10 mars 2022

Mélodie macabre

Lucie s'attardait devant la télévision. Elle se blottit davantage dans sa couette en

vue de cette rude période. Un vent glacial soufflait, accompagnée d'une nuée de

neiges, habillant les arbres des forêts alentours d’un blanc immaculé. La brume

recouvrait le ciel assombri, ce qui ralentissait le déménagement, malgré l’aide

de son frère la veille. Elle avait décidé de se loger dans un coin tranquille, mais

égaré de la Normandie, après s’être fait recruter auprès d’une entreprise.


 

En dépit de cette bonne nouvelle, son sommeil se troublait depuis l’apparition de

crissements irritants semblables à des grincements de dents. Mais d’où

pouvaient provenir ces bruits ? Et avaient-ils un lien avec la disparition des objets

? Elle avait beau les chercher, elle les retrouvaient nulle part. Un de ses bijoux,

qu’elle aimait tant, s’était volatilisé après qu’elle se rendait rendue au salon.

Était-ce le fruit de son imagination? Où se trouvait-il quelqu’un ou quelque chose

coupable de tout ça ? Ses questions restèrent sans réponse. Elle se perdit dans

ses réflexions, l’esprit vagabondant dans ses pensées. Elle songeait à faire part

de tout ça à son frère ou envisageait d’en parler à l'agence immobilière. Mais elle

considéra ça comme une mauvaise idée, de peur d’être pris comme une folle.


 

Brusquement, un lourd fracas la tira de ses pensées. Elle se redressa

précipitamment et se dirigea vers l’escaliers. Elle arriva devant les

dernières marches, en sueur. Elle avait le souffle sacadé, mais respira un grand

coup. Une obscure clarté l’éclaira. Elle vit , près de la porte ouverte du grenier,

un carton poussiéreux renversé sur le passage. Un courant d’air la fit frémisser.

Elle avait les cheveux hérissés et la chair de poule. Des ombres semblaient

s’émaner du grenier, comme si elles étaient assistées étrangement par des sons

imcompréhensibles, dirigeant son regard inquiet vers une pochette bizarre à

l’allure anormale et luisante. La pochette

de disque était une antique relique. Les inscriptions étaient illisibles à l'œil nue.

Le disque, lui, sembla singulier avec sa couleur rouge-sang et funèbre.


 

Elle le saisit à deux mains, l’air perplexe, en se retournant

minutieusement vers la pièce. Cette salle donnait froid dans le dos à la vue

d’affreuses araignées, pendillant dans le noir obscur. Des toiles étaient suspendues au

plafond, telle des guirlandes faites de longs fils de lin. De la poussière siégeait sur

les vieilles penderies. Les meubles étaient si usés qu’ils pouvaient céder à la moindre

tentative. Des sortes de broderies en dentelles fournissaient d’autant plus un

aspect blafard et livide à ce lieu. Elle hésita à entrer, mais après un long

moment, elle pénétra et observa soigneusement le lieu pendant

une durée indéfinie. Un gramophone rouillé se détachait des autres friperies

de par ses motifs excentriques et sa teinte rouge sang, similaire au disque.

Son sang ne fit qu’un tour dès qu’elle s’approcha afin d’y voir plus

clair. Une odeur nauséabonde lui chatouilla le bout des narines. Les motifs

semblaient être faits de sang, sa respiration se bloqua dans sa poitrine, avant

qu’elle se laissa tomber au sol, le visage grave. Du sang, du sang… Était-ce

vraiment du sang ? Peut-être que c'était seulement de la peinture, qui n’était

pas sèche. Après tout, cela pouvait être à cause des anciens propriétaires.

Après s’être longuement rassurée, elle se releva doucement et revint sur ses

pas. La jeune fille posa délicatement le disque à sa place et mit en place le

gramophone. Un grincemment strident retentissa étrangement alors que la

mélodie s'élévait dans les airs. Lucie sursauta de panique, mais se ressaisit.

Le grincement devait venir de la machine. La musique paraissait macabre et

bruyante au fil des minutes. L’ambiance devenait lourde. Puis, soudain,

un ricanement tellement rauque et perçant explosa les chandeliers qui

s'écroulèrent sur elle. Elle n’eut pas le temps de réagir qu’un gros fracas se fit

entendre, puis le silence arriva très vite.


 

Lorsqu’elle se réveilla, elle vit une pièce d’un blanc impeccable. Une odeur de

chlore mélangé à des médicaments se dégageait de la salle. À côté d’elle

plein de machine clignotant dans tous les sens. Elle remarqua son frère qui lui

demanda si elle allait bien. Elle lui répondit que oui. Elle se dépêcha de lui

demander ce qui lui était arrivée. Son frère lui expliqua alors que les voisins

auraient entendus un lourd vacarme provenant de la maison. Ils se seraient

rendus sur le lieu et auraient appelé la police après avoir remarqué que la

porte était ouverte et qu’une ombre se baladait dans la demeure. “Je vois”

dit-elle avant de s’esclaffer sous le regard interrogatif de l’homme. Après

tout, si elle raconterait cette histoire, on la prendrait pour une folle, n’est-ce

pas ?

 

09 mars 2022

Le mystérieux fantôme

Il était 16h39 et nous étions dans l'avion. Il y avait ma professeure de français, Mme Langlé, mais aussi ma classe de 4eC, dans laquelle se trouvait mon meilleur ami, Titouan. Nous étions partis de France en début d'après-midi et nous allions arriver sous peu en Ecosse. Nous faisions un voyage scolaire dans le pays de la cornemuse. Nous ne savions pas encore que pendant notre semaine de voyage, nous séjournerions dans un authentique château datant de 1836.

Dans l'avion, j'écoutais tranquillement de la musique quand ma professeure m'interpella: << Francisco baisse ta musique s'il te plaît, s'énerva-t-elle! >>

Encore une fois c'était sur moi que ça tombait ! J'en avait marre la prof était toujours sur mes côtes ! Alors qu'aux autres élèves elle ne disait rien.

Au moment où nous nous posâmes à l'aéroport de Glasgow, nous fûmes tous excités. En arrivant devant le château, nous poussâmes tous un cri d'émerveillement, même notre professeure. Nous n'en croyions pas nos yeux, le château était immense ! De même, il ressemblait à ceux que nous avions étudié en cours d'Histoire. Dans ce château, je remarquai des tableaux d'individus, sûrement ceux qui y avaient vécu, ainsi que des armures en fer dans la pièce principale. Dans cette même pièce, on pouvait voir une grande table, je supposai que c'est là que nous dînerions.

Peu après, un grand homme roux qui avait une énorme barbe de la même couleur que ses cheveux, arriva. Il nous annonça qu'il serait notre guide pendant toute cette semaine. Jordan MacLoed de son nom, nous prévint de quelque chose qui nous terrifia tous: << Les jeunes avant que vous ne faisiez quoi que ce soit, je dois vous prévenir que dans notre pays, chaque château est habité par un fantôme ! Même celui-ci. Si vous avez de la chance, vous ne ferez pas sa connaissance. Ah oui ! et aussi, j'ai oublié de vous dire le plus important: la légende raconte que le fantôme laisserait sur son passage, des colliers plus sombres qu'un soir de tempête. Si jamais vous trouvez trois de ces colliers, vous vous transformerez en fantôme ! >>

Après ça, il nous montra l'endroit où nous dormirions par la suite. Dans ma chambre, j'étais avec Titouan. Il faut que je vous dise, en plus d'avoir une mémoire de poisson rouge, j'ai extrêmement peur des fantômes ainsi que de toutes les créatures extraordinaires, pour finir une dernière chose: la chance ne fait pas partie de mon vocabulaire. Personne ne peut être plus malchanceux que moi et avec cette histoire de médaillon, je ne me sentais pas bien du tout ! Avec Titouan, nous étions contents d'être dans la même chambre. Le seul bémol c'est qu'elle était petite et que nous dormions dans le même lit. Bien que notre chambre fusse étroite, il y avait quand même une fenêtre. Après avoir déposé nos affaires, nous allâmes souper. Je n'avais jamais encore goûter de la cuisine écossaise. Enfin, pour l'instant, je ne connaissais qu'une seule spécialité du pays: le haggis, c'est de la panse de brebis ou de mouton farci d'un hachis à base de viande traditionnellement des abats de mouton et d'avoine.

Après être sortis de table, nous eûmes l'ordre d'aller nous coucher. Titouan n'eut aucun mal à s'endormir. Moi, au contraire, avec ces révélations à glacer le sang, j'avais du mal à trouver le sommeil. Puis, tout à coup, la fenêtre s'ouvrit toute seule ! J'essayai de réveiller mon meilleur ami mais il dormait à point fermé. Ensuite, je crus la voir déposer quelque chose sur le drap, puis elle s'en alla. Je restai immobile quelques secondes me croyant dans un cauchemar, voyant que ce n'était pas le cas, je me levai pour fermer la fenêtre. Ensuite, je crus voir une ombre. Je n'osai pas sortir de mon lit, l'ombre se rapprochait de plus en plus. Ensuite, elle sembla déposer quelque chose sur le drap, puis s'en alla. Je restai immobile quelques secondes me croyant dans un cauchemar, voyant que ce n'était pas le cas, je me levai pour fermer la fenêtre. Ensuite, j'allai voir si elle avait potentiellement déposé un objet sur ma couette. J'étais pétrifié ! L'ombre avait laissé un des colliers maléfique dont nous avaient parlé l'écossais. Je poussai un cri de terreur ! Suite à ça, Titouan se réveilla en sursaut, me demandant ce qui c'était passé. Peu de temps après, Mme Langlé et notre guide accoururent dans notre chambre. Je leur expliquai ce qui venait de se passer. Jordan MacLoed me rassura comme il le pouvait, mais ne voulait que je n'informe personne pour ma découverte du collier, craignant un mouvement de panique de la part des élèves. Puis, il partit en compagnie de ma professeure. Par la suite, je passai le reste de la nuit les yeux ouverts par peur de me rendormir.

Pendant quelques jours, je vécus aucun événements étranges. Malheureusement, ma joie fut de courte durée puisque le soir même, il se passa quelque chose de singulier. Il était 3h du matin et j'avais une envie pressante d'uriner. Je sortis donc de la chambre pour me diriger vers les toilettes. Pour commencer, dans le couloir, j'entendais des bruits inhabituels que je ne pourrais pas décrire. Ensuite, arrivé aux W.C, j'essayai d'allumer la lumière mais la lampe grésillait et la luminosité était faible. En sortant, je percevais toujours ces mêmes bruits inquiétants. Dans ce couloir, il y avait un problème: la seule luminosité venait de la lune à travers les quelques fenêtres. En regagnant ma chambre, je crus distinguer une ombre. Curieux, je me rapprochai de la silhouette mais plus je me rapprochai d'elle, plus j'avais l'impression qu'elle me fuyait. J'accélérai donc la cadence puis à un moment, un bruit sourd retentit comme si on avait fait tomber quelque chose. A ce moment-là, j'étais presque à la hauteur de cette personne quand, j'aperçus un objet par terre ! En me baissant pour le ramasser, un frisson me parcourut le corps ! Encore un de ces colliers obscurs ! Je fis tout mon possible pour garder mon calme parce que si je criais, j'allais réveiller tout le monde et ils me vissent avec ce ténébreux pendentif donc, finalement, je rejoignis ma chambre apeuré.

Avant de prendre l'avion, le lendemain matin, je surpris une discussion entre Mme Langlé et Jordan MacLoed. Il disait que j'avais reçu un deuxième collier alors que pourtant je n'en avais parlé à personne et l'avais bien caché. Comment pouvait-il le savoir ? J'allai bientôt le savoir en questionnant ma professeure. Elle m'avoua toute la vérité: << Le premier jour, Jordan est venu me voir et m'a demandé s'il y avait un élève qui avait peur des fantômes >>

Malheureusement, c'était tombé sur moi. J'étais soulagé de le savoir. Au moins une chose est sûre: je n'oublierai jamais ce voyage !

L'entrée ensanglantée

C'était il y a quelques années : un homme dont je ne connaissais le nom m'avait appelé pour me dire que j'avais hérité du domicile de ma tante, apparemment décédée un mois auparavant. Il fallait avouer que l'offre était plutôt alléchante, étant donné que je vivais dans un appartement minuscule, en plein cœur de Paris. De ce fait, après une assez courte réflexion, j'avais accepté d'aller vivre chez elle.

Cela faisait sept heures que j'étais parti, mais à cause de la neige qui bloquait les routes, je venais tout juste d'arriver à Brest. Je fermai la portière de ma voiture et j'ouvrai doucement le portail menant au jardin. Avant même que je ne puisse faire un pas de plus, un grand homme barbu m'interpella du côté de la rue :

« Oh, bonjour ! Vous venez d'emménager ici, je suppose ? Je m'appelle Patrick, je suis votre voisin.

— Bon... bonjour, répondis-je simplement. »

Il me dévisagea d'abord, sembla hésiter quelques instants, avant de déclarer :

« Cela va peut-être vous  semblez étrange, mais... un conseil : si on toque à votre porte après vingt trois heures, ne répondez pas. »

Avant même que je ne puisse lui demander pourquoi, il partit. Mon voisin était-il fou ? Sans trop me poser de questions, je pénétrai dans le jardin de ma nouvelle demeure. Elle était dans un état encore plus déplorable que je ne l'imaginais : les dalles du chemin menant à la porte de la bâtisse étaient pour la plupart sorties de terre, l'érable que devait autrefois être si majestueux s'était écroulé sûr le sol, et les quelques fleurs qu'il y avait étaient toutes fanées. En regardant un peu plus attentivement, je remarquai que l'eau du bassin était très sombre, presque noire.Tandis qu'un frisson me parcourait le dos, je me dépêchai d'arriver devant la porte. Celle-ci semblait très peu solide, et mon intuition fut confirmée lorsque je l'ouvris sans aucune peine. L'intérieur n'était pas mieux. Le mur était d'un gris sinistre et le parquet craquait sous mes pieds. De longs rideaux noirs qui encadraient les fenêtres étaient de la même couleur que la plupart des meubles. Pour couronner le tout, lorsque je fus tenté d'allumer une lampe, je me rendis compte que l'ampoule était grillée. Je poussai un profond soupir et m'effondrai sûr le canapé. Les sept heures de voiture m'avait épuisé. Sans pouvoir réfléchir plus longtemps, je sentis mes paupières se fermer.

Crac, crac ! Je me réveillai en sursaut. Quel était donc ce bruit que je venais d'entendre ? C'était comme si quelqu'un marchait sûr le parquet. Crac, crac ! Mon sang ne fit qu'un tour. Le même craquement. Crac, crac ! Cette fois, je me levai et demandai haut et fort : « Qui est là ? »

Aucune réponse. Sans prêter attention à la petite voix dans ma tête que me recommandait de ne pas bouger, je me mis à parcourir les pièces une à une. Jusqu'à arriver dans l'entrée. Là, je crus voir une flaque de sang s'étalant sur le sol. Je poussai un cri de stupeur, sentant mes jambes se dérober sous moi. Ce... ce n'est pas possible ! pensai-je. Non. Cela doit être un cauchemar. Paralysé par la peur, il me fallut un effort surhumain pour aller jusqu'à ma chambre, et me précipiter sous la couette. Rendors-toi, rendors-toi. Au bout d'un moment, peut-être un quart d'heure plus tard, je finis par sombrer dans les bras de Morphée.

Le lendemain, lorsque je me rendis dans l'entrée, la flaque de sang avait disparu. Il s'agissait donc bien d'un rêve, pensai-je. Rassuré, je me préparai rapidement et prenai une toile ainsi que tout le matériel nécessaire pour peindre. J'avais pour habitude, tous les dimanches, de sortir dehors et de recréer les paysages que j'observai à travers la peinture. Lorsque je sortis de chez moi et passai devant la maison de mon voisin Patrick, je ressentis un étrange malaise. En effet, à travers la fenêtre de son logis se dressait une grande silhouette qui m'était familière : c'était Patrick. Il m'observait, immobile. Refoulant ma gêne, je l'ignorai et continuai mon chemin. Décidément, il était vraiment étrange.

Lorsque j'arrivai dans un parc qui me semblai être le parfait endroit pour trouver de beaux paysages, je positionnai mon chevalet dans l'herbe et commençai mon esquisse. Soudain, je sentis une présence derrière moi et aperçus une ombre se dessiner sûr le sol. Je me retournai brutalement, oubliant que j'avais un pinceau dans la main, ce qui eut pour effet de tracer un grand trait rouge en plein milieu de ma toile. Il n'y avait personne. Je restai ainsi pendant plusieurs secondes, ne comprenant rien à la situation. Depuis que j'avais déménagé,  j'avais l'impression d'être devenu complètement paranoïaque.

Il était exactement vingt trois heures trente. Il ne s'était plus rien passé depuis ce matin au parc, et pourtant ce sentiment de peur m'habitait toujours. Au moment même où je me faisais cette réflexion, on sonna à la porte d'entrée. J'étais prêt à ouvrir quand les paroles de mon voisin me revinrent en mémoire :

« Si on toque à votre porte après vingt trois heures, ne répondez pas. »

Une voix s'éleva alors :

« S'il vous plaît, ouvrez ! C'est moi, Patrick. »

Patrick ? Que me voulait-il ? Discrètement, je jetai un coup d'œil par la fenêtre. C'était bien lui. Sans réfléchir, j'ouvrai la porte. Il ne pouvait rien m'arriver. Pourtant, lorsque je vis la chose qui se tenait devant moi, je regrettai mon geste. Le visage de mon voisin s'était décomposé, pour laisser place à une grimace malfaisante me montrant ses crocs. Un vampire. Il me sauta dessus, ne me laissant pas le temps de réagir. La dernière chose que je vis en tant qu'humain fut mon cou en sang. Après cela, je me transformai en la même créature que celle qui venait de me mordre. A mon tour, j'étais devenu un vampire. 

 

Le coryphée de Roscoff

Roscoff, 1936.

 

 Le vent de mer soufflait sur la mélancolie d'un homme abattu, le regard éclairé par le clair de lune. Il marchait le long du quai du port de Roscoff, de loin on aurait crut voir une âme en peine. Une bruine légère imprégnait la laine de son manteau et mouillait son visage pâle et creusé par la tristesse. Ce temps brumeux lui rappelait sa rencontre avec sa femme quelques années auparavant. A la nuit tombante, il rentrait chez lui la démarche lourde et fatiguée, la brume entourait son cou tel une écharpe cotonneuse. Il poussa le portillon, traversa l'allée bordée de cyprès menant jusqu'à à sa demeure. Une vieille bâtisse en pierre avec de grandes fenêtres qui fixaient tous visiteurs.

Une fois rentré, il jeta son par-dessus marron en laine sur un porte-manteau, défit ses lacets et ôta ses Richelieu en cuir. Il se prépara un cherry, s'installa dans un de ces gros fauteuils "club" du salon dont les pieds géants mangeait une partie du tapis Afshâr. Son regard se tourna vers le crépitement des bûches brûlantes dans la cheminée. Les flammes flamboyantes dansaient telles des danseuses orientales. Il s’assoupit et comme tous les soirs songeait à sa femme, décédée 15 ans plus tôt, emportée par la tuberculose. A chaque fois qu’il pensait à elle, une mélodie, qu’ils jouaient ensemble, résonnait dans sa tête. Cette mélodie jouée par le piano qui se trouvait enfermé dans une pièce attenante au salon, désormais fermé à double tour. Suite à cette perte tragique, il avait arrêté sa carrière de pianiste.

Sur ces pensées, il s’endormit comme une des bûches qui se réduisait peu à peu dans le feu. Un murmure résonna dans ses oreilles, disant ces quelques mots : « Je suis revenue »… suivi d’un rire cristallin s’évanouissant dans l’écho de la pièce. Henry se réveilla en sursaut, tremblant de peur et suant d’effroi. La sensation d’un frôlement l’avait sorti de son sommeil.  Il faisait nuit noire et plus aucune lumière n’était allumée. Il sentit un parfum aux notes fleuris qui lui était familier. Celui-ci émanait de la pièce. Encore à moitié dans ses rêves, il monta se coucher, pensant finir sa nuit tranquillement.

Il monta l'escalier en pas d'âne fait de bois de chêne, les marches fébriles, craquaient sous ses pieds telles une vieille dame fatiguée par l'arthrose. Il traversa le couloir étroit et sombre qui menait à sa chambre, des masques de samouraï décoraient le couloir ainsi que d'autres souvenirs de leurs nombreux voyages au pays du soleil-levant.

           Un rayon de lune s'était invité à travers des fenêtres et éclairait son visage, il poussa la porte de sa chambre dont les gonds grinçaient dans le silence de la nuit. Les murs étaient ornés d'un vieux papier peint jaunie par le temps, on pouvait encore apercevoir quelques mésanges souhaitant prendre leur envol. Un soliflore posé sur la table de chevet contenait un bouquet d'hortensia fanée, c'était la fleur préférée de sa femme. Fatigué, il retira ses vêtements et enfila son pyjama rayé en flanelle. Il tourna son regard lentement vers le vase et vit avec stupéfaction, la fleur resplendissante comme au premier jour. Pensant d'une hallucination due au vapeur d'alcool, sans y prêter attention, il sombra dans un profond sommeil.

Une succession de notes de musique, le sortit brusquement des bras de Morphée. La curiosité le poussa à  se lever. Il enfila ses pantoufles et se dirigea sur la pointe des pieds dans la direction où retentissait cette musique. Arrivé en haut de l'escalier, il aperçut une lueur bleutée émanée de la pièce où se trouvait le piano. Il descendit en marchant à pas de loup, inquiet, il posa ses doigts tremblotants sur la poignée, appuya lentement sur celle-ci. Une goutte de sueur perla le long de sa tempe. Le tic-tac de l'horloge retentissait dans le froid glacial du salon. Il fit un pas puis deux, se prit les pieds dans les cordons de sa robe de chambre, tomba à terre et levant sa tête vit alors sa femme devant ses yeux. Elle flottait dans les airs, une douce lueur bleutée se dégageait de sa robe blanche. Son regard doux dévisageait Henry. Il ne tremblait plus, sa peur s'était évanouie. Le temps semblait s'être arrêté. Dans un geste désespéré, il tendit sa main pour la saisir … Mais elle disparut telle un tourbillon de fumée.

Henry se réveilla au petit matin, la tête lourde posée sur le clavier du piano. Une fleur d'hortensia à côté de lui.                                                                                                                                                

 

Souvenir hanté

Ambre était une jeune femme de vingt-six ans qui était passionnée de dessin. Elle venait d’emménager dans un appartement situé à Paris quand elle fut embauchée en tant que gardienne de nuit dans le musée d’Orsay.

En se rendant à son lieu de travail, le brouillard s’était installé dans la ville. Il faisait froid, elle sentait son sang se glacer et ses jambes tremblaient comme une feuille.

Le temps était lourd ; les nuages ressemblaient à des spectres et l’orage commençait à gronder. Ce sinistre temps lui faisait froid dans le dos.

Une fois arrivée au musée, elle observa l’immense bâtiment ; plusieurs gardes restaient immobiles tandis que les derniers visiteurs sortaient. La nuit tomba et la lune créait des ombres effrayantes à cause des arbres, dont les branches bougeaient tels des morts-vivants en quête de chair fraîche.

Ambre entra à l'intérieur, et salua les autres gardes. Elle regarda sa montre ; vingt-trois heures cinquante-huit. Puis elle regarda l’horloge du musée, sur celle-ci marquait, minuit ; elle vit une gravure latine sur une des aiguilles. Elle essaya de la lire, mais elle n’en comprit rien. Un garde lui conseilla de ne pas y toucher et de retourner à son poste.

Soudain, elle entendit un bruit étrange. On aurait dit un train en marche. Elle se précipita vers le son et arriva dans une pièce très sombre. On ne voyait que les silhouettes des sculptures et des tableaux accrochés au mur. Elle prit sa lampe torche qui était à sa ceinture, et en l’allumant eut un frisson de frayeur ; les tableaux étaient tellement abominables, que l’on aurait dit que le peintre avait voulu représenter le diable, et les sculptures étaient si effroyables que son sang ne fit qu’un tour. Elle voulut repartir. Mais, d’un coup un nuage de cendres blanches apparut, tel un fantôme qui avait l’air de dessiner une locomotive.

Soudain le nuage se dispersa en une explosion qui semblait tellement puissante que les sculptures paraissaient  se casser et les tableaux s'étaient sans doute évanouis tels des hommes perdant connaissance.

Le nuage disparut.

Etait-elle folle ? 

Le lendemain soir, elle retourna à son travail. Le temps était toujours aussi lourd ; les corbeaux chantaient sous la lune croissante et les feuilles orangées des arbres tombaient une à une comme des hommes morts au combat. Ses mains tremblaient et son cœur battait la chamade. Elle était tellement anxieuse d’y retourner qu’une peur intense s’empara d’elle.                                                   

Quand elle fut entrée dans ce singulier bâtiment, elle vit sur l’horloge du musée : minuit. Ambre, alla à son poste, méfiante. Quelques secondes après être arrivée, elle réentendit ce même son de inquiétant et stressant ; son sang ne fit qu’un tour. Le bruit du train était de plus en plus bruyant, tel une alarme. Elle se dirigea, les jambes flageolantes, devant la même porte que la dernière fois. Elle posa sa main tremblante de peur sur la poignée, mais, Ambre était tellement terrifiée que son corps refusait formellement de bouger. Le bruit du train n’était plus qu’un bourdonnement à son oreille.

Tous les mauvais souvenirs de ce lieu lui revinrent en tête. Pendant qu’une sueur froide coulait le long de son dos, sa main ouvrit la porte, sans qu’elle ne s'en rende compte.

Quand son regard fut posé sur la pièce ,rien n’était dérangé, les tableaux monstrueux étaient accrochés aux murs et les sculptures abominables, n’avaient même pas une égratignure. C’était comme s’il ne s’était rien passé. Mais pourtant, après quelques secondes, la locomotive de cendres revînt et recréa l’accident en une explosion encore plus violente, détruisant l’horloge au passage.

Elle ne comprit rien de ce qu’il se passa. Quand elle retrouva ses esprits, son corps tremblait et sa respiration s’était arrêtée. Ambre reprit son souffle.

Elle était assise parmi les décombres des tableaux et des sculptures. Plus tard, elle entendit l’horloge du musée sonner ce qui était anormal car elle était cassée. Elle se releva avec difficulté, elle arrivait à peine à mettre un pied devant l’autre. Devant les morçeaux de l’horloge, elle les examina du regard et vit que l’écriture latine avait disparu sur l’une des aiguilles.

A bout de force, elle s’évanouit.

Quand elle se réveilla allongée dans un lit d’hôpital, une infirmière à son chevet lisait un journal. Au dos de celui-ci, elle put lire : 1o Août 1917, grave accident ferroviaire à la gare d’Orsay.