Par exemple, dans le roman Dracula, (voir " CŒUR D'HOMME, PEAU DE BÊTE 2/4: Hurlez avec les loups"), le professeur Van Helsing  nous apprend que le vampire "s’il avait le pouvoir de se déplacer à son gré, il pourrait le faire sous la forme […] d’une chauve-souris" (journal de Mina Harker 30 octobre au soir).

  • Grenouilles

Chacun a en tête les contes de fées dans lesquels une grenouille (ou un crapaud) se métamorphose en prince après avoir reçu le baiser d'une jeune fille. Ce motif classique a été repris d'innombrables fois, sous des formes diverses et originales. Citons l'exemple de la série Garulfo, (1995-2002 par Alain AYROLES, Bruno MAÏONARA et Thierry LEPRÉVOST) une bande dessinée dans laquelle la prince prend la forme d'une grenouille et la grenouille la forme du prince. Il s'agit d'une parodie de récits pour enfants, volontairement irrévérencieuse et critique à l'égard d'une certaine société. Les plus jeunes seront sans doute familiers du film d'animation La Princesse et la grenouille (2010), des studios Disney, qui transpose cette fois le récit de métamorphose à la Nouvelle-Orléans ; ce sont les deux héros qui sont changés en batraciens et qui cherchent ensemble à retrouver leur apparence première. La transformation est le résultat d'un malédiction qui met à l'épreuve des amants : sont-ils capables de s'aimer pour leur beauté intérieure, au-delà des apparences souvent trompeuses ? (L'histoire de La Belle et la Bête pose cette même question et sera traitée dans l'article : "LES BELLES ET LES BÊTES 1/3".)

  • Cochons

Parmi les autres animaux peu agréables au lecteur contemporain, il y a le cochon. Les récits qui montrent des hommes changés en porcs semblent insister sur le caractère humiliant de la métamorphose, mais aussi sur la soumission qu'elle impose aux victimes. Les navigateurs égarés transformés par Circé dans l'Odyssée d'HOMÈRE (VIIIe-IXe s. av JC) ; les parents de la petite héroïne dans Le voyage de Chihiro (2002) de Hayao MIYAZAKI (1941-) ou même les soldats qui affrontent la maléfique reine Bavmorda dans Willow (1988) de Ron HOWARD (1954-) sont victimes d'un sortilège qui les rabaisse et les rend incapables de remplir leur mission.

  • Ânes

L'âne est un autre animal bien connu, réputé pour sa bêtise. Dans le roman pour enfants, Les Aventures de Pinocchio  (1883) de Carlo COLLODI (1826-1890), le Grillon prévient Pinocchio que s'il refuse d'aller à l'école, il sera un âne dont tout le monde se moquera (chapitre 4). Ce qui au départ est un avertissement sous forme de  métaphore devient une réalité  au chapitre 31 quand il arrive au Pays des jouets. Les inscriptions sur les murs portent des fautes d'orthographe ; l'école, l'apprentissage et les efforts en général ont disparu. Au bout de cinq mois le pantin, a une désagréable surprise : ses oreilles ont poussé, il se met à braire : il est devenu un véritable âne (chapitre 32). Plusieurs versions cinématographiques passées et à venir continuent de donner vie au pantin de bois, celle des studios Disney en 1940, le dessin animé d'Enzo D'ALO en 2012 (remarquable pour les dessins de Lorenzo MATTOTI), ou encore le film de Roberto BENIGNI (2003).

Ce formidable raconteur d'histoires qu'est OVIDE (43 av. J.C.-17ap. J.C.), dans le livre 11 des Métamorphoses, rapporte une des versions de la vie du roi Midas. Celui-ci ne brille pas par son intelligence puisqu'il avait auparavant eu à regretter d'avoir demandé aux dieux le pouvoir de transformer en or tout ce qu'il touchait. Il a été libéré de son don avant de mourir de faim. Malheureusement, trop têtu, il a fait à nouveau un mauvais choix en considérant que la musique jouée par Apollon était moins belle que celle jouée par le dieu Pan. Pour le punir par où il a péché, Apollon lui donne des oreilles d'âne qu'il a bien du mal à cacher.

Pour en finir avec les ânes bâtés, nous laisserons le soin aux latinistes expérimentés de (re)découvrir les mésaventures de Lucius, un homme qui se retrouve transformé par erreur dans L'Âne d'or ou Les Métamorphoses d'APULÉE (123-170).

  • Insectes

Enfin, La métamorphose (1915, traduction de Claude DAVID, Folio classique) de Franz KAFKA (1883-1924) s'adresse aux plus grands. Gregor Samsa, un jeune homme qui vit paisiblement chez ses parents se réveille un jour sous la forme d'un horrible cancrelat, autrement dit un cafard. Il lui faut de longs moments pour comprendre ce qu'il est devenu et pour réussir à bouger convenablement. Le reste du récit met avant le dégoût qu'il inspire à sa famille et même à sa sœur dont il était pourtant proche. "Cette chose-là", "ça", "il faut nous en débarrasser", toutes ces expressions montrent que la vie est devenue impossible. Le lecteur voit la situation du personnage principal se dégrader  tout au long de l'histoire. "Si seulement il nous comprenait" se désole sa sœur. La transformation du jeune homme en insecte est l'inverse de celle de Peter Parker en Spider-Man : il est détesté et rejeté au lieu d'être adoré.

 

 

La fin dans CŒUR D'HOMME PEAU DE BÊTE 5/5 : La chant du cygne.

Le mois prochain, vous lirez  : "Science et fiction", les inventeurs de rêves...


N. THIMON