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08 octobre 2020

"La Belle personne" (2008) de Christophe Honoré d'après "La Princesse de Clèves" (1678) de Madame de Lafayette

À la mort de sa mère, Junie, 16 ans, change de lycée en cours d'année. Dans son nouvel établissement, elle retrouve son cousin Mathias, qui l'aide à s'intégrer dans la classe en lui présentant sa bande d'amis. Austère et fascinante, Junie est vite courtisée par de nombreux garçons. Parmi ses différents prétendants, le timide et sage Otto est celui qu'elle accepte comme fiancé. Mais une passion vive et soudaine ne tarde pas à naître entre Junie et Nemours, jeune et séduisant professeur d'italien. Face au grand amour, mais ne voulant pas céder à ses sentiments, Junie s'obstine à refuser le bonheur, car il n'est à ses yeux qu'une illusion...

« Jamais cour n'a eu tant de belles personnes » : la phrase de Mme de Lafayette a servi de déclic à Christophe Honoré pour passer de la cour royale du xvie siècle décrite par le roman à une cour de lycée d'aujourd'hui. L'idée, qui pourrait sembler théorique, s'incarne parfaitement. D'abord par la vertu d'un décor, le lycée Molière du 16e arrondissement parisien, tout en galeries ouvertes et balcons : un théâtre où chacun est à la fois en représentation et à l'affût du spectacle d'autrui. Ensuite par le nombre de « belles personnes », en effet, qui s'y épient, s'y désirent et s'y empoignent. Une autre passerelle évidente avec le texte pourrait être la peur de perdre la face devant son groupe, si violente à l'adolescence, et décisive dans les rebondissements du récit. Mais Honoré ajoute l'essentiel, son style, en filmant les lycéens comme des demi-dieux, avec une sorte de ravissement élégiaque, communicatif — pas si loin d'un Gus Van Sant, dans Elephant, mais sans les arrière-pensées funèbres. La Belle Personne devient ainsi le portrait d'une jeunesse rêvée, fantasmée, qui n'a sans doute jamais existé nulle part. Une jeunesse dont la grande affaire est encore l'amour. Et qui casse ou bien passe — comme le suggère l'apparition émouvante d'une ancienne « princesse de Clèves » (chez Manoel de Oliveira), Chiara Mastroianni. Cet irrésistible portrait de groupe est illuminé par un visage neuf — celui de Léa Seydoux, dont le film est l'acte de naissance — et irradié par une chanson sublime du suicidé Nick Drake, Way to blue, au romantisme aérien. — Louis Guichard (Télérama.fr).