L'entrée ensanglantée

C'était il y a quelques années : un homme dont je ne connaissais le nom m'avait appelé pour me dire que j'avais hérité du domicile de ma tante, apparemment décédée un mois auparavant. Il fallait avouer que l'offre était plutôt alléchante, étant donné que je vivais dans un appartement minuscule, en plein cœur de Paris. De ce fait, après une assez courte réflexion, j'avais accepté d'aller vivre chez elle.

Cela faisait sept heures que j'étais parti, mais à cause de la neige qui bloquait les routes, je venais tout juste d'arriver à Brest. Je fermai la portière de ma voiture et j'ouvrai doucement le portail menant au jardin. Avant même que je ne puisse faire un pas de plus, un grand homme barbu m'interpella du côté de la rue :

« Oh, bonjour ! Vous venez d'emménager ici, je suppose ? Je m'appelle Patrick, je suis votre voisin.

— Bon... bonjour, répondis-je simplement. »

Il me dévisagea d'abord, sembla hésiter quelques instants, avant de déclarer :

« Cela va peut-être vous  semblez étrange, mais... un conseil : si on toque à votre porte après vingt trois heures, ne répondez pas. »

Avant même que je ne puisse lui demander pourquoi, il partit. Mon voisin était-il fou ? Sans trop me poser de questions, je pénétrai dans le jardin de ma nouvelle demeure. Elle était dans un état encore plus déplorable que je ne l'imaginais : les dalles du chemin menant à la porte de la bâtisse étaient pour la plupart sorties de terre, l'érable que devait autrefois être si majestueux s'était écroulé sûr le sol, et les quelques fleurs qu'il y avait étaient toutes fanées. En regardant un peu plus attentivement, je remarquai que l'eau du bassin était très sombre, presque noire.Tandis qu'un frisson me parcourait le dos, je me dépêchai d'arriver devant la porte. Celle-ci semblait très peu solide, et mon intuition fut confirmée lorsque je l'ouvris sans aucune peine. L'intérieur n'était pas mieux. Le mur était d'un gris sinistre et le parquet craquait sous mes pieds. De longs rideaux noirs qui encadraient les fenêtres étaient de la même couleur que la plupart des meubles. Pour couronner le tout, lorsque je fus tenté d'allumer une lampe, je me rendis compte que l'ampoule était grillée. Je poussai un profond soupir et m'effondrai sûr le canapé. Les sept heures de voiture m'avait épuisé. Sans pouvoir réfléchir plus longtemps, je sentis mes paupières se fermer.

Crac, crac ! Je me réveillai en sursaut. Quel était donc ce bruit que je venais d'entendre ? C'était comme si quelqu'un marchait sûr le parquet. Crac, crac ! Mon sang ne fit qu'un tour. Le même craquement. Crac, crac ! Cette fois, je me levai et demandai haut et fort : « Qui est là ? »

Aucune réponse. Sans prêter attention à la petite voix dans ma tête que me recommandait de ne pas bouger, je me mis à parcourir les pièces une à une. Jusqu'à arriver dans l'entrée. Là, je crus voir une flaque de sang s'étalant sur le sol. Je poussai un cri de stupeur, sentant mes jambes se dérober sous moi. Ce... ce n'est pas possible ! pensai-je. Non. Cela doit être un cauchemar. Paralysé par la peur, il me fallut un effort surhumain pour aller jusqu'à ma chambre, et me précipiter sous la couette. Rendors-toi, rendors-toi. Au bout d'un moment, peut-être un quart d'heure plus tard, je finis par sombrer dans les bras de Morphée.

Le lendemain, lorsque je me rendis dans l'entrée, la flaque de sang avait disparu. Il s'agissait donc bien d'un rêve, pensai-je. Rassuré, je me préparai rapidement et prenai une toile ainsi que tout le matériel nécessaire pour peindre. J'avais pour habitude, tous les dimanches, de sortir dehors et de recréer les paysages que j'observai à travers la peinture. Lorsque je sortis de chez moi et passai devant la maison de mon voisin Patrick, je ressentis un étrange malaise. En effet, à travers la fenêtre de son logis se dressait une grande silhouette qui m'était familière : c'était Patrick. Il m'observait, immobile. Refoulant ma gêne, je l'ignorai et continuai mon chemin. Décidément, il était vraiment étrange.

Lorsque j'arrivai dans un parc qui me semblai être le parfait endroit pour trouver de beaux paysages, je positionnai mon chevalet dans l'herbe et commençai mon esquisse. Soudain, je sentis une présence derrière moi et aperçus une ombre se dessiner sûr le sol. Je me retournai brutalement, oubliant que j'avais un pinceau dans la main, ce qui eut pour effet de tracer un grand trait rouge en plein milieu de ma toile. Il n'y avait personne. Je restai ainsi pendant plusieurs secondes, ne comprenant rien à la situation. Depuis que j'avais déménagé,  j'avais l'impression d'être devenu complètement paranoïaque.

Il était exactement vingt trois heures trente. Il ne s'était plus rien passé depuis ce matin au parc, et pourtant ce sentiment de peur m'habitait toujours. Au moment même où je me faisais cette réflexion, on sonna à la porte d'entrée. J'étais prêt à ouvrir quand les paroles de mon voisin me revinrent en mémoire :

« Si on toque à votre porte après vingt trois heures, ne répondez pas. »

Une voix s'éleva alors :

« S'il vous plaît, ouvrez ! C'est moi, Patrick. »

Patrick ? Que me voulait-il ? Discrètement, je jetai un coup d'œil par la fenêtre. C'était bien lui. Sans réfléchir, j'ouvrai la porte. Il ne pouvait rien m'arriver. Pourtant, lorsque je vis la chose qui se tenait devant moi, je regrettai mon geste. Le visage de mon voisin s'était décomposé, pour laisser place à une grimace malfaisante me montrant ses crocs. Un vampire. Il me sauta dessus, ne me laissant pas le temps de réagir. La dernière chose que je vis en tant qu'humain fut mon cou en sang. Après cela, je me transformai en la même créature que celle qui venait de me mordre. A mon tour, j'étais devenu un vampire. 

 

Commentaires

1. Le 10 mars 2022, 11:07 par Manel 4e4

On distingue bien le cadre réaliste et le moment où à lieu l'événement surnaturel, il y a beaucoup de mystère dans l'histoire ce qui nous permet d'installer le doute du narrateur. Par exemple on ne sait pas qui a appelé l'héritier au téléphone. Les sensations sont décrite avec précision, la description de la maison est très complète "L'intérieur n'était pas mieux. Le mur était d'un gris sinistre et le parquet craquait sous mes pieds.

2. Le 10 mars 2022, 12:50 par Dylan 4-4

La nouvelle que tu as écrite est très intéressante à lire car tes évènements surnaturels sont magnifiquement décrits. Le cadre spatio-temporel est effrayant et le doute est bien présent mais en même tant fantastique comme la description de la maison. Le dernier paragraphe est amusant car on lui dit "Si on toque à votre porte après vingt trois heures, ne répondez pas" mais "Sans réfléchir, j'ouvrai la porte. "Petite chose dommage dans ton récit au moment surnaturel au parc, il n'est pas assez décrit.

3. Le 10 mars 2022, 13:04 par Bruno 4-4

Je trouve cette nouvelle fantastique très intéressante car les suspense est présent: "Cela va peut-être vous semblez étrange, mais... un conseil : si on toque à votre porte après vingt trois heures, ne répondez pas." mais aussi le concept du vampire à la fin est très réussi. En revanche l'histoire se déroule beaucoup trop rapidement comme par exemple dans le parc...

4. Le 10 mars 2022, 18:44 par Martin 4e4

J'aime bien cette histoire car il y a beaucoup de suspense: "si on toque à votre porte après vingt trois heures, ne répondez pas" mais il n'y a pas de doute, quand l'action se passe, on voit directement que c'est iréel.

5. Le 13 mars 2022, 16:18 par Martin Matéo 4e4

Tu as écrit une très belle nouvelle, le fantastique est très bien détaillé et les sensations/sentiments du personnage aussi.Tu aurai peut être pu être un peu plus originale quant au choix de l'être surnaturelle mais cela reste très intéressant. Le doute est aussi très bien employé.

6. Le 13 mars 2022, 21:38 par Emma

J'ai beaucoup aimé ton histoire, car tu as décrit le lieu comme étant délabré, et de manière précise, rendant l'histoire angoissante, comme lorsque tu parles du parquet craquant, des meubles sombres...
Cependant, je trouve que l'évènement surnaturel est décrit de manière un peu soudaine. Tu aurais pu donner plus de détails sur la façon dont Patrick passe d'un homme à un vampire, car c'était un peu bref.

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