La table d'un cuisinier taoïste ,
Orientaliste , n'est pas égoïste !
Cuisine à la vapeur , douces senteurs ,
S'enrubannent saveurs aromatiques ,
S'exécutent en arpèges concentriques ,
Et accompagnent le thé en sueur ;
Après avoir médité sur la vie ,
Elle entretient bien le corps et l'esprit !

Y ressemble la table du Crétois ,
Car devenir centenaire , il se doit !
Légumes , céréales fruit ... font fête ,
Enfin , fromages viennent tenir tête .

Dire de la table périgourdine
Qu'elle ne désemplit pas , et l'on y dîne ,
Avec foies gras , confits , huile de noix ...
Arrosés de Montbazillac , Sauternes ,
De Bordeaux ou de Bergerac , tout fait foi !
Travaillons pour "éclairer vos lanternes" !

Quant à la belle table provençale ,
Les senteurs chantent en ritournelle ,
Basilic , marjolaine s'entremêlent ,
Sensuels , embaument toute la salle ,
Anchoïade , bouillabaisse et brouillade ...
L'huile d'olive apporte l'estocade !

Tout pour devenir centenaire ,
Avoir une santé prospère ,
N'ayez pas peur de déguster
L'un ou l'autre , à volonté ,
Ces quatre régimes notoires ,
Voilà la recette de cette histoire !

De Catherine ODE

                       Cuisson du pain

Les servantes faisaient le pain pour les dimanches,
Avec le meilleur lait, avec le meilleur grain,
Le front courbé, le coude en pointe hors des manches,
La sueur les mouillant et coulant au pétrin.

Leurs mains, leurs doigts, leur corps entier fumait de hâte,
Leur gorge remuait dans les corsages pleins.
Leurs doigts monstrueux pataugeaient dans la pâte
Et la moulaient en ronds comme la chair des seins.

Le bois brulé se fendillait en braises rouges
Et deux par deux, du bout d'une planche, les gouges
Dans le ventre des fours engouffraient les pains mous.

Et les flammes, par les gueules s'ouvrant passage,
Comme une meute énorme et chaude de chiens roux,
sautaient en rugissant leur mordre le visage.
                                 

                                                Emile Verhaeren