Toute l’oeuvre de Mme de La Fayette a d’abord été publiée de manière anonyme, pourquoi ? Au XVIIe siècle, quand on est une femme de la noblesse, on ne signe que des Mémoires ou des Correspondances. Ou à la rigueur, des genres considérés comme nobles : le grand roman pastoral et précieux.
Mais, La Princesse de Clèves est probablement le résultat d’une collaboration : cela se fait beaucoup à l’époque. On sait que Mme de La Fayette a travaillé avec La Rochefoucauld, Segrais ou Huet. D’ailleurs, trouver l’auteur d’un ouvrage est une petite devinette de salon. Mme de La Fayette se défend même avec malice :
Un petit livre qui a couru il y a quinze ans et où il plut au public de me donner part, a fait qu’on m’en donne encore à la Princesse de Clèves. Mais je vous assure que je n’y en ai aucune ... Je suis flattée que l’on me soupçonne et je crois que j’avouerais le livre si j’étais assurée que l’auteur ne vînt jamais me le redemander. Je le trouve très agréable, bien écrit sans être extrêmement châtié, plein de choses d’une délicatesse admirable.
Mme de La Fayette, Lettre au chevalier de Lescheraine, 13 avril 1678.
À la mort de sa mère, Junie, 16 ans, change de lycée en cours d'année. Dans son nouvel établissement, elle retrouve son cousin Mathias, qui l'aide à s'intégrer dans la classe en lui présentant sa bande d'amis. Austère et fascinante, Junie est vite courtisée par de nombreux garçons. Parmi ses différents prétendants, le timide et sage Otto est celui qu'elle accepte comme fiancé. Mais une passion vive et soudaine ne tarde pas à naître entre Junie et Nemours, jeune et séduisant professeur d'italien. Face au grand amour, mais ne voulant pas céder à ses sentiments, Junie s'obstine à refuser le bonheur, car il n'est à ses yeux qu'une illusion...
« Jamais cour n'a eu tant de belles personnes » : la phrase de Mme de Lafayette a servi de déclic à Christophe Honoré pour passer de la cour royale du xvie siècle décrite par le roman à une cour de lycée d'aujourd'hui. L'idée, qui pourrait sembler théorique, s'incarne parfaitement. D'abord par la vertu d'un décor, le lycée Molière du 16e arrondissement parisien, tout en galeries ouvertes et balcons : un théâtre où chacun est à la fois en représentation et à l'affût du spectacle d'autrui. Ensuite par le nombre de « belles personnes », en effet, qui s'y épient, s'y désirent et s'y empoignent. Une autre passerelle évidente avec le texte pourrait être la peur de perdre la face devant son groupe, si violente à l'adolescence, et décisive dans les rebondissements du récit.
Mais Honoré ajoute l'essentiel, son style, en filmant les lycéens comme des demi-dieux, avec une sorte de ravissement élégiaque, communicatif — pas si loin d'un Gus Van Sant, dans Elephant, mais sans les arrière-pensées funèbres. La Belle Personne devient ainsi le portrait d'une jeunesse rêvée, fantasmée, qui n'a sans doute jamais existé nulle part. Une jeunesse dont la grande affaire est encore l'amour. Et qui casse ou bien passe — comme le suggère l'apparition émouvante d'une ancienne « princesse de Clèves » (chez Manoel de Oliveira), Chiara Mastroianni. Cet irrésistible portrait de groupe est illuminé par un visage neuf — celui de Léa Seydoux, dont le film est l'acte de naissance — et irradié par une chanson sublime du suicidé Nick Drake, Way to blue, au romantisme aérien. —
Louis Guichard (Télérama.fr).
LES BOLOSS des belles lettres : Jean Rochefort interprète une oeuvre du patrimoine littéraire classique présentée de façon décomplexée et enthousiaste dans un langage très vivant.
Sortie le 3 Novembre 2010 - Un film de Bertrand Tavernier -
1562, la France est sous le règne de Charles IX, les guerres de religion font rage. Marie de Mézières, une des plus riches héritières du royaume, aime le jeune Duc de Guise, celui que l'histoire prénommera plus tard "le Balafré". Elle pense être aimée de lui en retour. Son père, le Marquis de Mézières, guidé par le souci d'élévation de sa famille, la pousse à épouser le Prince de Montpensier qu'elle ne connaît pas. Ce dernier est appelé par Charles IX à rejoindre les princes dans leur guerre contre les protestants.
Dans cette vidéo, Mediaclasse présente tout le contexte de publication de La Princesse de Montpensier : en quoi cette nouvelle va-t-elle surprendre et passionner les contemporains de Mme de La Fayette ? Le récit commence comme une petite chronique historique, où le lecteur de l'époque reconnaît des personnages célèbres : la grande aristocratie qui a participé, encore très récemment, à la Fronde, écrasée depuis par Louis XIV. Un âge d'or pour le lectorat de Mme de Lafayette, qui aime se replonger dans cette époque. Mme de Montpensier est promise au duc de Mayenne, mais elle est amoureuse du grand-frère de celui-ci, le duc de Guise, et finalement, elle épousera le prince de Montpensier. Dans le film, Bertrand Tavernier insiste sur les tractations cyniques entre les familles pour organiser ce mariage...
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