TL : "Œdipe roi" Sophocle / Pasolini
Par Serge Archimbaud (Lycée Marguerite Yourcenar Morangis (91)) le 22 février 2017, 19:58 - Lien permanent
Travail de groupe : vous écrirez dans les commentaires de ce billet les réponses synthétiques aux questions qui portent sur les versions d'Œdipe roi de Sophocle et Pasolini. Après avoir choisi les questions qui vous intéressent et fourni les réponses attendues, illustrez vos réponses par des citations caractéristiques tirées de l'œuvre de Sophocle ou des commentaires d'extraits du film de Pasolini. Démarche de travail : 1. Questions 2. Réponses synthétiques 3. Citations ou extraits 4. Explications des citations ou commentaires des extraits. Contrainte d'écriture : vous ne devez pas traiter une question qui a déjà été traitée par un autre groupe.
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Question : Quel roi Œdipe est-il pour Thèbes ?
Réponse : Œdipe Roi est la traduction du titre grec Oidipous tyrannos, cette traduction n’est donc pas réellement fidèle puisqu’Œdipe est un tyran. Même s’il est le fils de Laïos, personne ne sait que ce lien les unit. Ainsi, il n’a pas atteint le pouvoir légitimement mais parce qu’il a résolu l’énigme du sphinx. C’est d’ailleurs pour lui une grande fierté puisqu’il fait référence à cet exploit pour prouver sa puissance.
Œdipe voit Créon, le beau-frère de Laïos, comme un rival voulant prendre le pouvoir, puisqu’il est légitimement apte à prendre le trône. C’est pourquoi Œdipe est prit de paranoïa et accuse Créon de comploter avec Tirésias lorsqu’il annonce qu’Œdipe est la cause de la malédiction de Thèbes. Cependant cet acharnement envers Créon est suspect, on comprend qu’Œdipe est déstabilisé. On constate plus tard qu’il fait preuve d’une arrogance inhabituelle lorsqu’il injurie Créon. De plus, il insiste sur sa légitimité à être au pouvoir puisqu’il est le déchiffreur de l'énigme.
Dans le prologue, nous avons l’image d’un roi proche de son peuple, il est le meilleur des Rois entouré d’enfants, cette image a une connotation divine. En effet, Œdipe fait passer son peuple avant sa propre personne, il fait tout pour faire cesser la douleur de son peuple. À vouloir sauver son peuple des maux qui le font souffrir, il découvrira qu’il est lui-même la cause de cette souffrance. On comprend qu’en protégeant sa cité, il la détruisait en même temps. C’est ainsi qu’il passe d’un être tout puissant à un être indigne d’être roi. Pour finir la royauté et la puissance d’Œdipe l’ont mené à sa perte et pour le bien de son peuple il désire retourner sur le Cithéron afin de disparaître.
Citation : " Chacun d'entre vous a son lot de souffrances ; le mal vous frappe tous mais nul n'en souffre plus que moi. Car votre douleur vous frappe chacun individuellement et s'arrête là ; mais pour moi la souffrance de chacun d'entre vous devient la mienne, mon coeur saigne, pour toi, pour moi ! "
Explication : Cette citation illustre le dévouement dont fait preuve Œdipe envers son peuple. Il fait clairement passer l'intérêt de sa cité avant le sien. Mais ce qu'il ne sait pas encore c'est qu'il est lui même la cause des troubles qui touchent Thèbes, ainsi il cause la souffrance de sa cité et sa propre souffrance sans le savoir.
Question : Comment le film est-il structuré ?
Réponse : Dans le film Œdipe roi de Pasolini, nous pouvons voir que celui-ci est structuré en trois parties. Tout d'abord nous avons le prologue qui est quasi muet et qui se passe en Italie, ensuite nous avons la partie centrale qui est la plus longue, c'est celle qui nous démontre le mythe d'Œdipe dans des lieux désertiques qui sont censés évoquer la Grèce antique. Pour finir nous avons l'épilogue qui se charge de nous ramener au début du film dans les années 1960. Nous pouvons voir que le film se découpe en plusieurs périodes, et ces périodes correspondent à deux époques, c'est-à-dire l'époque moderne et l'époque ancienne.
Dans la première période au début du film, la mère s'immerge dans sa pensée en allaitant son bébé Œdipe. Dans cette période moderne Pasolini a choisi de mettre en scène son enfance.
Dans la partie centrale, nous avons d'abord l'histoire d'Œdipe jusqu'à ce que la peste s'abatte sur Thèbes, puis ensuite nous avons l'apparition de Pasolini qui prononce l'imploration à Œdipe qui marque le début de la pièce de Sophocle.
A la fin de la troisième période nous avons Œdipe qui a enfin connu la vérité, puis après la mort de sa femme, c'est-à-dire de sa mère nous pouvons remarquer que celui-ci se crève les yeux.
Extrait : " Ô lumière que je ne peux plus voir, qui fut mienne un jour, illumine-moi une dernière fois ! "
Commentaire : Ici Pier Paolo Pasolini, nous ramène à la fin du film dans les années 1960. Nous avons une transition brutale et violente entre la pièce antique et l'épilogue, entre Œdipe se crevant les yeux et le même acteur interpréter par Franco Cité jouant un aveugle guider par le messager de la partie mythique c'est-à-dire guidé par Angelo. Ici Pasolini n'adapte plus la pièce tragique de Sophocle Œdipe à Colone, où l'on évoque la fin de la vie du roi Œdipe dont le protagoniste Œdipe cite textuellement à la fin " Ô lumière que je ne peux plus voir, qui fut mienne un jour, illumine-moi une dernière fois ! ". Ce sont les dernières paroles que prononce Œdipe. Remarquons que quand celui-ci se crève les yeux, il devient aveugle physiquement comme Tirésias également. Tirésias est en quelque sorte celui qui guide Œdipe vers sa conscience. Il s'agit également pour celui-ci de reconstituer ces premières sensations, de reproduire ce qu'il a vécu mais d'une façon différente à présent.
Question : Pourquoi le jeu des acteurs est-il peu naturel ?
Réponse : Le terme naturalisme provient du latin « naturalis » signifiant naturel. Il désigne un mouvement littéraire du XIX ème siecle. Il consiste à décrire les individus et le monde « tels qu’ils sont, jusque dans leurs réalités les plus basses et les plus sordides » (Octobre 2009, extrait de l’article de Guy de Maupassant, Virgule n°6). Pasolini refuse catégoriquement le naturalisme. En effet, il pense qu'une simple reproduction de la réalité n'est guère une création artistique suffisante. Par exemple, il refuse d'avoir recours au plan-séquence, il préfère recouvrir au champ-contrechamp, qui introduit des ruptures et rend le montage plus apparent. Il en va de même dans de doublage des personnages. Pasolini, tournait d'abord en muet. Ensuite il enregistrait les voix des acteurs eux-mêmes, ou bien d'autres acteurs. L'utilisation de cette méthode est très fréquente dans le cinéma italien. Pasolini en fait un moyen pour rompre, briser des habitudes ou des codes de jeu héritées du « théâtre bourgeois ». Souvent, il arrive que les voix soient désynchronisées, pour instaurer une dissonance entre le corps et la parole. Cette méthode est bien visible lors de la prédiction de Tirésias où la voix et le corps de Julian Beck finissent par acquérir une existence autonome. On peut penser que c'est une façon de caractériser et donc de singulariser la parole sacré du devin pour que le spectateur voit une différente et puisse la reconnaître. Cependant, un hiatus s'installe, dont le spectateur n'a pas l'explication. Rappelons que Tirésias est le devin de Thèbes et à ce titre il dépend entièrement d'Apollon. Il est frappé de cécité après avoir transgressé un interdit visuel. Cette cécité lui viendrait d'avoir vu en face la beauté d'Athéna alors qu'elle se baignait nue avec ses compagnes. Par conséquent, il se voit doté d'un pouvoir compensatoire. En effet, il peut appréhender toutes les choses de la création. Autrement dit il possède un don de prophétie. On le voit utiliser ce don dans plusieurs légendes, où il est rarement écouté. Deuxièmement, certaines ellipses au lieu d'être des procédés narratifs, sont de véritables lacunes. Par exemple, lors de la dernière apparition de Jocaste , avant sa mort, on la voit jouer avec ses servantes puis avec son regard, chercher quelque chose. Nous en tant que spectateur nous ne serons jamais quoi. Autour de ce personnage quasi muet depuis le début du film, un mystère est entretenu. On remarque que Pasolini éprouve un certain plaisir à entretenir un malaise comme en demandant à ses acteurs dans presque tous ses films de produire des rires forcés. Par exemple, dans Œdipe roi , la Pythie éclate de rire après avoir annoncé Œdipe un destin affreux. Au lieu de prononcer une injure déplacée et cruelle, elle lui tend un miroir : le vide de cette bouche est d'autant plus visible car le personnage a les yeux cachés. On peut voir que cela se réfère à l'orifice maternel, convoité par le fils et le père, qui se trouve être à l'origine de cette malédiction et de ce destin funeste. Cependant, après réflexion cela peut évoquer le gouffre intérieur d’Œdipe sur lequel celui-ci refuse de se pencher lorsque le sphinx l'invite à le faire avec le questionnant sur sa propre énigme.
Extrait : " la langue de la poésie est celle où l'on sent la caméra. "
Commentaire : Cela signifie qu'un personnage agit sur l'écran et il est supposé voir le monde d'une manière particulière. Mais en même temps, la caméra le voit, et par conséquent voit son monde mais d'un autre point de vue, elle va donc transformer le point de vue de se personnage. C'est un cinéma spécial dans lequel on ressent la présence de la caméra. Par conséquent, Pasolini a recourt à des procédés stylistiques pour créer ce sentiment. Par exemple, avec l'emploi régulier et excessif du zoom ou encore grâce à l'alternance de différents objectifs sur une même image ou un cadrage très insistant qui fait que la caméra attend qu'un personnage entre dans le cadre, qu'il dise quelque chose ou qu'il fasse quelque chose, puisqu'il sort, alors que la caméra, elle, continue à cadrer l'espace redevenu vide.
Question : Comment Œdipe réagit-il à la demande de l'oracle ?
Réponse : Dans le prologue, les enfants thébains supplient le roi Œdipe, pendant ce temps celui-ci attend le retour de Créon qu'il a envoyé consulter l'oracle de Delphes. Œdipe est extrêmement impatient d'entendre la réponse qui devrait faire cesser la peste. Œdipe est tout aussi impatient de voir arriver Tirésias le devin étant supposé lui apporter un éclairage supplémentaire. Toutefois cette hâte lui semblera cruelle puisqu'elle le précipite aussi vers la découverte de la vérité. Œdipe pose plusieurs questions afin de ne laisser échapper aucun indice qui pourrait l'aider à retrouver le coupable. La pensée d'Œdipe progresse rapidement mais l'explication que lui fournit Créon n'est pas faite pour tempérer sa volonté de savoir : au moment du meurtre de Laïos, la cité était malmenée par le Sphinx. Le rappel de ce qui fait sa gloire le gonfle d'un orgueil coupable. Il incarne cette forme de démesure nommé hybris par les Grecs, trait du héros tragique qui s'élève au-dessus de sa condition d'être humain. Son assurance n'a plus de limites, Œdipe veut à tout prix savoir la vérité, que Tirésias lui a déjà annoncée, mais, le roi refuse de croire cette version. Pourtant Jocaste essaiera de le mettre en garde, au moment où elle pensera encore pouvoir le ménager. Hélas, quand les paroles du messager corinthien ne laissent plus planer aucun doute, Jocaste est impuissante face au cours irréversible du destin et ne peut pas non plus modifier le caractère d'Œdipe qui le porte à débusquer la vérité où qu'elle se cache. Le roi Œdipe, lui, se rend compte qu'il est bel et bien le meurtrier qu'il recherche depuis longtemps.
Citation : " Ah ! peut-on tolérer d'entendre parler de la sorte ? Va-t'en à la male heure, et vite ! Vite, tourne le dos à ce palais. Loin d'ici ! va-t'en ! "
Explication : Cette citation montre bien le refus total d'Œdipe de croire Tirésias, il refuse de voir la vérité en face et ne répond qu'avec colère et rage. Il décide de chasser le devin car il ne veut pas émettre l'hypothèse qu'il est la cause de la peste qui s'est abattue sur Thèbes. Le roi préfère alors ne rien savoir et fuir son destin tragique.
Question : Quel est le rôle de Tirésias ?
Citation : « Hélas ! Qu’il est terrible de savoir, quand le savoir ne sert de rien à celui qui le possède ».
Explication : Ce sont les premiers termes adressés par Tirésias à Œdipe pour ouvrir la discussion. Cette citation illustre la peine et le désarroi de Tirésias qui connaît la vérité et qui la porte sur ses épaules car il n’ose pas révéler à Œdipe ce qu’il sait sur la mort de Laïos, autrement dit que c’est Œdipe même le meurtrier de son père. En outre, Œdipe vit une relation incestueuse avec sa mère. Cette citation montre bien le poids et le pouvoir immense que détient Tirésias dans l’œuvre.
Question : Pourquoi Œdipe se crève-t-il les yeux ?
Réponse : Cette question est une question très importante que tout le monde se pose, car il est incohérent qu'Œdipe déjà souffrant de savoir qu'il a entretenu une relation incestueuse avec sa mère, et qu'il a commis un parricide, souhaite à présent se crever les yeux.
Nous allons donc tenter de savoir pourquoi, en étudiant les motifs qui l'ont poussé à se crever les yeux.
Tout d'abord, cela se passe après qu'une épidémie, due selon l'oracle à la présence en ville du meurtrier de Laïos, s'est abattue sur la ville de Thèbes. Œdipe part à la recherche du coupable mais apprendra par la suite, que le coupable, c'est lui.
Jocaste, choquée de la nouvelle, se pendit, et Œdipe ayant découvert le corps de Jocaste, se creva les yeux. Notons qu'Œdipe donne deux réponses à cet acte : premièrement, il explique que sa cécité l'empêchera de voir son père qu'il a tué, sa mère avec qui il a eu des relations sexuelles et ses enfants, preuve du crime incestueux.
La deuxième raison est pour lui le fait de se couper du monde et ainsi s'exiler, pour se punir lui-même d'avoir rendu malheureuse sa cité.
Notons aussi le parallèle, entre Tirésias, qui n'ayant pas pu soutenir de voir Athéna nue, s'est vu retiré la vue, et Œdipe, qui après avoir découvert Jocaste pendue, se rendit aveugle.
Enfin, nous pouvons dire qu'en s’infligeant à lui-même une souffrance supplémentaire, il accomplit en quelque sorte un acte d'insoumission, car victime de ses crimes, il décide de se châtier lui-même. Symboliquement, pour ne plus avoir sous les yeux les conséquences terribles de ses actes : le meurtre de son père, le mariage avec sa mère. En quelque sorte : c'était pour se fuir lui-même.
Citation : " Car il sera aveugle, lui, dont les yeux sont ouverts ; il mendiera, lui qui est dans l'opulence ; vers le sol étranger, tâtonnant devant lui avec son bâton, il ira cheminant ". (p.32 l.455-456)
Explication : Cette phase fut dite par Tirésias le devin, juste après la querelle qu'il y a eu entre Œdipe et lui. Ici, Tirésias agit comme un devin, car il prédit l'avenir, et prédit de ce fait, la situation dans laquelle se retrouvera Œdipe. Et cela ne saurait tarder, car comme l'avait prévu Tirésias, Œdipe se retrouva aveugle, marchant à l'aide de sa canne, dans l'oeuvre de Sophocle comme celle de Pasolini. Cette citation montre bien l'importance de l'action qu'Œdipe a commise en se crevant les yeux, car cet acte fut annoncé bien avant que l'acte soit accompli.
Question sur Œdipe Roi d’après l’adaptation cinéma du film de Pasolini
Les repères spatio-temporels du prologue et de l’épilogue entrent en résonance directe avec l’histoire personnelle de Pasolini. Il est né en 1922 à Bologne ; il a passé son enfance dans le village de Salice à San Angelo Lodigiano en Basse-Lombardie-village recréé pour les besoins du film. Le monument aux morts aperçu dans la première partie évoque la Casarsa, lieu associé à l’histoire maternelle. L’épilogue, quant à lui, se situe à Bologne, ville où le cinéaste a fait ses études universitaires ; les « Portiques de la Mort » sont identifiables, et correspondent, malgré le ton sinistre, au plus beau souvenir de Pasolini qui, à quinze ans, y a acheté ses premiers livres. Ville du savoir, Bologne devient pour Hervé Joubert-Laurencin la cité d’Athéna ; un rapprochement est possible avec Cologne, ville proche d’Athènes, où l'Œdipe de Sophocle va trouver dans la mort une apothéose inattendue, comparable au bonheur escompté par le personnage du film, revenu sur le lieu de sa naissance.
Dans le film de Pasolini, plusieurs lieux symboliques sont montrés. Ils nous permettent de nous retrouver dans cette version d’Œdipe proposé par Pasolini. Il y a une rupture qui décèle deux époques différentes : celle du cinéaste, Pasolini et de l’auteur, Sophocle. L’époque et les lieux attachés à Pasolini sont exposés au début et à la fin du film.
L’époque mythique d’ Œdipe est tourné dans plusieurs lieux : dans les villes de Corinthe, de Thèbes et de Delphes ; dans des temples datant du siècle de Sophocle ainsi que dans le désert rouge du Maroc. Pasolini a choisi un cadre archéologique, sans rénovation pour permettre de se rapprocher de la Grèce Antique.
Le choix de Pasolini sur les époques et les lieux est mûrement réfléchi. Le réalisateur cherche un moyen de montrer un sens aux actions des personnages qui sont liés aux décors. Par exemple, Œdipe est aveuglé par le soleil ardent du désert marocain ce qui par conséquent justifie que lorsqu’il tue son père, il est aussi aveuglé par ses actes.
Enfin, chaque spectateur peut retrouver ses préoccupations profondes durant le film grâce aux choix que Pasolini a fait pour réaliser Œdipe Roi.
Question : Les costumes sont-ils d'époque ?
Réponse : Une distinction doit être établie entre les costumes du prologue et ceux de la partie mythique. Dans la première partie du film de Pasolini, Silvana Mangano qui joue le rôle de Jocaste porte des robes cousues sur le modèle exacte des photographies de la mère de Pasolini datant des années 1920. L'uniforme de Luciano Bartoli imite celui du père. La partie mythique n'a pas de date, un mythe est atemporel donc la légende d'Œdipe ne s'inscrit pas dans l'époque de Sophocle. Pasolini en est conscient et déclare: "J'ai voulu présenter le mythe d'Œdipe comme quelque chose se situant hors de l'histoire. L'histoire d'Œdipe est un fait métahistorique. Et dans ce cas métahistorique correspond en fait à préhistorique." Pasolini choisit de mélanger et de s'inspirer de plusieurs cultures. Par exemple, le tournage du film a lieu au Maroc pourtant les bijoux sont plutôt aztèques ; le masque du Sphinx, les parures de raphia et les coquillages cerclant les visages des prêtres. La couronne portée par Laïos puis par Œdipe est ornée de motifs assez caractéristiques de l'antiquité sumérienne. Ces inspirations s'ajoutent à des créations originales de Pasolini comme la haute coiffe blanche de Jocaste lorsque les Thébains la livrent en récompense au vainqueur du Sphinx. Notons également le casque qu'Œdipe s'approprie après le parricide, comme s'il voulait sur un mode cannibalesque s'assimiler le corps du soldat qu'il a assasiné. Enfin, nous pouvons relever les tenues bleues " ethniques " des hommes de la suite de Créon. Cette teinte bleue se retrouve en écho visuel sur la robe de Jocaste. Ce détail est significatif de l'emploi de la couleur par Pasolini car il s'agit de son premier film en couleurs. Quand elle n'établit pas de rappel, la couleur produit des contrastes. Par exemple, on remarque l'opposition entre Œdipe vêtu de blanc et les autres personnages qui sont venus consulter la Pythie habillés en noir. Le destin particulier d'Œdipe semble affirmé visuellement avant la révélation même. Pasolini se donne pour tâche de réactiver le sens du sacré avec des images qui heurtent le spectateur autant par du contenu violent, incestueux, que par les montages effectués comme lorsque des fondus noirs viennent trouer la continuité filmique à plusieurs reprises. Dans Œdipe Roi, les divinations antiques voisinent avec les intercessions d'un ange. En effet, Angelo, le guide d'Œdipe lorsqu'il est aveugle porte un nom dont l'étymologie renvoie au rôle de messager qu'il a joué lors de la partie mythique. Plus troublante, la scène de la première étreinte entre Jocaste et Œdipe révèle une position des jambes de Jocaste assez saisissante, cela évoque une crucifixion comme une prémonition du sacrifice à venir. Pasolini réunit Œdipe et le Christ dans les plans qui suivent la scène où Œdipe se crève les yeux : le visage de douleur du personnages échevelé, dont la position évoque une couronne d'épines évoquerait alors la passion d'Œdipe. Ce syncrétisme religieux est un choix de la part du cinéaste qui ne cherche à s'adapter à aucun modèle, il atteint à l'universel du mythe.
Extrait : La coiffe blanche de Jocaste lors de la cérémonie.
Explication : Ce serait sans doute lié à la protection maternelle, donc l'attirance inconsciente d'Œdipe envers sa mère. Dès le prologue moderne, on retrouve un large chapeau blanc posé à côté d'un enfant, comme symbole de protection avant même de voir le visage de Jocaste.
Question 7 (Pasolini) : Comment la scène du parricide est-elle représentée ?
L’épisode du parricide, c’est-à-dire, la scène où Œdipe tue son père, Laïos, est très long, en effet il dure près de neuf minutes. Durant ces longues minutes, le spectateur a l’impression que la scène est irréelle, de plus il ressent une certaine hostilité entre Œdipe et son père qui n’a pourtant pas lieu d’être. Œdipe, pris d’orgueil, refuse de céder son chemin à Laïos lorsqu’ils se croisent au carrefour près de Delphes, ce refus donne l’impression qu’Œdipe a reconnu son père, c’est pourquoi il lui lance des regards séditieux.
La scène est découpée en trois affronts, Œdipe blesse un premier soldat à l’aide d’une pierre. Ensuite, il est poursuivi par un deuxième soldat, il se met alors à courir et tue ainsi l’un après l’autre trois soldats. On pourrait croire que cette scène est une sorte de rêve, la coiffe de Laïos qui le caricature, les cris et les gestes étranges que fait Œdipe et encore les effets de contre-jour font que la scène s’apparente à un rêve. De plus, entre les affronts, Œdipe prend le temps de s’allonger et de fermer les yeux comme pour rêver, puis se relève pour accomplir ses derniers meurtres.
La violence dont fait preuve Œdipe n’a pas toujours la même nature. En effet, on suppose qu’au départ il fait preuve de violence afin de se défendre et de protéger sa vie. Cependant, on assiste à sa folie meurtrière, comme si le premier affront avait produit en lui une envie de meurtre ingérable.
On peut penser que la manière dont Pasolini a voulu représenter cette scène a un caractère autobiographique, on constate qu’il s’approprie le mythe. En effet, le meurtre de Laïos, qui est une figure d’autorité, illustre la haine que Pasolini éprouvait envers son propre père.
Extrait : Les aveuglements d’Œdipe lors des batailles contre les gardes.
Explication : La lumière est très importante dans cette scène, on remarque l’alternance des plans où Œdipe est aveuglé et des plans à contre-jour. On peut penser que cela traduit l’aveuglement d’Œdipe quant à la vérité.
Question 15 : Œdipe est-il coupable ?
De tous les grands mythes antiques, c'est sans doute celui d 'Œdipe qui a été le plus analysé . Œdipe est un personne ambiguë et complexe . Avant même sa naissance, le personnage est frappé d'une malédiction. Le seul enfant de Laios et de Jocaste est condamné par la malédiction de l'oracle de Delphes. L'oracle prédit que l'enfant à venir tuera son père et épousera sa mère. Laios, veut échapper à cette malédiction et souhaite échapper au destin. Le berger thébain désobéit et confie l'enfant à un couple corinthien rencontré sur les lieux. Le roi Polybe et à la reine Mérope l'accueillent avec allégresse. Œdipe adulte, se rend à Delphes pour questionner l'oracle de Delphes sur ses origines et reçoit une réponse qui le remplit d'horreur. Il tuera son père et épousera sa mère. Se croyant toujours le fils du couple corinthien il veut les épargner en fuyant Corinthe. On peut voir premièrement qu' Œdipe est coupable de ces actes puisqu'il prend la décision de quitter Corinthe et ses parents adoptifs et d'aller dans la direction de ses parents biologiques. Il laisse le hasard choisir pour lui sa direction, qui le mènera vers son père et sa mère . Il tua son père, ignorant sa véritable identité. Œdipe commet le crime, il est certes ignorant car il ne sait pas que c'est son père , cependant la volonté de tuer était bien là que ce soit un simple individu ou le père d' Œdipe le résultat ne change pas car Œdipe est coupable de nombreux meurtres. En effet, rappelons qu'à un carrefour, Œdipe rencontre un homme, il s'agit de Laios, son père biologique mais il l'ignore. L'homme lui ordonne de le laisser passer mais il refuse. L'équipage s'avance frappe Œdipe et Œdipe prit de fureur le tue ainsi que tous ses serviteurs à l'exception d'un seul qui s'enfuit. De plus, il est responsable d'avoir surestimé la malédiction d'Apollon car il pense échapper à son destin en fuyant sa ville, Corinthe . Il s'est cru au dessus des dieux pour avoir négligé la prophétie de l'oracle. Œdipe a bien tué son père et va épouser sa mère biologique, Jocaste.
QUESTION 3 : COMMENT LA PIÈCE EST-ELLE STRUCTURÉE?
Œdipe roi est une pièce du dramaturge antique Sophocle. Nous pouvons constater que le lecteur moderne est frappé par la présence d’un chœur et par l’alternance entre les parties dévolues à ce chœur et celles qui lui paraissent plus familière, où interviennent les personnages ; tandis que les personnages évoluent sur scène, les choreutes chantent et dansent sur l’orchestra, c’est-à-dire un vaste espace circulaire situé entre la scène et les gradins où sont installés les spectateurs. Puis nous constatons que la pièce débute par un prologue, la première scène présente la situation, c’est-à-dire que le roi est mort et le prêtre annonce q’iil faut trouver le meurtrier de ce dernier. Nous pouvons également voir que nous avons Œdipe entouré du prêtre et des enfants qui le supplient de faire cesser la peste. Ensuite, suit le parodos, c’est-à-dire l’entrée du chœur, les vieillards font l’inverse de l’optimisme orgueilleux d’Œdipe. Constatons ici qu’il y a trois épisodes qui sont consacrés à l’action, ce sont des parties dialoguées, et séparées par des stasima qui sont les chants du chœur. Dans le premier épisode, la malédiction d’Œdipe est annoncée ce qui entraîne donc une dispute entre celui-ci et Tirésias le devin. Le premier stasimon démontre leurs craintes à propos de la vérité mais ils refusent d’y croire tant qu’elle n’a pas été prouvée. Le deuxième épisode démontre la querelle entre Œdipe et Créon et nous avons Jocaste qui intervient pour tempérer Œdipe car il a demandé la mort de Créon. Vient ensuite le deuxième stasimon qui exprime le désarroi du chœur, qui préfère se soumettre aux lois éternelles des dieux. Dans le troisième épisode un corinthien vient annoncer la mort du père supposé d’Œdipe qui est assuré de n’être pas parricide, mais la péripétie est double, elle s’inverse quand le messager ajoute que Polybe et Mérope ne sont pas les véritables parents de celui-ci. Le troisième stasimon entame un chant de déploration sur la singularité de l’existence, qui peut tout donner à un homme, puis tout lui reprendre et ce chant est suivi de la sortie du chœur appelé l’exodos. Nous avons aussi des moments d’échange nommés kommos, qui sont également ménagés entre le chœur et les personnages. A la fin de la pièce quand Œdipe s’est crevé les yeux il rend manifeste son changement de statut en prononçant une strophe et une antistrophe, parties chantées plus habituellement dévolues au chœur. Le contrat est dès lors saisissant avec le prologue, où le roi dominait de toute sa stature un groupe d’enfants persuadés qu’il délivrerait Thèbes de la peste.
Question : Comment Jocaste est-elle représentée ?
Question 12 (Pasolini) : Comment le personnage d'Œdipe est-il humanisé ?
L'humanisation du personnage dans le film de Pasolini passe principalement par le langage corporel d'Œdipe. C'est dès le début de la partie mythique que le spectateur est ému face au personnage du bébé nu et hurlant, ce qui n'est pas le cas dans la pièce de Sophocle.
De plus, à chaque fois que le protagoniste est soumis au désarroi, ce dernier place une main devant son visage, et va parfois jusqu'à la mordre.
Œdipe, dans l'oeuvre de Pasolini est humain, car nous faisons face à un personnage qui exprime des sentiments et éprouve des émotions. Nous le voyons pleurer à plusieurs reprises ou encore pousser des hurlements. Il refuse catégoriquement de faire face à l'atrocité de son destin, et ne fait que fuir la réalité. Ainsi, ne souhaitant pas trouver la vérité au fond de lui-même, il s'oppose à chercher la réponse du Sphinx. Contrairement au personnage de Sophocle, celui de Pasolini préfère rester dans son aveuglement face à l'inceste qu'il pratique avec sa mère.
Œdipe dans le film est un personnage fuyant, rempli de contradictions quelque peu surprenantes. D'après le réalisateur, ces contradictions permettent de faciliter l'identification du spectateur à Œdipe. En mettant en avant les nombreuses facettes d'une même personnalité, Pasolini parvient presque à nous faire oublier le destin unique et particulier d'Œdipe, afin de montrer la solitude d'un homme moderne, qui remplace celle du héros tragique.
Extrait : Le concours de lancer de disque.
Explication : Lors de ce concours de lancer de disque, Œdipe triche afin de remporter la partie, mais un concurrent l'insulte et dénonce sa tricherie. Nous faisons face aux contradictions d'Œdipe dans ce passage car il semble d'abord indifférent aux paroles de l'autre participant. Néanmoins sur le plan suivant, le protagoniste semble préoccupé par la remise en cause de sa naissance légitime.
Question 16 : Pourquoi Pasolini a-t-il amplifié le rôle du messager ?
Dans la pièce de Sophocle, le berger sert d’émissaire au peuple corinthien ; son intervention est importante pour la dimension dramatique de la pièce qui est moins marquée dans le film. Le valet, quant à lui, vint exposer au chœur le suicide de Jocaste et la cécité d’Œdipe il n’y a plus aucune raison d’intervenir à partir du moment où cet acte du film est montré. Cependant, Pasolini va remplacer ce personnage auquel il va attribuer, des fonctions supplémentaires.
Le messager joué par Ninetto Davoli, est souvent le détenteur d’obscures nouvelles. Il montre néanmoins un couvre-chef décoré de clochettes qui annonce son arrivée comme une fanfare lors d’un retour du combat avec beaucoup moins de lourdeur. Le visage juvénile de l’acteur, diminue la gravité des annonces qu’il apporte. Ces mouvements protecteurs veulent ménager la personne visée par ces déclarations qui détruisent la personne malgré lui. Quand Œdipe rencontre le vieillard une première fois aux alentours de Thèbes, il est étonné de voir la foule geindre. Le messager éloigne une enfant qu’il tenait sur ses genoux et commence à jouer son personnage en s’introduisant « J’apporte les nouvelles ! ». Il tient Œdipe par la main, pour l’emmener jusqu’à Tirésias, qu’il présente de même. Dans la pièce c’est le coryphée qui fait cette fonction. L’expression de la crainte chez le messager permet de mettre en valeur le rôle d’Œdipe. Il est également comparable au chœur antique qui commente l’action sans y participer. Le messager est également le seul à apporter de l’aide à Œdipe, aveuglé. Il permet d’effectuer une transition grâce à l’instrument de Tirésias, une flûte dans laquelle il souffle afin d’indiquer à Œdipe la nature de l’objet. On peut y voir un substitut d’Antigone, qui sert de guide, l’élément masculin convenant mieux à Pasolini. De plus, l’identification entre le protagoniste et le réalisateur proscrit à Œdipe toutes descendances. Le rôle du messager s’éclaircit quand Œdipe lui demande de lui décrire le paysage qui l’entoure quand il eut reconnu le paysage de son passé notamment de la période de sa petite enfance. Durant cette période moderne, le messager semble contraster fortement avec Œdipe. On peut voir qu’Œdipe est tenu à l’écart alors que le messager, renommé Angelo, semble bien être intégré à la société des années 60. On peut voir un contraste entre Angelo représentant un avenir et Œdipe qui par le destin s’en est trouvé privé.
Extrait : Le messager apportant son aide à Œdipe.
Explication : Le messager représente donc, en plus de son rôle originel d’informateur, un contraste important entre lui et Œdipe. C’est un personnage complexe, apporteur de mauvaise nouvelles, informant également les personnages sur certains évènements passés et futurs.
Je trouve que le personnage du messager est très altruiste, montrant une bienveillance à l’égard d’Œdipe, car même si celui-ci a fait preuve de violence, il reste à ses côtés pour lui venir en aide.
Question 3 : Qu’appelle-t-on le « complexe d’Œdipe » ?
Concept fondamental de la psychanalyse, le complexe d’Œdipe a été théorisé par Sigmund Freud entre 1897 et 1936. L’intuition lui en est venue au cours de son auto-analyse, quand il a fait le rapprochement entre sa propre histoire et celle d’Œdipe, telle qu’elle est transcrite dans l’Œdipe Roi de Sophocle. Dans la lettre adressée à Wilhelm Fliess le 15 octobre 1897, il explique : « j’ai trouvé en moi comme partout ailleurs des sentiments d’amour envers ma mère et de jalousie envers mon père, sentiments qui sont, je pense, communs à tous les jeunes enfants ». A partir de cette observation, il définit les différents « stades » du développement affectif ; entre trois et cinq ans, l’enfant prend ses parents comme « objets de désir », puis se tourne à la préadolescence vers d’autres objets. De la bonne résorption du « complexe » dépendent l’intégration dans la société et l’équilibre psychique.
Des contestations se sont néanmoins élevées, concernant son universalisation : toutes les cultures n’ont pas pour noyau le schéma familial sur lequel s’appuie Freud ; l’extension à un modèle féminin, nommé le « complexe d’Electre », ne va pas sans difficultés ; enfin, cette lecture du développement infantile peut déboucher sur une infériorisation de l’homosexualité. Ce dernier point rejoint le film, dans lequel Pasolini questionne à travers le mythe d’Œdipe, l’origine de ses préférences sexuelles. En effet, les regards et les sourires qu’ils échangent lors de la présentation officielle sont perçus comme complice ; on a l’impression qu’ils se reconnaissent, et qu’il décide de ne rien dire, par un accord tacite. Il est également à remarquer qu’Œdipe appelle Jocaste : « Mère ! » avant que l’inceste ne soit révélé, et que le couple persiste à s’unir en se sachant incestueux.
Pasolini convoque ainsi un mythe universel, afin de questionner sa propre relation avec sa mère ; c’est un des nombreux paradoxes contenus dans cette œuvre, qui se fait un devoir de concilier les contraires.
Passage du film : Nous pouvons choisir le moment ou Jocaste et Œdipe commence à comprendre que la prophétie se réalise. Lorsqu’Œdipe a la tête posée sur les genoux de Jocaste à l’extérieur du royaume, Jocaste lui dit : « Pourquoi es-tu tellement effrayé à l’idée d’être l’amant de ta mère, après tout tant d’hommes ont rêvé de l’être, dans leurs songes. Doivent-ils vivre dans l’épouvante pour autant ? ».
Commentaire : Cette réplique de Jocaste semble faire référence au complexe d’Œdipe quand elle banalise le rêve de partager le lit maternel. L'esprit fait immédiatement le lien avec la méthode freudienne, fondée précisément sur l’interprétation des rêves ; mais c’est perdre de vue que Jocaste, dans la scène, cherche au contraire à discréditer les prémonitions et autres présages.