" À BOUT DE SOUFFLE " de Jean-Luc-Godard - France – 1960 – 1h30 – noir et blanc - avec Jean Seberg, Jean Paul Belmondo, Henri-Jacques Huet, Jean-Pierre Melville

Difficile de voir aujourd’hui "À bout de souffle" en faisant abstraction de sa réputation de film décisif dans l’histoire du cinéma. En effet, le premier long métrage de Godard, sans doute son plus célèbre avec "Le Mépris", est généralement considéré comme un monument historique qu’on ne revisite finalement que très rarement. Pourtant, revoir "À bout de souffle" au présent réserve quelques surprises. La première c’est que le film est tout l’inverse d’un chef-d’oeuvre monumental. C’est, au contraire, un petit film nerveux, lyrique, désinvolte, d’une fraîcheur toujours resplendissante malgré les 57 ans qui nous séparent de son année de réalisation. Dédié à la Monogram Pictures, une firme américaine spécialisée dans la série B, le film de Godard frappe par son mélange de naturel et d’artifice, d’innocence et de conscience de soi. Le naturel c’est celui avec lequel le plus français des cinéastes suisses raconte cette histoire d’une simplicité absolue – un meurtre, une histoire d’amour – au mépris de toute vraisemblance et de toute convention. L’innocence c’est aussi celle avec laquelle les comédiens promènent leur silhouette dans un Paris éblouissant et tellement charmant, sans avoir aucune conscience de faire partie de l’histoire du cinéma. Et c’est encore cette liberté de ton dans le jeu, cette insolence dans les dialogues truffés, comme il se doit, de citations et d’aphorismes et cette manière de remettre les compteurs à l’heure exacte en ce qui concerne les moeurs, une certaine aisance de la jeunesse d’alors avec la sexualité que le cinéma n’avait jamais encore photographiée. L’artifice, lui, est surtout visible dans les regards-caméras, les adresses au spectateur, les raccords à l’emporte-pièces et les fameux jumps-cut (littéralement sautes dans le plan) qui sautent aux yeux, même si, depuis, on en a vu bien d’autres. Et c’est aussi ce sentiment que Belmondo et Seberg jouent en permanence à être des personnages de cinéma. Tout particulièrement, Belmondo, alias Michel Poiccard, amoral, misogyne, charmeur, gigolo, jaloux, qui a vu trop de films, a trop regardé la gestuelle d’Humphrey Bogart (et tout particulièrement ce pouce qu’il se passe si fréquemment sur les lèvres) pour que cette cinéphilie latente n’influence pas fondamentalement son comportement.

Pour en savoir plus, site de l'ACRIF (Association des cinémas de recherche d'Île-de-France).