oct. 31

Albanais ?

 

 

La poussière de diamant sur ses ongles d’enfant

Quelques rêves accrochés dans le creux de sa nuque

Et puis l’odeur du sang qui fait jaillir l’urine

Et puis l’odeur du sang qui a servi de stuc.

 

 

 

Trace de lait maternel aux commissures des lèvres ;

La tiédeur encore chaude des bras qui l’ont tenu

Et puis le cri sans fin de celle qui est lui

Et puis le cri sans fin et la chute amortie

 

 

 

« Je respire on respire et je crie pour qu’on crie »

C’est une belle leçon pour une vie avortée.

Lorsque le nourrisson a cessé de vagir

Il n’avait plus de tête et plus rien pour souffrir.


 

Marin

Saute bonhomme. Les deux pieds dans la flaque

De l’eau jusqu’aux cheveux que tu n’as pas encore ;

Fais l’avion. Le vent rigole et claque

La puissance de tes bras, le centre de ton corps.

 

 

 

Cours bonhomme. Et tant pis si tu chutes

Quelle est l’ornière et où est le caillou ?

Piétine les feuilles mortes, sauve les bouts de bois.

Lutine et sens ; touche. Touche à tout.

 

 

 

Ris bonhomme. Un grognement de roi

Qui dévoile tes dents et celles que tu n’as pas.

Fais vibrer la musique qui monte de l’antre-toi ;

Crie, hurle tous les mots que l’on ne comprend pas.

 

 

 

Vis bonhomme. Eloigne-toi de nous

Respire ce qu’on te donne et fais-en un souv’nir ;

Ce sera le plus beau, certain’ment le plus doux

Mais tu l’effaceras pour pouvoir nous maudire.

Soleil

 

A cheval sur ton dard une épée à la main

Comme un nouvel Icare je transperce les airs

Le soleil fait de l’œil et caresse mes seins

Mes cuisses sont humides, j’ai oublié la terre.

 

 

 

Je ne tomberai pas, je sais bien m’accrocher

Le soleil me sourit et me verse l’oubli

Des anges décapités pleuvent de tous côtés

Mais ils ne peuvent rien lorsque je cours vers Lui.

 

 

 

Sa chaleur m’éblouit, je n’ai plus de regard

Je ne suis pas phalène moi c’est plutôt l’hybris

Je sais que j’y arrive et qu’il n’est pas trop tard

J’y ai planté mon glaive quand j’ai entendu : « peace ».

Maman

Tu es my love for toujours

Ton ventre je m’en souviens

 

 

 

Dans ton visage qui vieillit

Il y a mon image qui flotte

 

 

 

Tes yeux, fugitif, mes larmes

Vieille femme quand bien même plante

 

 

 

Elle me rappelle tes rides futures

Branlante je te serrerai

 

 

 

Tes doigts, morsure

La même odeur à jamais

 

 

 

Nid de tes bras

Ton cœur lentement

 

 

Tu es le manque que je porterai quand tu auras disparu

                                   Maman, comme un cri

Accord

Tout au bout du balcon

Il y a ton œil qui tombe

Il roule sur l’herbe sèche

Entre les pissenlits

Qui le font larmoyer

L’élan est suffisant

Pour gravir la margelle

Mais le dernier carreau

Poreux, l’arrête.

 

Tout au bout du balcon

Il y a mon œil qui fonce

Tout droit vers l’horizon

Etre les deux cyprès

Il fend le soir qui tombe

Rompt les rangées d’mouettes

Pour se jeter vivant

Au sommet des Adrets

Les pins, arrêt.

 

Tout au bout du balcon

Nos destins ont chuté

Tu es partie, petite

Au bord d’une piscine

Qui sera refusée

Je suis partie en pompe

Pour rejoindre des cieux

Que je n’atteindrai pas

Désolation, stop.

 

Il nous reste deux yeux

Frangés de cils vieillis

Pour tenter d’accorder

Des rêves plus médiocres

Bâtis d’argile et ocres

Qui se tiendront serrés

Matés et avertis

Murmurant « y a pas mieux »

Tout au bout du balcon.

Programme

J’endurcis, je carris mes épaules

Et j’assèche mes bras

C’est la force du haut qui traînera le bas

 

Et puis je tanne le tout

Il faut que meure la chair

Le moelleux et le blanc, le doux et le rosé

 

C’est l’avant-dernier âge, c’est celui du carré

Et c’est la salamandre sans queue et desséchée

Qui me l’a raconté dans un brûlant soleil

 

Je cultive désormais le sec et le brûlé

Le rugueux de ma peau

Les stries de mon passé

 

J’ai des bras qui propulsent et des pieds qui acquiescent

Les épaules adaptées

Pour gravir, ultime, le tout dernier sentier

 

Mimo

Tout doux ma pâleur d’un matin, mon petit Roi

Sans cris, mon blond même pas coquin, tranquille et 

Sage mon divin, si longtemps ; éternel émoi

D’un amour infini qui coule pour semer.

 

 

 

 

Si fort la vie, trop rebelle pour ma poigne

La pousse d’un duvet plus brun, plus jaune paille

Et la voix qui durcit et les cris qui éloignent.

Revanche du silence qui naît dans la marmaille.

 

 

 

 

Il a les mains tendues vers du plus que l’amour,

Dans ses poches, des cailloux d’infortune,

Des rendez-vous rêvés, des loups apprivoisés

 

 

Qui courent à ses côtés la nuit dans les étoiles.

Un enfant en colère qui dit « non » et dévoile

Un cœur trop fatigué d’avoir autant aimé.


 

Froid

Tu rentres dans les draps hivernaux du grand lit

Et tu cherches l’autre corps pour réchauffer ton cœur

Mais le sommeil se fâche, se montre endolori

Quand il lui faut soudain fournir double chaleur.

 

 

 

Ton cœur en petite robe à fleurettes et bretelles

Refuse de bronzer quand l’été nous revient

Il préfère cloquer et rougir les dentelles

Parti pris de la honte, lui qui n’a jamais rien.

 

 

 

Il grossira sans doute et te fera pleurer

Devant des suppliciés, pour une ordure de plus

Pour un regard, enfin, devant un nouveau-né

Qui vagit, déchirant, pour la tétée de plus.

 

 

 

Il prendra tant de place qu’il te faudra des gaines

Pour oser te montrer, sortir en société.

Evite l’étiolement, investis dans la laine

Parce qu’au cœur de l’hiver, quand les draps sont gelés

 

 

 

Il n’y a jamais personne pour réchauffer un cœur

Qui débute, esseulé, ne sachant que jouer

A l’outil primordial, au cœur, au simple cœur

Pompant, distribuant. Réchauffe pour saigner.  

 


 

Aurore

Tu t’es appelée Aube parce que je t’ai choisie

Pour saisir le maillon qui pend de mon nombril

Pour y lover le tien en fer et fantaisie

Et pour t’y arrimer comme on serre un baril

 

 

 

Qui n’a pas explosé, et qu’on reste le dernier,

Le dernier naufragé à pouvoir respirer

A savoir raconter la vie qui sait plier

Les vierges en fer armé qui refusent d’enfanter.

 

 

 

Pour tous les mots en –age, le saccage, le carnage

Le pillage et la rage, j’ai inventé une nage

Qui commence au matin pour ne plus s’achever

 

 

 

Et quand la femme Narsès m’en demand’ra le nom

Je ferai la modeste et un petit plongeon

Avant de parler d’Aube, mon Aure qui sait nager

"J'ai le corps déformé..."

J’ai le corps déformé de celles qui ont donné,

Des seins lourds, avachis, un ventre qui a porté

De multiples petits ; ils ont tous bien grandi

Et puis s’en sont allés sans le moindre souci.

 

 

 

J’ai le corps déformé de celles qui ont donné,

Des bras bien trop musclés et un dos très courbé

Qui me fait voir la terre aride de par ici

Que j’ai tant travaillé sans le moindre merci.

 

 

 

Mes jambes boursouflées et mes pieds trop petits

Sont dans les pantalons de mon défunt mari

Que j’ai toujours haï parce qu’il n’a su donner

Que des silences lourds ou des cris de taré.

 

 

 

Il y a trop de dimanches pour mon corps déformé,

Trop de jours à venir qu’il me reste à porter,

Trop de matins d’été qui me verront courbée ;

Je suis ma foi trop laide pour la moindre piété.

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