INQUIETANTES ETRANGETES

            C'était pendant l'une de ces nuits de 2012 et l'orage grondait violemment. C’est lors de ces temps-là que j’étais heureuse d’avoir hérité de ce manoir anglais se situant sur la côte est de l’Angleterre. Je regardai la pleine lune de ma fenêtre, un verre d'eau à la main. De là, la lune paraissait vraiment grande et je me sentais toute petite à côte d'elle. Nous étions en plein milieu de la nuit mais je n'arrivais pas à m'endormir, mon bébé me faisait mal au ventre. Je faisais les cent pas un peu partout chez moi, de la chambre au salon, du salon à la cuisine ou bien de la cuisine à la salle de bain. Pleins de pensées me traversaient l'esprits et j'avait un très mauvais pressentiment depuis quelques heures déjà.

            On frappa alors à ma porte. C’était mon amie que j’avais appelée, prise d’une crise de panique. J’ouvris la grande porte de ma demeure et elle dut remarquer mon visage ruisselant de sueur car elle parut étonnée de me voir ainsi. Je la fis entrer et l’invitai à s’asseoir sur un fauteuil du salon. Je lui servis une tasse de thé nerveusement et avec la main tremblante. Une fois la tasse remplie je lui rapportai ce qui m’arrivait :

« -Désolée de t’avoir dérangée si tard dans la nuit.

 -Il n’y a pas de problème je t’assure, j’ai tout de suite compris qu'il se passait quelque chose de grave quand j’ai vu ton nom s’afficher sur mon téléphone. Dis-moi ce qui te tracasse

-Cela fait bientôt un mois que...que j’entends des voix, des voix qui proviennent de mon ventre.

 -De ton ventre ? Tu veux dire ton bébé, c’est ton bébé qui te parle ? Tu en as parler à ton mari ?

-Non il est en voyage d’affaires depuis trois semaines et, oui, c’est exactement ça, le bébé me demande de faire des choses et même si je trouve ces choses injustes c’est comme s'il m’obligeait à les faire, comme s’il me contrôlait.

-Quel genre de choses te demande-t-il exactement ?

-Des choses assez étranges à vrai dire, par exemple l'autre jour il m'a demandé de repeindre toute ma chambre en rouge, une autre fois il m'a dit d'envoyer une lettre rempli de mots incompréhensible à ma mère et pire encore il m'a demandé d'égorger une poule moi-même, heureusement que je ne l'ai pas fait. Et depuis que j'ai refuser de faire cela il ne me donne plus d'ordre mais par contre il me fait énormément mal au ventre.

 -Mais tu es consciente que tout ce que tu me racontes est impossible. Le petit être qui est en toi ne peut pas te pousser à faire des choses sans ton accord.

 -Oui je sais, c’est complètement délirant et tu dois penser que je te raconte des mensonges mais je t’assure que c’est la vérité. Crois-moi Jane !

 -Je te crois quand tu dis que des voix te donnent des ordres mais je ne pense pas que ce soit ton enfant qui te les donne.

-Comment peux-tu en être aussi sûre ?

-En remontant la côte en voiture j’ai croisé trois ou quatre adolescents en vélo, je suis presque certaine que ce sont eux qui te jouent une mauvaise farce. Ils doivent sûrement se cacher sous une de tes nombreuses fenêtres pour ensuite te souffler des idioties.

-C’est impossible, si c’était cela, pourquoi suivrais-je bêtement leurs ordres ?

-Hum… eh bien c’est sûrement ton subconscient. Tu t’es mis dans la tête que c’était ton bébé et en tant que bonne mère tu n’arrives pas à lui refuser quoi que ce soit, même si tu n’es pas d’accord.

-Non, non, ce n’est pas ça, tes explications peuvent paraître logiques, mais je suis sûre et certaine que ce n’est pas ça. »

            Elle me regardait avec un des yeux perplexes, elle devait sûrement me prendre pour une folle. J’étais sur le point d’argumenter pour lui prouver que ce que je disais était vrai quand un violent éclair éclata et toucha le système d’électricité, nous plongeant ainsi dans l’obscurité la plus complète.

             Je rassurai mon amie en lui disant de ne pas s’inquiéter, et j’allai chercher quelques bougies ainsi qu’un briquet pour pouvoir retrouver un peu de lumière. J’allumai une dizaine de petites bougies et un chandelier quand je remarquai enfin l’absence de Jane. Je ne savais pas du tout où et quand elle était partie. Alors je me mis à circuler dans les pièces, le chandelier à la main, tout en criant son nom. Au bout de quinze minutes je n’avais toujours pas de réponse, je commençais à m’inquiéter.

«-Tu n’aurais pas dû tout lui dire, c’était une grave erreur, cependant je n’aime pas te voir apeurée ainsi alors je me vois dans l’obligation de te dire que ton amie se trouve dans les sous-sols du manoir. »

            Mon bébé. C’était mon bébé qui s’adressait encore une fois à moi. Apparemment il n’a pas apprécié le fait que je raconte tout ce qu’il me fait subir à quelqu’un.

            Je ne savais pas qu’il y avait des sous-sols dans ce manoir, et pourtant je les trouvai très rapidement, comme si j’avais été guidé, comme si c’était lui qui m’avait aidé.

            J’ouvrai alors une porte qui donnait sur un très long escalier en colimaçon. Je les descendis doucement pour ne pas tomber. Au bout d’une ou deux minutes j’arrivai enfin en bas. J’entrai alors dans une grande salle où l’air était gelé. J’avançai prudemment, de peur de tomber sur quelque chose d’effrayant, cette salle ne me donnait guère confiance. Je criai de nouveau le prénom de mon amie, dans l’espoir qu’elle me réponde.

             Au bout de trois appels je crus entendre quelques gémissements vers le fond de la salle. Je me dirigeai donc vers ces petits bruits et je découvris avec frayeur mon amie, les mains enchainées assez haut sur le mur pour que ses pieds ne touchent pas le sol, les yeux à peine ouverts, un tissu dans la bouche pour l’empêcher de parler et son tee-shirt retiré laissant paraître son ventre recouvert de griffures ensanglantées. Aucun son ne sortait de ma bouche même si je voulais crier, mes jambes restèrent bloquées même si je voulais aller l’aider, aucune larme ne coula même si je voulais pleurer ; je restais figé, je n’arrivais pas à bouger.

« -Tout ça c’est de ta faute Wendy, regarde ce que tu lui as fais »

             Encore ce bébé. Je retrouvais soudainement la parole et répondis fébrilement :

«-Ce n’est pas moi qui lui ai fais ça. Je ne sais pas comment tu as fait mais je suis certaine que c'est toi.

-Je peux t’assurer que tu as tort, c’est bien toi qui lui as infligé tous cela, si tu n’avais rien dit elle serait encore en bon état à l’heure qu’il est.

-Tu mens, tu ne fais ça que pour te venger de l’autre soir où j’ai réussi à ne pas t’obéir.

-C’est possible effectivement, mais tu m’as aussi trahi, je t’avais pourtant dit de ne parler de moi à personne.

-Comment l’as-tu emmenée ici ?

-J’ai profité de la panne d’électricité pour la téléporter ici et la blesser à l’aide de mes pensées.

-Tes pensées ? Tu peux déplacer tout et n’importe quoi grâce à ton esprit ?

-Oui, et je peux aussi contrôler ce que je veux, c’est comme cela que tu agissais à ma guise, mais malheureusement tu t’en es rendu compte.

-Mais enfin, quelles sont tes intentions ?

-En quatre mots: régner sur le monde. En manipulant des personnes faibles comme toi je peux très bien grandir en puissance, plus je donne d'ordre plus ma puissance augmente et bien sûr plus les ordres sont malfaisant mieux ça me rapporte et c'est ainsi que je vais pouvoir créer le chaos sur cette planète. »

            Les larmes finirent par couler sur mes joues, c’était des larmes brûlantes et rempli de rage. J’avais peur. Peur de ce qui pouvait arriver à mon amie, de plus que je me sentais impuissante face au démon qu’était mon bébé. Je m’avançai à côté de Jane et après une multitude d’essais je réussis enfin à casser ses chaines, la libérant ainsi de sa souffrance. Je lui retirai le tissu de sa bouche et elle me souffla doucement à l’oreille :

«-Wendy, à qui parles-tu ?

-À mon bébé ou quelque chose du genre. Je te raconterai tout plus tard quand tu iras mieux »

            Elle ne répondit rien, je lui passai le bras autour des mes épaules pour l’aider à avancer et je commençai à monter les escaliers. Mon bébé ne cessait de me dire de rester sinon j’allai le regretter, mais je continuai d’avancer. J’avais à présent monté la moitié des marches quand il me dit :

«-Très bien puisque c’est ainsi je vais maintenant agir. »

            Au départ je ne le crus pas. Mais quelques secondes après sa menace Jane se redressa bien droite, en enlevant son bras de mes épaule. Je la regardai intriguée, ses yeux étaient toujours clos. Elle monta quelques marches et se retourna vers moi. Je lui demandais si elle allait bien mais elle ne me répondit pas.

            C’est au moment où elle leva ses mains contre moi et que je me sentis basculer en arrière que je compris que mon bébé exécutait sa menace. Il était en train de contrôler Jane et lui incitait à me pousser dans les escaliers. Bien sûr elle fit ce qu’il lui avait demandé, ne se rendant même pas compte de ce qu’elle faisait.

            Dans ma chute je me mis à crier et je lâchai le chandelier que j’avais gardé dans la main gauche jusque-là. Je sentais au fur et à mesure les marches me briser les os, me couper la peau ou tout simplement me provoquer d’affreuses douleurs. Je n’avais dévalé qu’une vingtaine de marches quand je ne sentis plus rien ; c’était le trou noir.

            Deux semaines plus tard je me réveillai dans un lit d’hôpital avec tout autour de moi de la famille et des amis. Je ne pus m’empêcher de sourire avant de me remémorer cette fameuse nuit. Je ne savais pas si tout cela était bel et bien réel ou si ce n’était que le fruit de mon imagination. Un médecin entra dans la pièce et me fit rapidement part de mon état. Apparemment mon bébé s’en était sorti de justesse, et à vrai dire je n’avais plus cette impression d’être abritée par quelque chose d’anormal, c'est alors que je me remis en question; je me disais qu'au final ce n'était pas mon bébé le "méchant" dans l'histoire, il n'avait jamais rien fait, la chose qui me contrôlait c'était seulement fait passer pour lui. Je me sentais soudain idiote d'avoir penser que mon bébé est pu être une sorte de démon. Je balayai alors la salle du regard. Jane était là. Elle me regardait mais je n’arrivais pas à décrypter son regard. Si ce qu’on avait vécu était vrai elle devait sûrement s’en vouloir de m'avoir pousser, ou alors je me trompe complètement, le fait que je sois à l’hôpital n’a rien à voir avec cette étrange histoire et elle était simplement heureuse de me voir réveillée. Je ne pense pas que je lui poserai des questions à ce sujet, c’est assez délicat, et puis si tout cela n'était que mon imagination elle me prendrait pour une folle. En fin de compte cela restera un mystère.

            Quoiqu'il en soit la nuit du 13 novembre fût très mouvementée, quelle que soit la vérité.