Et voilà c'est le grand jour pour Camille. Son réveil affiche six heures du matin. Elle se lève, angoissée, c'est aujourd'hui que va se décider son destin.
Camille va avoir 18 ans à 8h11 précise et son rendez-vous au bureau du travail est prévu pour 8h16. Mais vous vous demandez qui je suis. Alors moi , je suis la gardienne de Camille et d'autres jeunes, qui eux n'ont pas encore 18 ans. Le rôle que le bureau du travail m'a attribué, consiste à contrôler en continu des individus jusqu'à leurs 18 ans afin de faire un rapport par mois qui déterminera, en fonction de leur comportement durant les 18 premières années de leur vie, quel sera leur travail pour le reste de leur vie. Il y a beaucoup de gardiens, chaque département a les siens.
Aujourd'hui c'est au tour de Camille de savoir quel sera son rôle. Elle se prépare dans le silence, la gorge nouée. Il est 7h30, ses parents l'attendent dans le salon pour lui souhaiter bonne chance; 7h40 Camille part de chez elle pour rejoindre le bus.
Il est 8h00, Camille se tient devant la grande porte du bâtiment où se trouvent les bureaux du travail. Elle se dirige vers un guichet où une dame lui indique la porte devant laquelle elle doit attendre. Elle va alors s’asseoir sur l'une des chaises qui longent le mur, elle est la prochaine à passer. Si Camille angoisse c'est parce qu'elle a peur de ne pas être admise dans un travail qui correspond à ce qu'elle veut.
Il est 8h10, la porte s'ouvre sur un jeune homme avec un large sourire. Il a eu 18 ans il y a quelques heures lui aussi. Il est satisfait du travail qu'on lui a attribué. Il sera après sa formation professeur de musique au collège.
Il faut encore 5 minutes d'attente pour Camille. Elle s'assure d'être correctement habillée et respire profondément. Elle part alors dans ses pensées et s'imagine d'abord hôtesse de l'air, puis maître nageuse en passant par distributrice de prospectus devant un restaurant. Elle essaie de se représenter dans tous les métiers qui lui passent par la tête.
Soudain Camille sursaute en entendant son nom dans un haut parleur. Elle s'imagine alors être la voix du haut parleur. Puis encore une fois son nom retentit. Camille se dirige alors vers la porte indiquée par la dame il y a un quart d'heure de cela et la pousse.
En entrant elle observe la salle. Ses yeux se posent sur le bureau situé au centre de celle-ci. Cela ressemble à ce que lui avaient décrit les personnes de son entourage. Une femme lui demande de s'avancer et de s'asseoir en face d'elle et d'un autre monsieur portant une étiquette «juge». Camille s’exécute puis les deux juges consultent un dossier avec sa photo laissant s'installer un silence pesant dans la salle. Elle sent alors son estomac se nouer, elle ne devrait pourtant pas s’inquiéter. Les parents de Camille ont toujours évité qu'elle fasse des bêtises depuis qu'elle est petite.
Les juges redressent alors la tête en même temps.
-Camille Martin c'est bien ça? questionne la femme
-Oui
-Et bien, tout d'abord bonjour, je suppose que vous savez pourquoi vous êtes ici. Nous allons alors commencer en vous faisant un rapport de votre comportement durant ces 18 années.
-Très bien.
L’anxiété de Camille se perçoit dans sa voix.
-Bien, nous avons constaté, que la ponctualité n'est pas votre fort madame Martin. Vous êtes également une jeune fille assez désordonnée et maladroite. On note effectivement que nombreuses sont les fois où vous avez raté votre bus parce que vous aviez, par exemple, égaré quelque chose.
A ces paroles Camille se crispe encore un peu plus. Elle déglutit bruyamment et le juge poursuit
-Cependant, il est vrai que votre politesse, votre obéissance et votre amabilité sont plutôt remarquables. Et cela est important. De plus vous respectez toujours les heures de coucher. Maintenant j'aimerais que l'on parle de votre scolarité.
Camille retrouve un sourire timide. Elle est assez confiante : pour l'école, elle n'était pas la meilleure partout, mais elle avait réussi à s'en sortir.
-Pour commencer, nous avons vu que les matières scientifiques n'étaient pas votre point fort. Qu'en pensez-vous?
-Oui je suis d'accord.
-Bien. Mais on voit que votre sérieux a évité la catastrophe. Je peux aussi vous faire part du fait que nous avons constaté que vous étiez assez sportive.
-Pour conclure nous voyons que vous êtes déterminée et cela est un très bon point. Vous pouvez donc être rassurée, nos avis sur vous sont majoritairement positifs.
Camille se sent rassurée, mais sa gorge reste nouée.
Suite à cela, les juges ont donné leur avis sur le domaine qui correspondait à Camille. Ils ont dit qu'elle ne serait certainement pas dans un bureau et qu'elle pouvait s'attendre à être en contact avec les gens. Elle a ensuite parlé de ce qui l'attirait. Camille voulait être journaliste sportif. Les juges lui ont dit que ce n'était pas impossible, ils ont pris des notes et ils ont écouté ses motivations.
Camille retourne dans la salle d'attente dans laquelle elle va devoir patienter quelques heures avec les autres jeunes passés précédemment, le temps que les personnes qui travaillent pour l'affichage exposent les listes d'attribution des rôles.
Camille est anxieuse et sereine à la fois, il y a de l'espoir mais pas trop non plus.
Les heures passent, il est midi. Les listes arrivent. La voix du haut parleur appelle les jeunes par ordre alphabétique pour former une queue bien organisée.
Tous le monde s’exécute, certains jeunes pleurent, d'autres sautent de joie ou bien encore restent neutres.
-Votre attention, jeunes gens, après avoir consulté la liste, veuillez vous présenter au guichet d'entrée pour récupérer votre dossier contenant les informations pour votre début de formation au travail qui vous a été attribué et pour votre poursuite. Merci. dit la voix du haut parleur.
Le tour de Camille arrive, elle s'approche d'un pas hésitant de la liste. Puis soudain c'est le trou noir.
Camille est sortie de son sommeil par l'alarme de son réveil, il est 7h00, elle a rendez-vous avec la conseillère d'orientation du lycée pour parler de ce qu'elle souhaite faire après son baccalauréat. Elle est angoissée, elle a l'impression que tout ce qu'elle a pu faire jusqu'à aujourd'hui, sera jugé par la conseillère, comme si on décidait notre avenir en nous jugeant sur toute notre vie jusqu'ici.
Mathilde