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Atelier d'écriture

Atelier animé par Mme Gadal, professeur de lettres

Fil des billets

04 mai 2017

Si La Fontaine m'était joué Le mendiant et l'homme

Scène 1 : dans la rue

(L’homme entre la clef dans la serrure de sa maison)

Le mendiant : Bonjour Sire !

L’homme : Est-ce moi que vous appelez Sire ?

Le mendiant : Bien sûr, vous êtes habillé comme un roi et vous possédez une maison de la taille d’un château ce qui doit vous donner le titre de Sire n’est-ce pas ? Je vous vois tous les jours sortir avec de nouvelles tenues, revenir avec beaucoup de nourriture du marché, accueillir de nouveaux invités tous les soirs, et vous avez un vocabulaire très soutenu, même quand vous parlez à un pauvre mendiant tel que moi alors permettez-moi de vous appeler Sire.

L’homme : Merci pour tous ces magnanimes compliments mais je ne pense pas qu’après cette vie je puisse gagner le titre de Sire. Si vous connaissiez mon passé vous n’oseriez pas m’appeler de ce nom. Maintenant je dois me hâter car des gens m’attendent à l’intérieur et je risque de les impatienter.

Le mendiant : Bonne journée Sire.

(L’homme sort)

Scène 2 : dans la rue

(L’homme sort de sa maison)

L’homme : Bonsoir !

(Le mendiant se lève)

Le mendiant : Bonjour Sire, puis-je vous poser une question ?    

L’homme : Bien sûr, n’importe laquelle mon ami !

Le mendiant : Comment avez-vous fait pour exceller dans ce monde si dur ?

L’homme : Je n’excelle en rien, je vis dans une maison que je n’aime guère avec des gens que je n’aime point et je suis loin de ma famille, donc je ne peux point dire que je suis bon dans ce que je fais car si c’était le cas, je ne pense pas que je resterais ici sans personne que j’aime…

(Le mendiant étonné de sa réponse)

Le mendiant : Mais vous mangez à votre faim, vous habitez dans un palace et vous n’avez point de problèmes d’argent, je ne recherche point votre pitié, mais je ne mange point à ma faim, j’habite dans cette rue en tant que sans abri, je n’ai point d’argent, et ma famille est morte de la peste.

L’homme : Vous avez raison mais tout cela a un prix, je ne suis libre d’aucune fantaisie, je mange ce qu’on me donne, la plupart du temps ce sont les restes et si je veux quitter mon travail, je me ferais fouetter ou pire, tuer ! Donc je vous le répète, je n’ai point réussi ma vie.

Le mendiant : Vous n’êtes point un sire ?

L’homme : je pensais vous l’avoir déjà dit.

Le mendiant : Etes-vous un esclave ?

L’homme : Je préfère le terme de domestique, mais oui c’est le cas.

Le mendiant : Mais vous n’êtes point noir !

L’homme : Je suis un domestique blanc ! Mais cela ne change rien, je ne suis point libre.

Le mendiant : Je vous plains, car même si je dors sur du bitume, que je ne mange pas à ma faim, que je n’ai point de beaux habits, que je n’ai plus de famille, et que mon odeur attire les mouches, je suis libre et je ne donnerai cela pour rien au monde. Je suis de tout cœur avec vous et je vous souhaite de retrouver la liberté et de retrouver votre famille. Maintenant je vais vous laisser, je m’en vais pour parcourir toutes les terres possibles pour que la seule chose dont je suis détenteur ait finalement du sens.

Rémy Johnson

27 avril 2017

Si La Fontaine m'était joué La chattemite, La beurette et le petit crétin

La chattemite, la beurette et le petit crétin

Dans une salle de tribunal, le chœur, le crétin, la beurette et la chattemite débattent.

Le chœur : nous sommes  présents  ici en ce jour car, un beau matin, dame beurette s’est emparée du palais d’un jeune crétin. C’est une rusée. Ce jour-là, le maitre est absent. Il est parti faire ses tours. Cela a donc été chose aisée, elle porte chez lui son bazar. Ils expliquent actuellement  leur point de vue.

Le crétin en s’emportant : Moi, Jannot crétin, après avoir brouté, trotté et fait mes tours, je retourne à mon ter-ter. Oh my god ! Que vois-je ? Une beurette !             

En reprenant son calme avec arrogance                                                                        

  Je veux qu’elle soit virée de ma tanière.

La beurette en le narguant : Pour mon plus grand plaisir, tu es parti de cette demeure que je te prends avec honneur.

La chattemite les regarde avec un regard affamé

Le crétin s’adressant directement à la beurette : Si tu ne plies pas bagages, j’ramène mes cousins, ce trou m’appartient.

La beurette  de façon ironique : je voudrais bien savoir quelle loi t’en a pour toujours fait l’octroi.

Le crétin : Ce sont leurs lois qui m’ont de ce bercail rendu maitre et seigneur, de père en fils.

La beurette : Cher crétin laissons donc la chattemite, ce chat râblé, gros et gras, arbitrer de son choix : lequel de nous deux sera  privé de son domaine. Maintenant que c’est moi qui possède à la fois mes  biens et les tiens, je ne pense pas que ta peau pourra te sauver, au contraire.

La chattemite, un peu déconcertée mais se ressaisissant, lance un léger sourire

La chattemite : Approchez je suis sourd ! Approchez, approchez ! La chattemite s’approche

La beurette recule. Le crétin s’approche aussi.

La chattemite : Beurette, votre monnaie toute entière ne vaut rien comparerà mon estomac.

La chattemite jette deux griffes à l’un et à l’autre, met les plaideurs d’accord en les croquant l’un et l’autre.

Le chœur : Ceci ressemble fort aux débats qu’ont parfois

                  Les petits souverains se rapportant aux Rois

 

 

E.A et Julie.D et Marguerite.C

Si La Fontaine m'était joué Le Savetier et le Financier.

Le Savetier et le Financier

 

Le savetier est au milieu de la scène. Il est habillé d'une toile de jute.  Il chante une mélodie très agréable. C’est un spectacle visuel et auditif.

Le voisin, le financier, assez mécontent entre sur scène les yeux plissés, en pyjama et en marchant à tâtons.

Financier En ronchonnant : Vous m’empêchez encore de dormir à force de chanter ! Cela suffit ! Même si on peut acheter des denrées, le sommeil lui, ne se récupère pas avec de l’argent.

Savetier Poli : Excusez-moi du dérangement, mais cette activité est mon métier.

Financier : Bien. Dans ce cas, que gagnez-vous par an ?

Savetier : Par an ? (Rit) Ce n’est pas mon habitude de compter de la sorte. De plus, je n’entasse pas les liasses, du moment que chaque jour amène son pain.

Financier : Eh bien que gagnez-vous par journée ?

Savetier Calme, en souriant : Tantôt plus, tantôt moins, selon les jours : au fil de l’année, les jours fériés, de congé et de fête s’entremêlent.

(Le financier soupire et tend une bourse pleine au savetier)

Financier : Prenez. Gardez ceci en cas de besoin.

Le financier sort de la scène, le savetier ouvre la bourse et y voit cent écus.

Savetier surpris : Jamais de ma vie je n’ai vu autant d’argent réuni !

Le savetier va sur le côté de la scène, où une table est posée, en chantonnant. Il pose la bourse sur la table. Il ne chante plus.

Là, elle sera bien… En sécurité…

 Il reste à côté, il tourne autour. Il s’assoit en la regardant, il la prend dans ses mains, la pose sur la table. Il ne chante pas.

Personne ne doit me voler cet argent.

 Il surveille qu’il n’y ait aucun regard curieux… Il ne chante pas.

Ne t’en fais pas, ma belle petite bourse. Tu seras en sécurité avec moi.

Le savetier retourne au milieu de la scène, il paraît suspect par sa démarche et ses regards intempestifs. Il ne chante pas.

De toute façon, personne n’est au courant.

Il retourne au niveau de la table, il reste à côté de la bourse, il tourne autour. Il s’assoit en la regardant, il la prend dans ses mains, la pose sur la table. Il ne chante pas

En sécurité… Je ne dois pas me faire remarquer…

Il surveille qu’il n’y ait aucun regard curieux. Il ne chante pas. Il va au milieu de la scène. Tout le monde le regarde. Il ne chante pas.

Ma belle petite bourse… S’il le faut, j’arrêterai de chanter…

 Il retourne au niveau de la table, refait les mêmes actions.

Je ne laisserai personne t’approcher… Je serai aussi muet qu’une carpe…

Il ne chante toujours pas. Il sort une fois de plus, toujours la même attitude suspecte.

Il se tient la tête 

Cette paranoïa suffit !

Le savetier empoigne la bourse, va de l’autre côté de la scène, appelle le financier. Ce dernier entre.

Financier : Energique, plus amical qu’avant : Qu’est-ce qu’il se passe ? Vous avez besoin de moi ?

Le savetier rend la bourse au financier.

Savetier : Rendez-moi ma voix, rendez-moi mes chansons ! Reprenez vos cent écus.

Le savetier va au niveau de la table en sautillant et chantonnant.

 

Camille A.

28 mars 2017

les étonnants voyageurs : de l'autre côté de la vitre

http://images.freeimages.com/images/thumbs/a63/journey-to-altay-mountains-3-1554104.jpgDe l’autre côté de la vitre

 

Lola reposa les ciseaux sur la table. Elle referma le journal et le plia en quatre. C’est à ce moment-là qu’elle perçut quelque chose d’anormal. Quoi ? Un détail. Juste un infime changement dans la qualité de la lumière, tel un nuage traversant le ciel. La jeune fille leva alors la tête vers la fenêtre et, de surprise, de frayeur, faillit pousser un cri.

Elle demeura bouche ouverte, figée, littéralement paralysée par le regard de l’homme qui la fixait à travers les carreaux.

Un homme, vraiment ?... L’inconnu avait la carrure d’un ogre. Sa large face ronde était collée à la vitre. Insensible à la pluie qui lui plaquait les cheveux sur le front et ruisselait en gouttes épaisses le long de ses joues, il la scrutait avec des yeux de loup. Lola fut secouée d’un frisson. Ce qu’il fallait avant tout, c’était échapper à ce regard.

Elle esquissa un pas à reculons, puis fit une brusque volte-face et s’éloigna en s’efforçant de ne pas courir. Mais peu  importait  où elle regardait, dans son tout petit appartement, il lui était impossible d’échapper à ce regard. Alors qu’elle cherchait une cachette, l’autre appela d’un signe de main et un groupe se tint alors devant sa vitre.  Les enfants que l’être avait appelés la pointaient du doigt en riant et tapaient contre sa vitre. Certains cherchaient à la prendre en photo… Le groupe était chaque fois plus nombreux, plus effrayant…

Lola avait peur et se sentait souillée par ces regards, ces photos, ces moqueries… Elle aurait aimé se réfugier dans les bras de sa mère mais cela faisait longtemps qu’elles ne se voyaient plus… Elles avaient été séparées un an après la naissance de Lola…. apparemment c’était pour son bien.

Lola essaya d’avoir moins peur, de prendre sur elle… Un autre venait de passer devant sa vitre pour chasser l’attroupement bruyant et effrayant. Mais il y en avait toujours qui revenaient. Tous aussi terrifiants et laids, ils passaient devant sa vitre, s’arrêtaient un instant… Ils ne ressemblaient à rien de ce que Lola connaissait, ils étaient inhumains … Leur présence oppressait Lola. Chaque fois qu’un de ces êtres s’arrêtaient devant sa fenêtre, une peur panique lui bloquait la poitrine, elle suffoquait, cherchait un soutien sans jamais en trouver…

Elle décida de reprendre une activité pour calmer sa respiration saccadée. Elle déplaça le fauteuil pour ne pas rester dans le centre de la pièce et commença à dessiner. Elle se calma peu à peu en se coupant du monde grâce à son crayon. Elle dessinait des traits féminins, peut-être ceux de sa mère que son inconscient aurait conservés…

Elle n’avait plus aucun souvenir de sa mère. Cela faisait quinze ans qu’elle ne l’avait pas vue… Le souvenir de son absence était douloureux pour Lola. Machinalement, elle essuya une larme qui lui coulait le long de la joue. Elle entendit, comme un lointain murmure, les rires des passants redoubler devant sa tristesse mais cela ne lui importait plus… Elle aurait voulu qu’on la laisse quelque  temps, mais elle commençait à comprendre qu’elle ne serait plus jamais tranquille. Elle alla donc s’asseoir dans un coin de la pièce, le plus loin possible de la vitre, elle se replia sur elle-même et pleura en repensant aux différents moments de sa vie. Elle ne se rappelait pas de l’année passée avec sa mère, elle se rappelait des années après. Depuis leur séparation et jusqu’à ses dix ans, elle était dans une pièce bien plus grande que celle d’aujourd’hui avec d’autres enfants de son âge.  A cette époque elle était heureuse, riait beaucoup… Elle était l’une des plus douces et consolait souvent les plus jeunes qui venaient d’être séparés de leur mère.  A cette époque, Lola avait rencontré la seule de ces êtres qui fût gentille et pas trop effrayante : elle les soignait et les nourrissait. Lola voyait partir les plus âgés sans penser que son tour arriverait un jour, mais ce jour était arrivé. A  dix ans, elle était partie ailleurs, dans un appartement qui faisait à peu près la même taille mais seulement avec des adultes et quelques enfants de plus de dix ans. Elle avait espéré de toutes ses forces que sa mère serait de ces adultes. C’était peut être la première douleur dont elle se souvenait… Ces années avec eux avaient été supportables pour Lola car il y avait une autre enfant de son âge parmi eux ! Flora et elle  avaient forgé, pendant ces cinq ans passées ensemble une amitié belle et forte. D’ailleurs Flora lui manquait horriblement. Certes ces cinq années n’étaient pas aussi joyeuses que les dix premières de sa vie, certes  il y avait déjà des êtres qui les observaient mais elle pouvait échapper à leurs regards grâce à un petit jardin.  Elle passait tout son temps dehors ou presque et avec Flora. A l’époque, ces regards la dérangeaient déjà, mais le soutien de Flora et le jardinet lui permettaient de se détendre et de ne plus y faire attention.

Lola avait faim, elle se leva pour aller manger quelque chose. Elle passa devant la fenêtre comme un fantôme, s’efforçant de ne pas tourner le visage vers la vitre, s’efforçant de ne pas faire attention aux regards qui la transperçaient. Ses jambes tremblaient alors qu’elle traversait la petite pièce, elles semblaient être incapables de porter le poids de la frêle jeune fille. Le bruit qui provenait de l’extérieur semblait amplifié, chaque seconde il doublait et bourdonnait encore davantage dans ses oreilles. La peur de l’adolescente s’accentua encore et encore, elle lui rongeait le ventre. Lola sentait ses poumons brûler en elle comme un feu de forêt qui ravageait tout. L’appel de la vitre fut plus fort que la résistance de  Lola, elle tourna la tête vers la fenêtre…

Les êtres étaient encore plus nombreux, plus laids, plus effrayants, plus bruyants, plus oppressants. Lola crut tomber sous le poids de leurs regards et de leurs moqueries.

Les larmes saccageaient les joues de Lola, ravageant sa beauté au passage. Elle continua tant bien que mal à avancer jusqu’au bout de la pièce. Cet appartement qui avait semblé si petit à Lola, lui semblait pendant ce court instant absolument immense et insurmontable. Elle prit des gâteaux et croisa son propre reflet dans une petite fenêtre. Ses longs cheveux bruns n’étaient plus coiffés depuis son arrivée ici. Ses yeux noisette étaient devenus rouges et étaient gonflés par les larmes. Elle se reconnaissait à peine.

Elle se replongea dans ses souvenirs. Ses années à Sigean était plutôt joyeuses. Mais quel déchirement ce départ ! Elle n’avait pas pu dire au revoir à Flora et aux autres. Un être horrible était venu la chercher comme presque tous les jours pour vérifier sa santé. Pourtant Lola était en pleine forme. Après avoir rapidement vérifié, il l’entraîna vers une salle qu’elle n’avait jamais vue. Là, trois autres êtres avaient observé Lola sous tous les angles.  Le simple souvenir de cette rencontre mettait Lola très mal à l’aise. Suite à ça, elle était partie avec eux. Ils l’avaient mise dans une camionnette entièrement fermée. Elle avait voyagé durant des heures ballotée dans un noir complet. Elle en avait perdu la notion du temps, elle s’était souvent demandé depuis combien de temps ils étaient partis. Chaque virage lui meurtrissait les côtes.

Lola les frotta machinalement, elles n'étaient pas encore toute à fait remises.

Lola se rappelait de la peur qui la quittait peu à peu au fil des heures de trajet. C’était comme si son cerveau s’était peu à peu mis sur pause pour protéger le peu d’innocence qu’il restait à une jeune fille qui n’était pas encore tout  à fait sortie de l’enfance. Puis la camionnette s’était arrêtée, ils avaient mis Lola dans ce petit appartement. Pendant deux jours, à en croire l’horloge de la cuisine, elle était restée ici, sans voir la lumière du jour mais elle n’avait pas pensé un seul instant qu’on recommencerait à l’observer... Ce matin, le jour avait percé par la fenêtre et depuis on venait la voir.

Pendant les deux derniers jours, elle avait vu peu à peu son monde partir en lambeaux. Elle ne savait pas si c’était la dureté de ce qu’elle vivait ou si c’était le simple fait de devenir adulte qui avait détruit son univers. Tout ce qu'elle avait créé avait pour seul but de lui permettre de s'évader, alors l'effondrement de ce monde lui avait soudainement montré l'horreur, la tristesse et le drame de sa vie. Elle avait passé beaucoup de temps à pleurer. Des larmes pour sa mère, des larmes pour son premier logement, des larmes pour Flora, des larmes pour Sigean, et des larmes pour elle aussi. Elle savait bien que ces sanglots ne changeraient rien. Elle en avait soudain pris conscience. Elle comprenait maintenant pourquoi Martin, le plus vieux de Sigean qui radotait un peu, parlait souvent de la douleur de devenir adulte.

Martin… Lui aussi lui manquait maintenant qu’elle y pensait. La phrase fétiche de Martin lui vint à l’esprit. Elle traversa son appartement, revint s’asseoir sur le fauteuil du centre et, comme si Martin était un poète, déclama :

« Parait qu’on a la vie belle, rien à penser, rien à prévoir, juste vivre… Ça fait des années que je suis là, je n’ai  jamais compris pourquoi ils aimaient venir nous regarder. »

Elle fit une pause pour se lever. Elle reprit :

« Hier encore, je les ai entendus, ils se moquaient de nous. Mais toi tu sais la vie qu’on a, moi je sais qu’ils ne la supporteraient pas. A leurs yeux nous sommes  horribles, aux nôtres c’est eux qui sont horribles. Ils ne nous trouvent pas civilisés mais quand je pense à ce qu’ils nous font subir, je ne suis plus sûre qu’ils le soient vraiment plus que nous. »

Lola se rassit, le cœur plus léger. Elle n’était pas sûre qu’ils l’aient entendue mais au moins elle l’avait dit.

les étonnants voyageurs : les chasseurs de l'île

http://images.freeimages.com/images/previews/db3/where-land-meets-sea-1470284.jpgLes Chasseurs de l’Ile

Elle esquissa un pas à reculons, puis fit une brusque volte-face et s’éloigna en s’efforçant de ne pas courir. Elle s’enferma dans la petite chambre, les jambes tremblantes, et s’écroula, dos à la porte. Elle ne s’habituerait jamais à ces nuits de pleine lune, où les créatures rôdaient dans les rues, ombres immenses et hérissées de poils, qui détruisaient  tout être vivant sur leur passage. Le couvre-feu était en place tous les 29 jours depuis des générations.

La nuit passa si lentement que quand le soleil se leva, Lola crut l’avoir attendu des jours. Elle se leva, enfila ses habits militaires, et prit son arme dans le coffre-fort du salon.

Elle dut courir pour avoir son train, et quand elle trouva enfin un wagon pour s’asseoir, elle s’installa et sortit son ordinateur portable. Elle navigua quelque temps sur le site internet de l’Ile. Un couple de randonneurs pensant avoir trouvé une île déserte s’était aventuré au-delà  des Montagnes Teigneuses, et avait  passé la nuit dans la forêt. L’information venait de tomber : les créatures les avaient contaminés. Deux êtres de plus, condamnés à errer dans les rues de l’Ile pendant les nuits de pleine lune, à l’affut d’un morceau de viande fraîche à se mettre sous la dent. Parfois, Lola se demandait si c’était mieux d’être contaminé ou tout simplement  de mourir dévoré par ces bêtes sauvages.

Le train s’arrêta près du quartier de Gus, son meilleur ami. Il la rejoignit dans le wagon quelques minutes plus tard, vêtu du même uniforme qu’elle. Gus était un grand gaillard de 24 ans, à la carrure imposante. Il était physiquement très impressionnant, et renfermait une personnalité calme et réfléchie. Lola, au contraire, était plutôt frêle, mais était une personne extravagante assez sanguine, et terriblement habile au combat (excepté les nuits de pleine lune, où elle était dépourvue de tout sang-froid). D’ailleurs, tous les militaires de sa section craignaient de devoir se battre contre elle lors des entraînements au combat.

La compagnie militaire dont sa section faisait partie avait un but bien précis : s’entraîner, jour après jour, jusqu’à être parfaitement au point pour accomplir leur ultime mission. Ultime mission qui déterminerait l’avenir de l’Ile : exterminer toutes les créatures, les tuer une par une, jusqu’à la dernière. Le jour où toutes les bêtes auront disparu, les habitants liés aux terres de l’Ile par la Malédiction pourront enfin partir d’ici, commencer une nouvelle vie en laissant ce cauchemar derrière eux.

Gus était, comme toujours, en train de programmer ses applications pour smartphones. Le jeune homme avait un réel don pour la création et la programmation de logiciels pour téléphones et ordinateurs, et avait, par le passé, aidé à la création d’un serveur utilisé exclusivement par l’armée. Il l’avait presque entièrement programmé à lui tout seul, et ce, du haut de ses 16 ans à peine. Il leva les yeux vers la jeune fille.

          «  Salut, tu vas bien ? Tu me parais soucieuse.

-Je le suis. J’ai encore été épiée par cette bête aux yeux bleus et vitreux dont je t’avais déjà parlé. Elle semble déterminée à me déchiqueter à la moindre occasion qui se présenterait.

-Tu es sûre que c’est la même que d’habitude ?

-Sûre et certaine. Ce même regard envieux, affamé. Et son visage, ou plutôt sa face aplatie, est assez reconnaissable : l’être a une espèce de tache blonde au- dessus de son œil droit.

-Pourquoi ne fermes- tu pas les rideaux comme je te l’ai recommandé ? Au moins, tu ne la verrais plus. »

La jeune fille haussa  la voix.

« Je t’ai déjà répondu ! Je préfère encore savoir qu’elle m’épie plutôt que de ne pas savoir ce qu’elle fait de l’autre côté de ma fenêtre ! Ecoute quand je te parle !

-Alors cherche une autre solution, mais ne t’en prends pas à moi ! Ce n’est pas moi l’être psychopathe qui reste à ta fenêtre à te scruter pendant toute une nuit, et ce au moins une fois par mois ! »

Gus s’en voulut  immédiatement de s’être emporté. Il était le premier à compatir pour son amie, qui avait très souvent été seule dans la vie. Lola prit un air renfrogné, plissa son nez, et replia ses genoux contre elle. Elle était très jolie : un visage arrondi, aux traits fins, une peau claire et fine, des pommettes saillantes recouvertes de taches de rousseur. Mais ce qui faisait l’essentiel  de  sa beauté était sans aucun doute sa paire d’yeux couleur émeraude, qui scintillaient presque tellement leur couleur était pure. Des yeux reconnaissables entre tous.

«  Excuse-moi.

-Ça va, ne t’inquiète pas. Pardon de m’être énervée contre toi. Ce n’est pas de ta faute, mais cette situation me fruste énormément. Dire que nous sommes entraînés pour ça depuis nos 15 ans, mais que nous ne pouvons rien faire quand ils sont à notre porte, ça fait plus que m’agacer.

-Je le sais bien. Bientôt, on sera prêt, et on partira en mission. »

Gus ne croyait pas si bien dire. Quand les deux jeunes gens arrivèrent au camp d’entraînement, on leur dit de rejoindre immédiatement la salle de Conférence. Ils s’assirent avec leur section, et écoutèrent leur capitaine :

« Merci d’être venus. J’ai une nouvelle à vous annoncer, qui peut être vue pour une bonne nouvelle pour certains, et comme une mauvaise pour d’autres, une minorité j’espère. Nous avons enfin, après des années de recherches, repéré l’un des refuges qui abritent les bêtes. Ces refuges sont si bien dissimulés qu’il nous était impossible de les trouver. Nous avons toujours supposé que cela faisait partie de la malédiction. Mais grâce à nos regrettés Ann et Steven Parker, les contaminés de la nuit dernière, nous avons enfin trouvé le repère de ces animaux sans pitié. Des traces d’ADN ont été trouvées près d’un passage sur une partie de la montagne dont nous ignorions l’existence. Un de nos drones miniatures a suivi les traces, et a débouché directement dans une partie de la forêt cachée au sein même de la montagne. »

Un silence de mort se fait dans la salle, suivi très vite de regards interrogateurs et de chuchotements.

« Deuxième grande nouvelle, plus  importante encore que la première. J’ai débattu toute la nuit avec vos lieutenants. Soldats, vous êtes enfin prêts. Vous êtes la Génération avec un grand G. Celle qui libèrera nos terres de la malédiction. Toutes les sections ici présentes, j’ai nommé les sections 7, 8, 9, et 10, partent dès demain sur le terrain. Veuillez chacun vous rendre dans vos quartiers, afin d’être informés sur le plan de combat.  Vous aurez ensuite la nuit pour dire au revoir à vos familles, et préparer vos affaires. Nous partons vers les Montagnes Teigneuses demain matin à quatre heures précises. »

Le capitaine quitta l’estrade la tête haute et le torse bombé. Lola et Gus étaient choqués par cette nouvelle, tout comme les autres. Ils regagnèrent leur salle d’entraînement où leur lieutenant expliquait déjà le déroulement des opérations du lendemain.  Ils reprirent le train pour rentrer chez eux, conscients que c’était peut-être la dernière fois qu’ils le faisaient.

Lola n’avait pas de famille à qui dire au revoir. Ses parents avaient disparu depuis de longues années dans les Montagnes Teigneuses. La police avait supposé qu’ils avaient été dévorés par les bêtes.

Elle finit de faire ses préparatifs et partit vers la gare. Elle était absente, complètement dans ses pensées.  Aussi elle ne répondit pas quand Gus la rejoignit et lui demanda si elle allait bien. Il comprit qu’il ne fallait pas insister, et le trajet se fit en silence. A leur arrivée, tout se passa très vite : leur lieutenant leur donna les sacs et les armes dont ils allaient avoir besoin, leur fit dire au revoir aux habitants de l’Ile par le biais des caméras et des journalistes, et ils prirent tous place dans le van qui les emmena en bas des montagnes rocheuses.

Ils vécurent plusieurs jours dans la jungle avant de trouver la caverne des créatures.

Tous se mirent en position de combat, camouflés derrière des buissons. Lola sentait son cœur battre tellement fort qu’elle crut qu’il allait sortir de sa poitrine. Ce fut vers vingt-trois heures, le deuxième jour de garde, qu’une des créatures sortit  du repère.

L’attaque fut un vrai carnage. Les bêtes prirent vite le dessus sur les humains dont les armes n’entaillaient qu’à peine les carrures imposantes de ces êtres sanguinaires.

***

Gus était encerclé par les créatures. Il les regardait, l’une après l’autre, regardait ses amis, morts, étendus sur le sol. Il avait réussi à survivre quelques jours, traqué par les bêtes. Mais elles avaient fini par le retrouver. Elles l’avaient traqué, comme eux, les militaires, les avaient traquées. Gus se demandait, si, au final, il était si différent de ces bêtes. Peut-être que si les humains ne les avaient jamais traquées, elles ne se seraient pas attaquées  à eux. L’heure n’était sûrement pas à la réflexion, mais c’était le domaine dans lequel Gus était le plus fort. Il n’allait pas s’en sortir, et il le savait. Il était là, avec son couteau, menaçant des animaux qui pouvaient le déchiqueter en un seul coup de griffe. Une des créatures qui le fixaient attira son attention. Il se figea, et s’écroula au sol, s’agenouillant, comme s’il acceptait son destin. Il fixa les yeux de la bête : des yeux couleur émeraude, qui scintillaient presque tellement leur couleur était pure. Des yeux reconnaissables entre tous. Les yeux de Lola. Il ferma les yeux, pour garder cette image en mémoire. Le coup de griffe partit, il s’écroula.

Durant la nuit de pleine lune qui suivit cet évènement, on put voir, dans les rues de l’Ile, trois bêtes : l’une, regardant paternellement la bête à sa gauche, qui regardait elle-même avec compassion la dernière créature. La première, avait des yeux bleus et vitreux, la seconde, des yeux couleur émeraude, et la dernière, des yeux doux couleur noisette. Elles chassaient et traquaient, déambulant dans les rues, à l’affut d’un morceau de viande fraiche à se mettre sous la dent.

les étonnants voyageurs : deux inconnus au bout du monde

http://images.freeimages.com/images/thumbs/69f/water-drop-1636691.jpgDeux inconnus au bout du monde

À quelle tribu appartenait celle-ci ? Jason arracha ses semelles à la terre gluante et se dirigea vers elle.

Elle restait là, ses pieds dans la boue Elle le regardait. Il la regardait. Qui était l’étranger ? Jason allait lui parler, mais à la place des mots, sortit un bruit assourdissant, venant de l’entrée du campement. Il se retourna alors par réflexe. Une nuée d’oiseaux apeurés dans le ciel, et la fillette avait disparu. Tel un animal fuyant son prédateur. Le bruit s’approchait de plus en plus. Jason était maintenant seul, perdu à travers cette jungle de tentes. Des bulldozers et des pelles mécaniques étaient les perturbateurs venus pour détruire ce camp.

C’était fini, les proies avaient vaincu les prédateurs pour certains calaisiens et pour les migrants, les prédateurs avaient vaincu les proies. Les machines arrachaient les racines de milliers de personnes. Des vies entières, cherchant à se bâtir un chez soi qui réconfortait lors des jours difficiles, étaient brisées en quelques secondes. Certains migrants avaient mis beaucoup de temps à se construire un abri décent. Les engins de guerre les démolissaient en deux mouvements. « Les conducteurs n’avaient donc aucune pitié pour ces hommes, femmes et enfants, se demanda Jason. » Ils en avaient sûrement mais c’était leur métier et les ordres étaient les ordres. Au loin, le jeune homme entendit des cris et prit peur. Des CRS étaient venus épauler les associations humanitaires pour évacuer les migrants du campement. Il était angoissé à l’idée qu’ils le prennent pour une de ces personnes qui fuient leur pays en proie à la guerre et sont livrées à elles-mêmes dans l’espoir de trouver une nouvelle vie ailleurs. Ce mot, justement, était la destination finale de ces populations. Ailleurs, ailleurs qu’à Calais, de nouveau en route, partir parce qu’ils étaient obligés. « De grands oiseaux en quête d’une prairie où ils pourraient, un jour, manger en paix », lui avait dit une fois une amie de la famille, bénévole pour aider ces migrateurs. Ces derniers embarquaient dans des cars et partaient pour d’autres campements. Cette action était mécanique, ils devaient se réunir en plusieurs groupes puis ils attendaient le départ d’un premier bus avant de s’installer dans le véhicule suivant : des objets attendant le bon camion avant d’être exportés. Jason ne voulait pas avoir le même sort. D’autant plus que ses parents lui avait interdit de rentrer dans le campement. Sa gorge se noua, « que faisait-il là ? » Le garçon commença à courir, c’en était trop. Il voulait quitter cet endroit où l’âme et la biodiversité étaient détruites. Sa course était ralentie par la boue et des obstacles jonchaient même le sol. Il songea alors à la vraie jungle, à ces racines et à ces feuillages tombés sur l’humus de la forêt équatoriale. Pendant sa fuite, il prenait des semblants de rues. Elles rétrécissaient ou augmentaient de façon irrégulière, suivant la taille des abris de fortune. Le jeune homme pensa alors à ses anciennes vacances : celles passées au Maroc, à se promener dans le souk de Marrakech. De toutes petites ruelles où les commerçants étaient constamment en conflit pour vendre un maximum de bibelots. Mais là, aucune personne ne voulait que Jason achète de produits. Pas de marchands de tapis, d’encens, de souvenirs de ce pays, de vaisselle. Personne, si ce n’est des migrants déterminés à rester dans leurs tentes, avec l’espoir de  vivre convenablement. Ils étaient arrivés ici, ils resteraient là. Jason se réfugia sur un amas de terre à l’extrémité sud du campement. C’était par cet endroit qu’il était venu sur les recommandations d’un de ses amis. Il s’arrêta et regarda un instant la zone industrielle. Les bus arrivaient, se chargeaient de migrants et repartaient. Trois mouvements et ces voyageurs repartaient en vol. À l’entrée, des résistants venus empêcher leur départ, affrontaient  les forces de l’ordre. Pour le garçon, c’était un spectacle difficile à regarder. Il se retourna et vit alors un autre paysage. Celui que l’on voulait protéger des prédateurs alors que ceux-ci voulaient  s’intégrer à ce dernier. Jason habitait ici, à Calais, sa ville qui était divisée. Mais ça, il n’aurait jamais pu le croire.

*

Jason était un collégien comme les autres. Il était né à Calais et ne connaissait que cette ville. Son père était ouvrier et sa mère, femme au foyer

Un soir, en revenant du travail, son père fut étonné de trouver près du port, un groupe important de migrants. On voyait ces derniers dans le journal local, prêts à tout pour rejoindre l’Angleterre. Il expliqua à sa petite famille sa découverte. C’était la première fois qu’il en voyait autant. « Ils avaient, en plus, planté plein de petites tentes », ajouta-t-il avec excitation. Il faut dire que Jason et sa mère ne lui prêtaient  pas beaucoup d’attention. Il était en train de faire ses devoirs. Elle, en train de recoudre des chaussettes trouées. « Peut-être qu’ils en parlent à la télévision », continua le père mais  à sa  grande déception, il réalisa que ce sujet n’était même pas passé au journal régional. « Pas de quoi s’exciter ni s’inquiéter », avait répondu sa femme en lui donnant une légère claque amicale sur l’épaule.

La mère de Jason était logique et savait surtout répondre à son mari. Cependant, elle était réservée quand elle ne connaissait pas la personne avec qui elle dialoguait. Son père, lui, par contre était tout l’inverse. Une remarque quand ça n’allait pas et cela à n’importe qui. Parfois, Jason aurait aimé être comme ce dernier mais rien à faire, il avait hérité du caractère de sa mère.

Les mois passaient, la chaleur des vacances d’été avait fait place à la froideur des vacances d’hiver. Avant la joie d’ouvrir ses cadeaux, Jason devait d’abord montrer son bulletin scolaire à son père. Ce dernier était en train de regarder la télévision. Il baissa le son puis commença à le lire. Une petite musique sortit du téléviseur. Journal de 20 H. Il arrêta net sa lecture et augmenta le son. Calais était en une : « 2000, c’est le nombre de migrants retenus dans la zone portuaire calaisienne. La préfecture va ouvrir, au début de l’année prochaine, un centre d’accueil pour les réfugiés ». Son père écoutait avec attention la voix du journaliste. Il appela quand même sa femme : « Chérie, il parle de Calais aux infos ». Elle vint. En voyant les images, elle dit à son mari et à son fils que la situation allait s’accélérer, que beaucoup d’autres migrants allaient venir. « Si un passe, d’autres tenteront aussi leur chance. Pour Jason, c’était un sujet comme les autres, mais il n’aurait jamais pensé qu’il allait changer la vie de sa commune.

À la rentrée, il retrouva ses amis au collège. « Tu as vu Calais le soir à la télé, ils en parlent systématiquement ? », lui demanda un copain. Oui ! Jason avait regardé mais il ne dit rien.  « Il y en avait plein dans l’ancien centre aéré pour réclamer à manger », répliqua un autre garçon. Oui !  Jason avait vu cela mais ne dit rien. Un autre collégien s’exclama : « Ça grouille de migrants, comme dit mon père : « Calais n’est plus Calais, on devrait tous les renvoyer dans leur pays ! » ». Il l’imitait, tout le groupe a ri, Jason lui, avait esquissé un sourire forcé pour être du même avis que sa bande. La sonnerie du début des cours, puis après, celle de  fin de journée. Il remarqua à la sortie du collège que certains parents étaient venus chercher leurs enfants. Pour le jeune homme, il n’y avait pas de doute, la peur avait fait son entrée dans la ville.

2000,4000,6000, la population de migrants augmentait tous les 4 mois. La raison de cela était la sécurisation du tunnel et de la rocade qui avait rendu impossible les tentatives d’évasion vers le Royaume-Uni. Mais les migrants étaient de plus en plus nombreux et n’avaient pas perdu espoir.  « La force du nombre pensa alors Jason ». En remontant la rue pour rentrer chez-lui, il vit son père parler avec un voisin :

« C’est super dangereux de passer à côté du camp, t’as vu ce qui s’est passé hier.

-Oui bien sûr, la bagarre opposant plusieurs communautés.

-Entre 200 et 300 migrants, ça craint pour nos enfants, il faut nous méfier et faire attention. »

« Ils nous envahissent Jason, ils nous envahissent, rentre vite chez toi ! », s’esclaffa le voisin au garçon qui traversait le jardin de la maison. Quand il rentra, sa mère lui dit qu’il ne fallait pas les écouter, et qu’au contraire, il fallait aider les migrants à mieux s’intégrer à notre culture. Ils avaient dû quitter  leur pays en guerre, nous devions les accueillir en humains ouverts et respectueux des droits de l’homme. Elle rajouta qu’elle avait invité le week-end suivant, une amie qui travaillait bénévolement au camp de la lande (elle détestait le mot « jungle » car cela « rabaissait la dignité de ces hommes, femmes et enfants qui voulaient juste trouver du réconfort.)et qu’elle calmerait un peu son père sur le sort des migrants.

« Tu sais, ils veulent juste rejoindre l’Angleterre. La France pour eux, n’est qu’une étape et n’est pas franchement un lieu d’asile. Il y a beaucoup trop de difficultés liées à la langue, à l’emploi, aux mentalités ; c’est rare qu’ils aient une famille », expliqua la bénévole au père de Jason qui faisait, sans doute, semblant d’écouter.  Elle continua mais cette fois-ci regarda la mère, plus sensible : « Quand ils arrivent, certains portent leurs bébés ou leurs enfants dans les bras. Ils sont fatigués, exténués. Pour la plupart, ils ne comprennent pas, les parents leur disent alors : « Nous faisons un grand voyage, quand nous arriverons en Angleterre, nous aurons une vie mille fois meilleure, mais là, nous faisons une halte qui peut prendre beaucoup de temps. Vous vous reposerez comme cela ». Les gamins sourient et sont plus rassurés. C’est extrêmement touchant, cela contraste avec les conditions de vie qu’ils vont connaître quelque temps après… » Au fur et à mesure qu’elle parlait, ses yeux s’humidifiaient et se remplissaient de larmes. La mère de Jason, voyant cela, lui fit un signe de tête en direction de la cuisine. Elles se levèrent et se précipitèrent dans la pièce, la bénévole tenant un mouchoir pour essuyer ses larmes. La femme de la maison, avait poussé la porte mais elle n’était pas complétement fermée. « Voilà ce que font les migrants, ils nous changent, nous divisent et nous traumatisent plus qu’autre chose !», s’énerva le père de Jason qui sortit de la bâtisse pour aller fumer. Claquement de porte. Jason était désormais seul dans le salon. Que faire ? Ses parents avaient deux visions de ce campement. L’une fondée sur la peur que les migrants détruisent la vie des Français et l’autre fondée sur l’intégration de ces personnes en France. Le garçon ne voulait pas choisir. C’étaient ses parents, unis par l’amour et non pas divisés par la haine. Cependant, Jason se rapprocha de la cuisine. Il voulait en savoir plus sur ce campement qui apparemment bouleversait la vie des bénévoles mais aussi celle des migrants. Peut-être était-ce le seul point commun, se souvenir que dans ce lieu, la misère et l’émotion étaient ressenties par tous. Il se cacha derrière la porte et entendit :

« Les conditions de vie sont misérables, ils luttent pour survivre ! Une vraie jungle, ça oui, avec la loi du plus fort. Parfois, nous subissons des remarques de certains migrants mais je les comprends. Ils veulent survivre. Ils doivent survivre ! sanglota l’amie de la famille, sais-tu que c’est comme en 2002, avec le « Sangatte », mais en pire !

-Je sais, je sais, répondit sa mère avec beaucoup de compréhension

-Mais non tu ne sais pas ! lâcha la bénévole, Quand il pleut, des torrents de boue se forment et dégradent nos installations. Tout doit être reconstruit, tout ! La nuit, des rixes se forment entre plusieurs communautés. Il y a parfois des morts ! Cela provoque des tensions et le climat est de plus en plus tendu. J’ai l’impression que des migrants ne soucient même pas de nous alors que nous les aidons à manger, à s’intégrer dans la société et à rendre leur vie plus agréable dans le campement !

-Calme-toi, ne t’énerve pas…, lui répondit ma mère en la prenant dans ses bras, cela ne sert à rien. Maintenant que tu as dit ce que tu avais en toi, ça va aller mieux… »

Pour Jason, c’en était trop. Que faire, que penser ? Il voyait son père fumer sa cigarette et qui rigolait avec les voisins alors que sa mère réconfortait une amie qui pleurait presque de désespoir. L’innocence de son père contrastait avec la volonté, pour sa mère, d’aider les migrants

Pour Jason ce fut aussi compliqué. Ses parents s’étaient divisés à cause des populations du campement. Il voulait voir de ses propres yeux l’origine du problème. « Méfie-toi de la télévision, on ne raconte parfois pas toute la vérité », lui avait -on dit. Il voulait comprendre le sujet de toutes les lèvres, de ses proches, de ses amis, de ses voisins, de la commune entière. Il irait, tant pis même si ses parents lui avaient fermement interdit. Il demanderait à l’un de ses copains, l’« entrée secrète » contre un paquet de bonbon par semaine. Il y allait par nécessité. Il devait voir cette « jungle » impénétrable, protégée et détestée. Peut-être apercevrait-il des animaux dangereux et des arbres millénaires majestueux ? Rencontrerait-il, enfin, les « migrants », membres de la communauté dont on avait tant parlé ?

*

Il se retourna encore une fois pour regarder le campement. Il se remémora les paroles de la bénévole : « Quand tout sera terminé, les migrants auront une vie mille fois meilleure ». Cela s’appliquait à la fille, mais aussi à ses parents, à ses amis, à ses voisins, à Calais tout entier…et sans doute à lui. Jason se rappela une dernière fois de la leçon sur la forêt amazonienne : « la biodiversité est menacée par l’Homme, mais seul ce dernier peut l’aider à prospérer. » Il pensa à la fillette aperçue tout à l’heure. Peut-être aurait-il dû lui parler ? Peut-être aurait-il dû lui crier quand le son de la démolition s’était fait  entendre ? Jason regrettait. Soudain, ce dernier sentit sur son épaule, une main. Était-ce la fille ? Il se retourna vivement espérant la voir. Mais à sa grande déception, il réalisa que c’était une camarade de classe venue le chercher pour rentrer en ville. La compétition de football était terminée. Jason n’avait pas suivi la partie. Qu’importe… Pendant, un court instant, il s’était mis à songer à tous ces migrants obligés de quitter la zone portuaire. Zone, qui fut le temps d’un match, la bataille de deux quartiers.

les étonnants voyageurs : La Boue

http://images.freeimages.com/images/thumbs/c24/free-swoosh-background-1636600.jpg   La Boue

 Lola  reposa les ciseaux sur la table. Elle referma le journal et le plia en quatre. C’est à ce moment-là qu’elle perçut quelque chose d’anormal. Quoi ? Un détail. Juste un infime changement dans la qualité de la lumière, tel un nuage traversant le ciel. La jeune fille leva alors la tête vers la fenêtre et, surprise, de frayeur, faillit pousser un cri. Elle demeura bouche ouverte, figée, littéralement paralysée par le regard de l’homme qui la fixait à travers les carreaux.

Un homme, vraiment ?... L’inconnu avait la carrure d’un ogre. Sa large face ronde était collée à la vitre. Insensible à la pluie qui lui plaquait les cheveux sur le front et ruisselait en gouttes épaisses le long de ses joues, il la scrutait avec  des yeux de loup.

Lola fut secouée d’un frisson. Ce qu’il fallait avant tout, c’était  échapper à ce regard. Elle esquissa un pas à reculons, puis fit une brusque volte-face et s’éloigna en s’efforçant de ne pas courir.

Elle sortit de sa chambre et se mit à marcher plus vite, jusqu’à ce qu’elle atteigne la cuisine. Elle  s’assit tout en repensant à ce qui venait de se passer. La… chose, n’avait pas bougé d’un cil quand elle était partie. Peut-être était-ce un fou, échappé de l’asile ? Non, il n’en portait pas les vêtements. Ou alors était-ce un voyeur, auquel cas elle devait prévenir les gendarmes.

Alors qu’elle réfléchissait, elle entendit un bruit lointain, comme une explosion. Le bruit se rapprochait de plus en plus. Sans prendre le temps de mettre ses chaussures, elle sortit dans le jardin pour voir ce qu’il se passait. Quelque chose passa au-dessus d’elle. C’était très rapide, cela ressemblait à un grand oiseau. Il survola  la maison qui explosa. Lola fut projetée à terre, sa chemise de nuit tachée par la boue. Quand elle se releva, sa maison n’était plus qu’une ruine en flammes. Elle entendit des cris. Des hommes couraient dans sa direction. Tous grands et hirsutes, avec un habit vert qui les rendait difficiles à discerner du reste du paysage. Quand ils arrivèrent à sa hauteur, elle put lire la peur dans leurs yeux. Ils criaient des choses incompréhensibles. Ils couraient, la folie au ventre, ils couraient, comme des brebis fuyant les loups, ils couraient, ils s’écrasaient, se marchaient dessus, n’ayant en tête que leur propre survie, tout en sachant que tout était déjà fini.

Lola, elle, regardait tout cela, sans voix, les loups qui étaient autour d’elle fuyaient comme des moutons et se comportaient en hyènes. Elle avançait. A l’inverse des hommes en vert, elle, avançait. Elle voulut reculer, mais ses membres ne répondaient plus.

Devant elle, s'étendait un champ de boue et de cadavres. A l'horizon, la boue, les cadavres et une douce lumière annonçant la venue des loups, les vrais.

Elle avançait entre les arbres morts, sautait par dessus les fossés et arriva enfin devant l'océan, un océan rouge. Elle décida de le traverser. Parfois, elle trébuchait sur les vagues ou marchait sur un tas d'algues spongieuses. L'odeur salée de cette mer lui piquait le nez et les yeux.

Les yeux ? Une odeur ne pique pas les yeux. Elle reprit soudainement conscience de la réalité qui l'entourait. La fumée et l'odeur du sang. C'était cela qui la dérangeait. Ses pieds pataugeaient dans la boue et elle était trempée à cause de la pluie, elle avait froid et la fascination avait fait place à la peur.

Des hommes en bleu avançaient. Ils avaient un regard de prédateur, comme ces animaux qui n'ont pas mangé depuis des jours. Ils avançaient, maigres, mais triomphants. Ils virent Lola, seule au milieu de l'horreur. Elle les regardait sans comprendre ce qu'ils faisaient là. Et eux, ils la regardaient en se disant qu'ils n'auraient plus cette chance le lendemain. Lola remarqua que la pluie avait rendu sa chemise de nuit transparente et que les hommes en bleu l'observaient avec des sourires obscènes.

Elle comprit trop tard que ces animaux- là étaient emplis d'une cruauté trop humaine pour qu'ils soient appelés « loups ». Elle s'évanouit, l'un des hommes la rattrapa en riant d'un rire terrible, les autres riaient avec lui. Ils l'emmenèrent avec eux pour célébrer leur victoire comme il se doit.

A l'ouest, rien de nouveau...

Bilal

16 mars 2017

Le travail nous permet de survivre

Le travail nous permet de survivre, de subvenir aux besoins de notre entourage, de nos enfants. Le travail est malsain : certes il nous permet de nous sentir plus autonomes, plus utiles à la société, mais en réalité, il nous submerge. Comme tout individu, le travail a une face cachée. Derrière ses airs de réussite et de famille parfaite en banlieue, on  voit la pénombre. On  voit de jeunes enfants innocents confrontés à la cruauté du monde extérieur, menacés par les plus grandes entreprises elles-mêmes noyées par un voile de billets qui a réussi à leur faire oublier leurs vraies valeurs.

Mais malgré tout, le travail a une part de bonheur inépuisable quand il est aimé et souhaité à chaque lever de soleil, avant même que la sonnerie assourdissante du réveil ne retentisse. C’est ce travail-là que tout le monde souhaite, celui pour lequel les enfants prient tard dans la nuit. Ce travail, celui qui nous comble, est vital : le travail fait partie intégrante de notre vie, c’est plus ou moins sur lui que notre vie se construit, nos amis, nos amours…

Carnet de famille

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Mardi 14 mars 2017

C’est la première fois que j’écris dans ce petit carnet…. Je sens pourtant son odeur particulière depuis des mois, en me disant qu’il me serait utile pour y inscrire mes pensées et mes tourments.

Et c’est ce soir, le mardi 14 mars, que j’ai enfin décidé de m’y mettre. En même temps le destin m’y a un peu aidé…Mais je parlerai de ceci dans peu de temps.

Il paraît qu’écrire dans un carnet ses pensées positives ou néfastes fait énormément  de bien car cela permet de vider la tête de ce qui la tourmente, de ce qui l’empêche de travailler sereinement.

La journée d’aujourd’hui a vraiment été désastreuse…Elle a commencé par un cours de biologie suivi d’un cours de biochimie. Je suis en première année de médecine, et, depuis quelques temps je rencontre beaucoup de difficultés à comprendre les cours, bien que je travaille énormément. J’accumulais de plus en plus d’incompréhensions et tous les jours je perdais confiance en moi et mon moral diminuait à vue d’œil. J’ai donc décidé d’aller voir un de mes formateurs pour discuter avec lui de la situation. Et la catastrophe ! Il me dit avec mépris que je ne risquais pas de passer le cap du concours de la fin de l’année, à moins que je redouble de motivation et de persévérance.

A ce moment-là, tout s’est effondré autour de moi : mes envies, mes projets, mes rêves, ma vie, tout simplement…. La vie que je m’étais imaginée…En étant médecin…Je souhaite…enfin, je souhaitais, vu que c’est très mal parti…être pédiatre.

C’est mon rêve depuis que je suis toute petite et cela me tient vraiment à cœur.

Cela m’attriste profondément, vous imaginez, renoncer à son rêve d’enfant à 19 ans ? « Que c’est triste ! » diraient mes grands-parents s’ils étaient présents dans cette pièce

Mes grands-parents…je pense que je vais les appeler ! Cela m’apportera du réconfort et qui sait, cela me redonnera certainement le moral et la motivation pour redoubler d’efforts.

Mercredi 15 mars 2017

Je reviens vers mon petit carnet après avoir appelé mes grands-parents hier. Ils m’ont rassurée avec bienveillance en me disant qu’ils étaient persuadés que j’allais y arriver et que si j’y mettais toutes mes forces et ma motivation, j’étais sûre d’arriver à réaliser mon rêve. Ils m’ont également rappelé une mauvaise passe qu’a vécue un de mes amis, Estéban.

Mon meilleur ami, Estéban, pratique l’athlétisme depuis 11 ans et l’an dernier, il s’est fait une entorse au genou 5 mois avant les championnats de France. Il a dû arrêter ses nombreux entrainements durant 3 mois et, lorsque cet arrêt a pris fin, ainsi que ses séances de kinésithérapie, il  a repris l’athlétisme, bien décidé à rattraper les 3 mois d’entraînements perdus. Le problème a été qu’après cette blessure assez grave, son arrêt des entrainements et la rééducation chez le kinésithérapeute, il n’arrivait pas à récupérer son niveau d’avant l’accident. Les entrainements étaient pour lui très douloureux, tant physiquement que moralement. En effet, son genou le faisait beaucoup souffrir et son moral lui, s’en allait petit à petit ainsi que son enthousiasme, son esprit de compétition et surtout son mental d’acier, un vrai mental de sportif dont il me parlait souvent auparavant. Cette période a vraiment été une période très difficile pour lui. Je ne l’avais jamais vu autant découragé et cela m’a fait beaucoup de peine. J’essayais constamment de lui remonter le moral car je croyais fortement en sa réussite, mais lui n’y croyait plus…Lui qui avant avait un moral d’acier, toujours à chercher la réussite, cet accident lui avait faire perdre toute son opiniâtreté et il ne croyait plus du tout en ses capacités. Et puis, un jour, son entraîneur, sentant son mal-être, décida d’aller lui parler.

Je suis épuisée, je reprendrai cette histoire demain soir, après mes cours.

Jeudi 16 mars 2017

L’entraineur d’Estéban décida donc d’aller lui parler. Et le temps d’un chocolat chaud, mon meilleur ami apprit que son entraineur avait lui aussi été victime d’un accident. Lui aussi s’était fait une entorse mais contrairement à Estéban, à la cheville. Il apprit que son entraineur, qu’il admirait pour ses performances, avait lui aussi dû faire face à des difficultés dans sa progression. A partir de ce moment-là, Estéban s’est métamorphosé : il a continué les entrainements, mais cette fois avec motivation, persévérance et foi en ses capacités. Ces amis et moi étions tous avec lui, car depuis que nous le connaissions, nous étions persuadés qu’il arriverait à devenir un grand sportif, malgré les hauts et les bas de sa vie. Bien qu’il souffrît beaucoup de sa blessure, il s’entraînait avec rigueur et détermination trois fois par semaine, comme auparavant.

Et toute sa détermination a payé : il a remonté la pente grâce à la passion qu’il avait pour cette discipline. Lors du championnat de France, il a été sur la troisième marche du podium à son grand étonnement.

Toute cette histoire me redonne le moral et me prouve qu’avec de la persévérance, de l’opiniâtreté et motivation, on peut réussir à réaliser ses rêves, même les plus fous quand celui-ci reflète une passion que l’on a au plus profond de nous.

Je me couche donc avec le souhait de reprendre confiance en moi et de me remettre à croire en mon rêve et de travailler avec persévérance et motivation.

Vendredi 17 mars 2017

Aujourd’hui, je me suis sentie mieux, beaucoup mieux. Ma confiance en moi est revenue et en arrivant dans l’amphithéâtre, je me suis dit qu’il fallait que j’y arrive, que mon avenir soit celui que j’avais décidé et pas celui qui s’est imposé sous le poids de mes difficultés.

A la sortie des cours, je me suis sentie légère comme je ne l’avais pas été depuis longtemps. Ce soir j’allais réviser avec une amie, en deuxième année de médecine. Elle avait accepté de m’aider car elle est passée par la même phase de découragement que moi…

Samedi 18 mars 2017

Après les révisons d’hier soir, j’étais confiante ; je pouvais comprendre les cours ! Il fallait juste que je fasse des liens avec mes autres cours, que je regarde dans mon livre et bien sûr que je révise et que je m’entraîne pour toujours garder ses connaissances.

Je pense que la fin d’année va être très remplie et c’est pour cela que je n’aurai certainement pas le temps d’écrire dans mon carnet…. La suite sera donc après ce concours tellement redouté par tous les étudiants en médecine.

Samedi 24 juin 2017

Aujourd’hui, j’écris dans ce carnet avec le sourire aux lèvres ! Je viens de passer une journée fantastique. Le matin j’ai appris ma réussite au concours, billet d’entrée pour la deuxième année de médecine. J’ai été tellement surprise et heureuse que les larmes se sont mis à ruisseler le long de mon visage. Un de mes formateurs est venu me voir en me disant qu’il ne fallait pas pleurer pour une aussi bonne nouvelle. Mais je ne m’y attendais absolument pas. Une erreur de nom ? Ou de note ? Non non j’avais bien réussi le concours de la première année de médecine. Dans le même temps, j’appris qu’Estéban était sur la première marche du podium du championnat de France, son deuxième championnat de France. Le soir, nous nous sommes réunis avec ses amis et les miens et nous avons fait une grande fête, bien méritée…

Samedi 10 juin 2023

Je sais maintenant pourquoi ma grande sœur chérie m’a fait lire toutes ces lignes…

J’ai retrouvé ce carnet dans sa chambre après que l’on a déménagé ses affaires pour son départ dans son nouvel appartement. Quand je lui ai dit l’avoir trouvé, elle m’a dit de le lire à partir du marque-page violet.  Etrange ai-je pensé sur le moment…Et puis j’ai tout compris : elle se fait du souci pour moi car en ce moment, je prépare un concours de piano très difficile pour entrer au conservatoire de Versailles et ma professeure  m’a aujourd’hui dit sèchement qu’il faut que je sorte de ma torpeur, que je me réveille car ce concours n’est pas un rêve facile à atteindre mais qu’il faut aller le chercher loin, à coups de détermination et de motivation grandissante. C’est pour cela que ma sœur a décidé de me faire lire ce carnet…Ce carnet qui témoigne d’un moment de sa vie où elle allait mal…Je me rappelle que c’est toute cette histoire qui lui avait redonné la force de se remotiver, de regagner l’opiniâtreté qu’elle avait toujours eu, depuis toute petite.

Alors merci car tout cela me montre l’importance des mots : MOTIVATION-DETERMINATION-PERSEVERANCE et surtout PASSION.

Je vais donc me remettre à travailler avec rigueur et en faisant de tous ces mots mon cri de guerre quotidien car le piano est ma passion et je le sais pertinemment.

Merci beaucoup ma soeurette chérie ! Je pense fort à toi !

Samedi 27 juin 2023

Ma soeurette chérie a décidé de me laisser ce carnet. Elle me dit qu’il a été pour elle une grande source de réflexion et que cela lui avait permis de comprendre le sens du mot travail, le vrai sens. Nous en avons donc discuté toute deux et sans nous être concertées auparavant, nous sommes tombées d’accord ! Nous avons donc décidé d’écrire à deux le sens de ce mot dans ce carnet. Qui sait peut-être qu’un jour nos enfants et petits-enfants le liront…

Le travail découle de la motivation à réaliser un rêve qui provient d’une passion au plus profond de nous-mêmes et c’est pour cela que l’on arrive à y mettre autant de persévérance, d’énergie et d’opiniâtreté car c’est pour la réalisation de ce rêve. Nos proches, amis et familles, lorsqu’ils nous montrent qu’ils nous estiment, nous permettent de nous remotiver et de croire en nos capacités et donc de permettre à ces dernières de pleinement se développer.

Mardi 27 novembre 2023 :

Je reviens vers ce petit carnet après un mois sans avoir écrit tout ce qui me tourmentait, me faisait réfléchir. En effet, entre la préparation du concours d’entrée au conservatoire de Versailles et mes études, je n’ai pas eu de moment de calme pour continuer le fil de ce carnet. Ce soir, je me penche pour rédiger des lignes rayonnantes de bonheur, avec un sourire de fierté et de satisfaction ; cet après-midi j’avais passé le concours d’entrée au conservatoire et je l’avais réussi : j’étais acceptée !! J’allais donc continuer à apprendre le piano au conservatoire de Versailles, mon rêve depuis que je suis toute jeune. Après cette heureuse et fantastique journée, je referme ce carnet et je vais me coucher avec une grande satisfaction.

Floriane

Le Garçon

        https://visualhunt.com/photos/t/1/black-and-white-abstract-architectural-detail.jpg    Il y a très longtemps, vraiment très longtemps, au début de l’Humanité où il a fallu apprendre pour survivre, un garçon est né. Ce garçon est mondialement connu depuis sa naissance. Il a une particularité peu commune, il a le don d’ubiquité. Cela lui permet d’accompagner plusieurs personnes en même temps. A côté du bébé qui essaye en vain de marcher, d’un lycéen en train de faire une rédaction, ou encore derrière l’homme en haut d’un building, dans son bureau qui crie au téléphone.

            Ce garçon peut aussi avoir plusieurs visages. Celui du père qui répète inlassablement le mot gâteau pour que sa fille de deux ans et demi puisse le dire. Ou alors être le cahier de géographie sur lequel le collégien révise pour le contrôle du lendemain.  

            Le garçon depuis son plus jeune âge a un gros défaut, il est infidèle. Il peut être marié à l’Epanouissement et vivre le grand amour et être source de plaisir ou de bonheur. Mais peut le tromper avec l’Ennui ou encore le Calvaire, après une mauvaise passe. Il n’a plus de sentiment aussi passionnel qu’au début de leur relation. Ces maîtresses sont redoutables, elles peuvent mener le garçon à abandonner l’Epanouissement pour elles. Et nous nous pouvons plonger avec elle !

            Il est là sur le pas de la porte de la classe, du bureau, de la salle de réunion, de la salle d’examen. Il reste auprès de nous tout la journée collé à nous sans nous lâcher, même pendant l’heure de la pause pendant que nous mangeons. Et quand nous rentrons chez nous, nous penserions qu’il resterait devant la porte à nous dire au revoir, à demain ou à lundi, mais non il s’immisce dans nos pensées et reste avec nous pendant la soirée, le weekend, les vacances. Il a comme deuxième don de nous étouffer et de nous oppresser. Nous ne pouvons pas nous détacher de lui. Il est notre drogue, sans lui nous ne pouvons vivre. Il est notre ancrage pour avoir une vie paisible jusqu’à la fin. Le garçon peut être un bon compagnon ou alors ton bourreau.

            Ce garçon connu de toutes les générations et tout âge a pour nom Travail.

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