INQUIETANTES ETRANGETES

           C’était une belle journée de printemps. J’aurais voulu pouvoir me balader librement sur les berges de la Seine ; manger un faisan aux pommes quelque part, au Procope peut-être ? Mais alors que mes amis s’amusaient sans doute, j’étais coincé dans cette salle à devoir parler à un « spécialiste ès traumatismes mentaux » autrement dit, une personne chargée de vérifier que je ne sois pas fou. Seulement, dans ce domaine, j’étais bien plus expérimenté que lui :

« Je suis ici pour parler de cet événement  que vous dîtes avoir vu, annonça-t-il en entrant dans la salle.

- Vous semblez douter de ma parole. Pourtant, j’ai les preuves nécessaires pour la confirmer.

- Tiens donc. Je ne savais pas. Mais nous y reviendront Dr. Blanchard. Maintenant, donnez-moi les faits.

- Puisque vous y tenez … Je venais de sortir de l’hôpital car je m’étais fait vacciner contre la rage. Il était vingt trois heures et j’allais chez un amis de longue date pour fêter Noël. En arrivant en vue de ma destination, je remarquai que la rue était déserte et que la maison semblait inhabitée. Mais qu’importe, après tout, mon ami était original. Je voulus toquer mais la porte s’ouvrit d’elle-même. J’entrai malgré moi, cet endroit me donnait des frissons glacés.

            A peine avais-je mis les pieds sur le paillasson que la porte se referma avec un claquement. Je voulus l’ouvrir mais n’y parvint pas. Je décidai d’explorer un peu la maison afin de sortir par la porte de la cuisine, mais il n’y en avait pas. Les fenêtres étaient hors de portées et les meubles trop abimés pour servir. J'entendais des bruits sourds mais ne parvint pas à les localisés.

           Soudain, une voix rauque s’éleva. Un frisson de fièvre me parcouru alors ; cette voix était identique à la mienne, le même ton, la même force. Puis , dans un coin reculé de la cuisine, je remarquai un homme. Mais pas comme vous, celui-ci avait des oreilles rouges comme le Diable, sa peau était blanche comme celle d’un cadavre et il avait des ailes de chauves-souris noires comme l’Enfer. Ce que je vis alors me choqua profondément : il mangeait de la viande, mais cette viande n’était autre que le cœur encore battant de mon cher ami, qui était allongé à même le sol, le sang ruisselant le long des côtes . Il releva la tête, et je sentis au fond de moi quelque chose qui remuait. De la poudre jaunâtre s'envola vers moi, et sans que je pus faire quoi que ce soit, intégra mon corps rigide. C'était une affirmation.

          Cet homme, c’est moi ! »