Le coryphée de Roscoff

Roscoff, 1936.

 

 Le vent de mer soufflait sur la mélancolie d'un homme abattu, le regard éclairé par le clair de lune. Il marchait le long du quai du port de Roscoff, de loin on aurait crut voir une âme en peine. Une bruine légère imprégnait la laine de son manteau et mouillait son visage pâle et creusé par la tristesse. Ce temps brumeux lui rappelait sa rencontre avec sa femme quelques années auparavant. A la nuit tombante, il rentrait chez lui la démarche lourde et fatiguée, la brume entourait son cou tel une écharpe cotonneuse. Il poussa le portillon, traversa l'allée bordée de cyprès menant jusqu'à à sa demeure. Une vieille bâtisse en pierre avec de grandes fenêtres qui fixaient tous visiteurs.

Une fois rentré, il jeta son par-dessus marron en laine sur un porte-manteau, défit ses lacets et ôta ses Richelieu en cuir. Il se prépara un cherry, s'installa dans un de ces gros fauteuils "club" du salon dont les pieds géants mangeait une partie du tapis Afshâr. Son regard se tourna vers le crépitement des bûches brûlantes dans la cheminée. Les flammes flamboyantes dansaient telles des danseuses orientales. Il s’assoupit et comme tous les soirs songeait à sa femme, décédée 15 ans plus tôt, emportée par la tuberculose. A chaque fois qu’il pensait à elle, une mélodie, qu’ils jouaient ensemble, résonnait dans sa tête. Cette mélodie jouée par le piano qui se trouvait enfermé dans une pièce attenante au salon, désormais fermé à double tour. Suite à cette perte tragique, il avait arrêté sa carrière de pianiste.

Sur ces pensées, il s’endormit comme une des bûches qui se réduisait peu à peu dans le feu. Un murmure résonna dans ses oreilles, disant ces quelques mots : « Je suis revenue »… suivi d’un rire cristallin s’évanouissant dans l’écho de la pièce. Henry se réveilla en sursaut, tremblant de peur et suant d’effroi. La sensation d’un frôlement l’avait sorti de son sommeil.  Il faisait nuit noire et plus aucune lumière n’était allumée. Il sentit un parfum aux notes fleuris qui lui était familier. Celui-ci émanait de la pièce. Encore à moitié dans ses rêves, il monta se coucher, pensant finir sa nuit tranquillement.

Il monta l'escalier en pas d'âne fait de bois de chêne, les marches fébriles, craquaient sous ses pieds telles une vieille dame fatiguée par l'arthrose. Il traversa le couloir étroit et sombre qui menait à sa chambre, des masques de samouraï décoraient le couloir ainsi que d'autres souvenirs de leurs nombreux voyages au pays du soleil-levant.

           Un rayon de lune s'était invité à travers des fenêtres et éclairait son visage, il poussa la porte de sa chambre dont les gonds grinçaient dans le silence de la nuit. Les murs étaient ornés d'un vieux papier peint jaunie par le temps, on pouvait encore apercevoir quelques mésanges souhaitant prendre leur envol. Un soliflore posé sur la table de chevet contenait un bouquet d'hortensia fanée, c'était la fleur préférée de sa femme. Fatigué, il retira ses vêtements et enfila son pyjama rayé en flanelle. Il tourna son regard lentement vers le vase et vit avec stupéfaction, la fleur resplendissante comme au premier jour. Pensant d'une hallucination due au vapeur d'alcool, sans y prêter attention, il sombra dans un profond sommeil.

Une succession de notes de musique, le sortit brusquement des bras de Morphée. La curiosité le poussa à  se lever. Il enfila ses pantoufles et se dirigea sur la pointe des pieds dans la direction où retentissait cette musique. Arrivé en haut de l'escalier, il aperçut une lueur bleutée émanée de la pièce où se trouvait le piano. Il descendit en marchant à pas de loup, inquiet, il posa ses doigts tremblotants sur la poignée, appuya lentement sur celle-ci. Une goutte de sueur perla le long de sa tempe. Le tic-tac de l'horloge retentissait dans le froid glacial du salon. Il fit un pas puis deux, se prit les pieds dans les cordons de sa robe de chambre, tomba à terre et levant sa tête vit alors sa femme devant ses yeux. Elle flottait dans les airs, une douce lueur bleutée se dégageait de sa robe blanche. Son regard doux dévisageait Henry. Il ne tremblait plus, sa peur s'était évanouie. Le temps semblait s'être arrêté. Dans un geste désespéré, il tendit sa main pour la saisir … Mais elle disparut telle un tourbillon de fumée.

Henry se réveilla au petit matin, la tête lourde posée sur le clavier du piano. Une fleur d'hortensia à côté de lui.                                                                                                                                                

 

Commentaires

1. Le 11 mars 2022, 18:53 par Manel 4e4

Les sensations du personnages sont bien décrites, tu as utilisé beaucoup de mots du vocabulaire de la peur néanmoins j'ai l'impression que le cadre réaliste et l'événement surnaturel sont un peu confondu .

2. Le 13 mars 2022, 17:48 par Ana Carolina Jorge 4e4

Le narrateur utilise un vocabulaire très riche ,avec une description très complète.Cependant le personnage principal ne se pose pas de question,en effet il n’instaure pas le doute.

3. Le 13 mars 2022, 21:07 par Emma

J'ai bien aimé ton histoire, car l'évènement surnaturel a bien un lien avec le narrateur. En plus de cela, la peur est décrite de différentes façons ("suant d'effroi", "inquiet", "tremblant de peur"). En revanche, tu aurais pu faire en sorte que le narrateur se pose plus de questionnements, qu'il ait plus de doute. Afin de rendre le lieu plus inquiétant, il y aurait aussi pu avoir plus de métaphores et de comparaisons.

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