir aujourd’hui "À bout de souffle" en faisant abstraction de sa réputation de film décisif dans l’histoire du cinéma. En effet, le premier long métrage de Godard, sans doute son plus célèbre avec "Le Mépris", est généralement considéré comme un monument historique qu’on ne revisite finalement que très rarement. Pourtant, revoir "À bout de souffle" au présent réserve quelques surprises. La première c’est que le film est tout l’inverse d’un chef-d’oeuvre monumental. C’est, au contraire, un petit film nerveux, lyrique, désinvolte, d’une fraîcheur toujours resplendissante malgré les 57 ans qui nous séparent de son année de réalisation. Dédié à la Monogram Pictures, une firme américaine spécialisée dans la série B, le film de Godard frappe par son mélange de naturel et d’artifice, d’innocence et de conscience de soi. Le naturel c’est celui avec lequel le plus français des cinéastes suisses raconte cette histoire d’une simplicité absolue – un meurtre, une histoire d’amour – au mépris de toute vraisemblance et de toute convention. L’innocence c’est aussi celle avec laquelle les comédiens promènent leur silhouette dans un Paris éblouissant et tellement charmant, sans avoir aucune conscience de faire partie de l’histoire du cinéma. Et c’est encore cette liberté de ton dans le jeu, cette insolence dans les dialogues truffés, comme il se doit, de citations et d’aphorismes et cette manière de remettre les compteurs à l’heure exacte en ce qui concerne les moeurs, une certaine aisance de la jeunesse d’alors avec la sexualité que le cinéma n’avait jamais encore photographiée. L’artifice, lui, est surtout visible dans les regards-caméras, les adresses au spectateur, les raccords à l’emporte-pièces et les fameux jumps-cut (littéralement sautes dans le plan) qui sautent aux yeux, même si, depuis, on en a vu bien d’autres. Et c’est aussi ce sentiment que Belmondo et Seberg jouent en permanence à être des personnages de cinéma. Tout particulièrement, Belmondo, alias Michel Poiccard, amoral, misogyne, charmeur, gigolo, jaloux, qui a vu trop de films, a trop regardé la gestuelle d’Humphrey Bogart (et tout particulièrement ce pouce qu’il se passe si fréquemment sur les lèvres) pour que cette cinéphilie latente n’influence pas fondamentalement son comportement.
Pour en savoir plus, site de l'ACRIF (Association des cinémas de recherche d'Île-de-France).
Réalisé au tout début des années 80, "Blow Out" est à la fois le dernier film d’une période particulièrement faste dans la filmographie de Brian De Palma – période qui avait débuté quelques années plus tôt avec "Soeurs de sang" – et très certainement son point culminant. Directement inspiré, comme son titre l’indique, par le dispositif du mythique "Blow Up" d’Antonioni, ici transposé sur un plan purement sonore, "Blow Out" est en effet un concentré du cinéma maniériste de Brian De Palma. À l’époque, beaucoup de cinéphiles considèrent encore De Palma comme un petit maître, un imitateur de Hitchcock, ou ici d’Antonioni, sans voir que son projet est précisément de retravailler des figures, des formes pour aller ailleurs. Précisément, ce qu’on nomme maniérisme sans pour autant que le terme, inspiré par l’histoire de l’art et la période qui suit immédiatement la Renaissance italienne, ait la moindre connotation péjorative. Dans "Blow Out", les références et autres allusions sont évidemment nombreuses : "Blow Up" donc, mais aussi "Psychose" et "Vertigo" sans oublier l’assassinat de Kennedy et les théories du complot qui en ont découlé. Sur ce fond très riche, voire un peu chargé, De Palma réalise une sorte de rêve : faire une oeuvre entièrement théorique qui soit, en même temps, un pur film de genre.
Pour en savoir plus, site de l'ACRIF (Association des cinémas de recherche d'Île-de-France).
Les élèves de Terminale littéraire du lycée Marguerite Yourcenar vous livrent leurs commentaires sur le film.
Quand il tourne L’homme qui tua Liberty Valance au début des années 60, John Ford a derrière lui une oeuvre considérable et une série de chefs-d’oeuvre au compteur. Dans le sprint final qui va le mener en 1966 à son ultime film, Frontière chinoise, il ne décélère pas, bien au contraire, mais on sent chez lui le désir de se retourner sur l’histoire de cet Ouest qu’il a tellement « légendé » tout au long de sa trajectoire. C’est notamment visible dans des films comme Le sergent noir, Les deux cavaliers ou Les Cheyennes où Ford conjure, avec une confondante intelligence, les pulsions racistes qui traversent l’histoire du western. Et c’est encore plus vrai, mais d’une toute autre manière, dans L’homme qui tua Liberty Valance qui révèle en quelque sorte l’envers du décor ou, plus précisément, la part de secret et d’illusion, si ce n’est d’imposture, que contient toute écriture de l’Histoire. Western de chambre aux accents presque borgésiens (relire à ce sujet la nouvelle Thème du traître et du héros), L’homme qui tua Liberty Valance ne montre ni chevauchée fantastique, ni charge héroïque. C’est un film réflexif, sans action ou presque, dont les décors sont pratiquement réduits à un saloon et une rue mais qui, pourtant, apparaît comme une sorte de western au carré. L’histoire de cet avocat, incarné par un James Stewart déjà vieillissant, venu dans l’Ouest dans l’espoir d’imposer la Loi à toutes et surtout à tous, offre à Ford l’occasion d’une sublime épure où l’émotion affleure au moindre geste.
Pour en savoir plus, site de l'ACRIF (Association des cinémas de recherche d'Île-de-France).
Les élèves de Terminale littéraire du lycée Marguerite Yourcenar vous livrent leurs commentaires sur le film.
Morse, le film de Tomas Alfredson adapté d’un best-seller suédois, met en scène Elli, une vampire de douze ans qui pourrait être notre voisine à tous et qui est tout sauf un corps étranger. Si l’âge des protagonistes et le thème vampirique pourraient donc spontanément rapprocher Morse de la série des Twilight, il y a pourtant certaines différences notables entre les deux. Tout particulièrement l’absence totale d’effets ou de signes gothiques dans le film de Tomas Alfredson. Ce qui signifie ici un traitement quotidien, voire domestique, sans référence directe à l’imagerie des Nosferatu et autres Dracula, de l’irrépressible pulsion vampirique. Cette histoire d’amour entre deux jeunes gens solitaires est d’abord une parfaite métaphore de la psyché adolescente.
Pour en savoir plus, site de l'ACRIF (Association des cinémas de recherche d'Île-de-France).
Les élèves de Terminale littéraire du lycée Marguerite Yourcenar vous livrent leurs commentaires sur le film.
Citations
En notre Blog n'est que cette clause : FAIS CE QUE VOUDRAS !