Stéphane Vial, L’être et l’écran. Comment le numérique change la perception, Puf, lu par Guillaume Lillet
Par Baptiste Klockenbring le 22 juin 2015, 06:00 - Épistémologie - Lien permanent
Stéphane Vial, L’être et l’écran. Comment le numérique change la perception, Puf, 2013.
Préface de Pierre Lévy – Critique et visionnaire : le double regards des sciences humaines.
Pierre Lévy montre dans cette préface que l’Internet n’est ni un acteur, car il n’agit pas, ni une source d’informations, car il est dépendant de ceux qui le nourrissent, ni un modèle, car rien ne nous oblige à nous y conformer. L’œil critique a pour fonction de dissoudre les idoles, explique Lévy, quand l’œil visionnaire s’attache à montrer en quoi ce nouvel univers de communication augmente notre capacité de manipulation symbolique. L’ouvrage de S. Vial présente la révolution numérique comme produisant un système organisateur de nos perceptions, de nos pensées et de nos relations. Nous devons nous emparer de ce changement et y voir se dessiner, selon Pierre Lévy, « un saut de réflexivité de l’intelligence collective ». Par la création du médium algorithmique, nous devrions d’abord viser une « révélation dans les sujets ».
Introduction – De quoi la révolution numérique est-elle la révolution ?
L’auteur, qui n’hésite pas à parler de « nouvel esprit technologique », part du constat selon lequel une vie sur écran et une nouvelle culture se développent de façon exponentielle principalement depuis les années 1990. Nous avons affaire à une révolution numérique dont il s’agit de comprendre l’objet. Les dispositifs techniques sont des « théories matérialisées du réel » et produisent en ce sens une nouvelle sphère de réalité ; ce sont des « matrices ontophaniques ». Notre rapport au monde a toujours été technologiquement conditionné. Dès le début, l’ouvrage s’inscrit dans une terminologie phénoménologique. Il s’agit une nouvelle fois de lier la question de l’être et celle de la technique, qui existe aussi bien dans les objets que dans les sujets. L’auteur propose d’interroger ici l’être des êtres numériques et ce que devient notre être dans ce monde d’êtres numériques. Dans cette perspective, le livre introduit le concept d’ontophanie afin d’envisager le phénomène numérique, qui se donne au sujet par le biais d’interfaces multiples, « sous l’angle de la phénoménologie ».
Chapitre 1 – La technique comme système
A partir de l’Histoire des techniques de B. Gille, l’auteur définit le système technique comme celui qui englobe et donne leur cohérence à trois niveaux : la structure technique (outil ou machine), l’ensemble technique (résultat de l’association de plusieurs techniques, comme le micro-processeur par exemple) et enfin la filière technique (industrie permettant la production de produits déterminés comme des vêtements ou des micro-ordinateurs). Un système technique est viable s’il est équilibré et constitue alors en partie l’identité d’une époque en tant que structure sociale ; cependant, contrairement à Gille qui pense que la technique fait système à toute époque, Ellul (Le système technicien) pense que la systématicité est l’apanage de la technique dans les sociétés contemporaines. Marx parlait du « fétichisme de la technique » et il s’agit alors de la repenser non comme système autonome inquiétant menant à une haine de la technique selon Jean-Pierre Séris (La technique), mais comme valeur culturelle, ce que nous enseigne le design. Dans cette optique, Simondon fait office de figure tutélaire puisqu’il est le premier à insister sur le fait que la technique est une culture et que les objets techniques sont dotés de significations. Le design, en tant qu’alliance de la technique et de l’art entre autres, va faciliter la réintégration de la technique dans la culture et le domaine du sens. Pour comprendre la réalité technologique, le philosophe doit alors s’ouvrir à une grande variété de discours (ingénieurs, industriels, designers, etc.). La technique peut être porteuse de valeurs, par exemple de partages communautaires et de contributions collectives comme l’a montré l’esprit de l’open source. A l’heure de la révolution numérique insiste l’auteur, le progrès technique est bel et bien porteur d’espoir. On ne peut plus considérer la technologie comme isolée : en elle convergent la technique, la science, l’industrie et le design, comme le montreront clairement les chapitres suivants. On assiste à l’émergence d’une nouvelle culture. Pourtant nous avons tendance, face au progrès technique, à nous sentir dépossédés bien plus que face à l’art par exemple. Il ne faut pourtant pas considérer la technique comme transcendante. Même si nous utilisons des objets techniques et des technologies sans les comprendre, il s’agit bien plutôt d’une émancipation : nous pouvons conduire une voiture sans savoir comment elle roule. L’auteur conclut en se situant dans la lignée de Gille pour qui l’objet, loin de nous échapper, est un objet à connaître.
Chapitre 2 – Le système technique numérique
Pour comprendre la révolution numérique souligne S. Vial, il faut la replacer dans le mouvement d’ensemble de l’histoire des techniques dont elle est le point culminant puisqu’elle « réorganise l’ensemble de notre système technique ». Cette histoire, en Occident, est celle de la machinisation que l’on peut résumer en trois moments : la révolution pré-mécanique de la Renaissance, la révolution mécanisée de l’ère industrielle et la révolution numérique actuelle qui nous font passer d’une machinisation comprise comme mécanisation à une machinisation sous forme de numérisation. Une technique peut être considérée comme faisant système si on la voit partout. Ainsi, le fondement du nouveau système technique, c’est l’ordinateur, qualifié ici de « machine totale ». C’est lui qui donne sa cohérence au système technique numérique contemporain. Force est de constater que de plus en plus, nous déléguons aux machines : après avoir mécanisé le travail corporel, nous numérisons le travail mental. Comme le disait Steve Jobs, l’ordinateur est « l’équivalent de la bicyclette pour l’esprit ». L’innovation technique qui est au cœur du système, c’est la machinisation du calcul. Cette révolution ne peut qu’avoir, comme les précédentes, des conséquences sociales, sur le travail en particulier, sur nos vies en général. Pourtant, il est inéluctable que ce nouveau système technique domine. La numérisation, ou informatisation, est désormais au pouvoir car l’ordinateur s’impose à tous les niveaux du système technique. Il est donc invention et innovation. Et c’est parce qu’il peut être utilisé en réseau qu’il devient l’objet technique total évoqué plus haut. L’auteur conclut ce second chapitre en montrant que ce système technique relève d’une combinaison entre l’électronique, l’informatique et les réseaux ; l’Internet faisant rayonner « l’étoile centrale » qu’est l’ordinateur.
Chapitre 3 – Les structures techniques de la perception
Après s’être penché sur la révolution numérique et l’apparition du système technique numérique, l’auteur s’intéresse plus précisément dans le chapitre 3 aux révolutions phénoménologiques et aux structures techniques de la perception. Il s’agit de montrer comment l’apparition de nouveaux systèmes techniques modifie l’acte de percevoir, le rapport perceptif au monde, en affectant ce qu’il convient d’appeler notre culture perceptive, qu’il faut alors comprendre comme toujours historiquement datée et par conséquent versatile. L’ère numérique implique, comme les précédentes, de renégocier l’acte perceptif dans la mesure où nous n’avons pas d’habitudes perceptives concernant les objets numériques. Il faut donc repenser d’un point de vue philosophique, phénoménologique, la manière dont les êtres nous apparaissent. Cette révolution est également sociale puisqu’elle concerne une population large, contrairement à d’autres plus confidentielles (mécanique quantique, etc.). Ainsi « la technique est une structure de la perception » puisque c’est toujours en fonction d’une technique que le réel nous apparaît de telle ou telle manière.
En s’appuyant de façon convaincante sur un parallèle entre Bachelard et Benjamin, S. Vial montre que toute réalité consiste en une construction techniquement fondée. A Bachelard il emprunte le concept de phénoménotechnique faisant de la constructibilité technique « un critère d’existence phénoménale ». Autrement dit, un phénomène ne peut nous apparaître qu’en vertu d’une technique qui le construit, l’invente et devient par là même « matrice ontophanique » conditionnant a priori la manière dont ces phénomènes mondains nous apparaissent. Dès lors nous comprenons que puisqu’il existe différentes cultures, il existe une diversité de matrices, de moules phénoménologiques et autant de manières de « se-sentir-au-monde ». Il faut en déduire que le statut phénoménal du monde est variable. De même chez Benjamin, l’appareil, concept ici central, se définit comme machine ayant le pouvoir de faire apparaître la réalité et plus particulièrement son aura, comme producteur de réalité donc. Ainsi, plus largement, tout objet nous appareille au monde puisque c’est par les objets que le monde nous apparaît. L’auteur développe pour clore ce chapitre l’exemple éclairant de l’invention du téléphone et de ce qu’il nomme « l’ontophanie téléphonique ». L’acte perceptif nouveau qui se construit ici est se parler sans se voir, lequel modifie considérablement la relation à autrui, le contexte socioculturel, au travers d’une renégociation phénoménale. Chaque époque dispose ainsi d’un rapport au réel qui lui est propre en fonction du système technique dans lequel elle évolue.
Chapitre 4 – Vie et mort du virtuel
Dans ce chapitre, S. Vial veut montrer que c’est à l’heure des technologies numériques que la relation entre la technique et le réel devient la plus complexe. Les technologies numériques sont celles qui ont le plus transformé « la manière dont les êtres et les choses nous apparaissent en tant que phénomènes » au point de causer, selon l’auteur, une sorte de traumatisme phénoménologique. Nous avons changé de monde et il faut donc comprendre l’être des phénomènes numériques ; ce que l’on a commencé à faire à partir du concept de « virtuel », issu de la métaphysique médiévale, qu’il s’agit ici de déconstruire. Le virtuel est une manière d’être réel sans être actuel, sans se manifester, à la façon de la dynamis (puissance) aristotélicienne ; mais c’est à partir du sens que prend ce terme dans le domaine de l’optique que la confusion est apparue : ici, « l’image réelle » que l’on peut percevoir et recueillir sur un écran s’oppose à « l’image virtuelle », artificielle car totalement dépendante de l’appareil qui la produit et hors duquel elle n’existe pas, si bien qu’on ne saurait la recueillir sur un écran. C’est, par exemple, l’image produite par une loupe ou un verre de lunettes. Le virtuel informatique s’inspire de ce dernier sens puisqu’il est aussi un artifice technique par lequel on simule « un comportement numérique indépendamment du support physique dont il dépend », comme dans le cas de la mémoire virtuelle par exemple. Il est ainsi de l’ordre du simulationnel, « résultat d’une manipulation programmable de l’information » et reste ipso facto parfaitement réel. C’est ainsi que l’apparition de l’interface graphique est fondamentale puisqu’elle nous fait passer d’un monde de calculs à un monde de simulations, de la programmation au virtuel, autrement dit à tout ce qui est « informatiquement simulé ». L’auteur poursuit logiquement par une critique de la nouvelle métaphysique de l’image qui a mené selon lui à situer le virtuel hors du réel, à opposer le virtuel au réel, passant à côté de la réalité spécifique du virtuel. Dans cette perspective il existe des environnements virtuels interactifs – logiciels de traitement de texte, tableurs, etc. – et des mondes virtuels tels que l’on peut en trouver dans les jeux vidéos réputés type Second life ou World of Warcraft, où l’utilisateur lui-même, par l’intermédiaire d’un personnage, devient une instance virtuelle. Dans notre culture de la simulation, selon une expression de Sherry Turkle dans son ouvrage Life on the screen, il s’agit de « prendre ce que je vois sur l’écran sous l’angle de l’interface ». Les interfaces se sont intégrées à notre expérience du monde et nous percevons ce qui s’y manifeste comme phénomènes du monde appartenant à l’espace du monde et non à un autre monde. Acheter en ligne ou dans une boutique est désormais équivalent du point de vue phénoménologique.
Chapitre 5 – L’ontophanie numérique
L’auteur parle dès lors d’une violence phénoménologique qui expliquerait cette réaction première de rejet hors du réel. Les sens n’ont jamais été aussi trompeurs qu’avec ces phénomènes numériques qu’il convient de situer « entre l’être et l’écran ». Afin de les comprendre comme phénomènes du monde vécu, S. Vial propose de les considérer à travers onze catégories, onze concepts phénoménologiques : nouménalité, idéalité, interactivité, virtualité, versatilité, réticularité, reproductibilité instantanée, réversibilité, destructibilité, fluidité, ludogénéité.
A partir de la distinction faite par Gilles-Gaston Granger entre le probable, le possible et le virtuel dans l’ouvrage éponyme, l’auteur insiste sur le fait que le réel inclut nécessairement du virtuel et reprend la comparaison des phénomènes numériques avec ceux de la physique quantique, inaccessibles à notre perception. Ils sont alors des noumènes, c’est-à-dire des phénomènes qui ne se manifestent pas à notre perception immédiate mais seulement par la médiation de l’appareillage technique que sont les interfaces (graphiques, en ligne de commande, tangibles ou tactiles). Elles permettent de « phénoménaliser le noumène numérique », comme l’accélérateur de particules permet de rendre perceptible le noumène quantique. L’étant numérique naît dans ce système technique numérique en tant que noumène.
Il ne faut également jamais oublier que tout ce qui nous est donné à percevoir par les interfaces est avant tout un ensemble de lignes de codes, autrement dit d’êtres de raison, d’idéalités. Le phénomène numérique est programmable et les images relèvent avant tout d’un langage informatique.
Avec l’apparition des ordinateurs personnels (PC) on entre dans un monde d’interactivité puisque l’on se focalise sur l’expérience plus que sur l’objet, passant d’une culture purement technique à une « culture design ». On interagit avec l’ordinateur par le biais de supports matériels et la matière calculée réagit, renvoie toujours quelque chose. Une interface « contient une aptitude réactive intrinsèque », contrairement à l’écran de cinéma par exemple, qui n’est pas interactif. L’archétype de l’interactivité est de ce point de vue le jeu vidéo.
Ainsi le phénomène numérique est bien une simulation, bien que tout appareil numérique ne contienne pas de virtualité, mais nécessairement de l’interactivité ou de la programmabilité.
Le phénomène numérique est en outre versatile, ce qui signifie qu’il est instable et que le fameux bug lui est consubstantiel. Du point de vue existentiel, cela introduit dans notre expérience quotidienne une « phénoménalité de l’instable », le plantage.
L’auteur qualifie le phénomène numérique d’ « autrui-phanique » - comme nouvelle ontophanie d’autrui - au sens où le lien social est considérablement affecté, travaillé, enrichi, façonné par les interfaces et notamment les réseaux sociaux type Facebook, Twitter ou Linkedin. La relation à autrui a toujours été techniquement conditionnée en quoi il n’y a pas lieu d’opposer une sociabilité hors ligne et une sociabilité connectée. Il s’agit simplement d’une modalité supplémentaire du lien social, comme le furent le téléphone, le courrier, etc.
Une des caractéristiques essentielles du phénomène numérique est sa reproductibilité instantanée dans des proportions inédites. N’importe quel fichier numérique peut être en un seul clic copié un nombre de fois inouï, ce qui transforme évidemment notre expérience de la culture dans la mesure où tout ce qu’elle produit est immédiatement disponible. L’Ipod représente l’objet induisant une telle expérience de la « culture ubiquitaire ».
Ce qui transforme également notre rapport au monde de façon considérable, c’est la réversibilité du phénomène numérique. Il est possible de revenir en arrière et le monde physique dans lequel nous vivons n’est alors plus irréversible. Nous sommes ainsi confrontés à un nouvel apprentissage ontophanique qui sera progressivement intégré. Comme pour les autres, il ne faut pas y voir un danger et l’auteur insiste régulièrement sur la dimension éducative du phénomène numérique. Nous devons apprendre ces nouvelles expériences du monde.
S’il est réversible, le phénomène numérique n’en est pas moins destructible et peut être néantisé instantanément de manière irréversible, au point de remettre ici en question le fameux principe de Lavoisier selon S. Vial.
Ces dernières caractéristiques conduisent à la grande fluidité du phénomène numérique, lequel est qualifié de « thaumaturgique », presque miraculeux donc, tant ce que nous pouvons faire avec la matière calculée semble « facile et léger, immédiat et simple ». L’envoi de courriels nous le confirme tous les jours. Nous semblons comme libérés de la résistance des choses.
Enfin, last but not least, le phénomène numérique est jouable et cette ludogénéité est loin de ne concerner que les jeux vidéo qui en sont l’archétype. Tous les dispositifs numériques stimulent notre attitude ludique et nous donnent un certain plaisir, qu’il s’agisse de cliquer sur une icône, surligner un texte, tourner les pages d’un livre numérique ou bien évidemment jouer. Ce succès, chez les enfants particulièrement, est dû selon l’auteur au « pouvoir d’immersion de l’interactivité ».
Chapitre 6 – Le design (numérique) de l’expérience
Le phénomène numérique nous conduit donc à développer des apprentissages perceptifs face à la nouvelle ontophanie du monde, engageant « une phénoménologie créative, qui résulte d’un processus de fabrication ». Il est question dans ce chapitre des concepteurs, des designers qui sont les véritables producteurs d’expériences-du-monde possibles et accessibles, qui créent des « sphères » pour le dire comme Sloterdijk ou des « mondes propres » (von Uexküll). Tout ce que met en forme la « culture matérielle » façonne notre expérience du monde, et particulièrement le design qui produit des objets intentionnellement factitifs. Tout objet ne relève donc pas du design si l’on comprend ce dernier comme l’intention de produire « un effet d’expérience », « une expérience-à-vivre » qualitative, une projection ontophanique. Le design numérique peut être défini comme « une activité créatrice d’ontophanie numérique » constituant l’environnement perceptif numérique. Dès lors il faut en distinguer deux usages. Dans le premier, on trouve du numérique dans le procédé mais pas dans le produit, quand on utilise un logiciel de dessin en 3D pour concevoir un casque à vélo par exemple, qui sera ensuite fabriqué en série. Dans le second, il y a du numérique dans le procédé et dans le produit, comme dans la création d’un site web ou d’un jeu vidéo. Le résultat est donc fait de « matière calculée » même si elle ne constitue pas la finalité du projet qui nous donne tout autre chose à percevoir et à expérimenter. En conclusion de ce chapitre, l’auteur s’intéresse à ce trait caractéristique de notre expérience du monde contemporaine, induite par l’ontophanie numérique, à savoir l’immersion, que le geek pousse à son paroxysme. Or ce mode d’existence ne saurait remplacer les précédents ; il ne fait que s’y ajouter et n’a de sens que s’il « enrichit notre expérience-du-monde possible ». L’auteur se garde bien de faire l’apologie d’une vie réduite à l’état immersif et nécessairement appauvrissante. Cependant nous ne pouvons rejeter totalement l’immersion ; ce serait une gageure puisque « toute ontophanie du monde est une ontophanie technique » et nous retomberions inévitablement dans une autre ontophanie technique. On ne peut y échapper, d’où la grande responsabilité du design numérique qui doit nous amener à mieux vivre dans l’ontophanie numérique et se doit de considérer la dimension hybride de notre expérience du monde.
Conclusion
Avec l’apparition de cette ontophanie numérique, nous avons donc avant tout affaire à une révolution phénoménologique, concernant les sujets plus que les objets. Nous devons intégrer l’idée que nous vivons aussi bien parmi les sujets que parmi les objets et que nous sommes en permanence en train d’agencer notre monde propre, notre sphère d’existence dont la qualité ne relève pas uniquement de notre rapport à autrui mais également de notre relation aux objets. De ce point de vue, ils n’ont pas tous la même « aura phénoménologique », le même degré d’intensité perceptive. Or « les expériences du monde induites par l’ontophanie numérique possèdent (…) un assez bas degré d’aura phénoménologique ». Le lien sociologiquement faible de l’amitié sur Facebook est bien en dessous de celui produit par le face-à-face par exemple. Il y a des expériences de sujets et d’objets dont l’aura phénoménologique est encore bien supérieure à celle des interfaces.
Suivent une bibliographie très complète et deux index détaillés (noms et mots).
Guillaume Lillet.