J.B. de Panafieu, L’homme est-il un animal comme les autres ?, La Ville Brûle 2017, lu par Valérie Ronceray

Jean-Baptiste de Panafieu & Étienne Lécroart,  L’homme est-il un animal comme les autres ?,  La ville brûle (61 pages), lu par Valérie Ronceray.

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« L’ homme est- il un animal comme les autres ? » est un petit livre sur l’origine des humains  destiné aux jeunes adolescents. Il est écrit par Jean-Baptiste de Panafieu, agrégé de sciences naturelles ; et le texte est complété par des illustrations d'Étienne Lécroart .
 

       A l’origine de l’espèce humaine  il y a un  groupe d’hominidés (groupe zoologique qui réunit les chimpanzés, les orangs-outangs, les bonobos et les hommes)  qui a connu une évolution distincte des autres. Il est faux de dire que nous descendons du singe ,d’ailleurs il n’existe pas UN singe,  mais nous avons gardé des points communs avec l’ensemble des singes comme nos pouces opposables et nous avons quelques similitudes morphologiques avec nos plus proches cousins, les chimpanzés communs et les chimpanzés nains (les bonobos) : la fusion de deux os du palais. Par ailleurs,  les chimpanzés et les bonobos ont  un patrimoine génétique commun avec l’homme à près de 99 %. L’homme fait donc partie de la famille des hominidés, au même titre que les gorilles, les chimpanzés et nous  avons un ancêtre commun avec les chimpanzés dont nous nous sommes séparés il y a environ 7 millions d’années.  Cette séparation n ‘a pas été brutale :  les premiers hommes , les homo habilis n’étaient pas très différents d’ autres hominidés contemporains à tel point qu’il est parfois difficile de dire qu’un crâne fossile appartient à telle espèce d’hominidés ou à telle autre.   Au cours de l’évolution certaines espèces ont acquis de nouveaux organes, de nouvelles capacités : les descendants de l’homo habilis, l’ homo erectus (qui a formé en Europe l’homme de Neandertal) possèdent un plus gros cerveau et l’homo sapiens a commencé à dessiner sur les parois. Mais, si le cerveau de l’homme  a évolué, sa main est semblable à celle des singes d’il y a 50 millions d’année et  notre corps garde des traces de notre lointain passé : notre coccyx rappelle, par exemple,  la queue de nos ancêtres.    

Les réflexions de l’auteur  sur les origines animales de l’humanité lui permettent d’aborder le racisme : les  races humaines n’ont aucune réalité biologique – tous les divers groupes humains sont des descendants des homo sapiens . Est abordé également, à la lumière de la théorie de l’évolution, le rapport entre l’être humain et les autres espèces animales. On aime penser que l’homme, en raison des nombreux développements au cours de l’évolution  est au sommet de l’évolution mais aucune espèce ne peut être dite plus évoluée qu’une autre et notre physiologie n’est pas exceptionnelle. Un dessin d’ E. Léonard montre sur une ligne de départ, et proches d’une banderole affichant le  « sommet de l’évolution »,   un homme, un éléphant, un guépard , une autruche , un mouton,  un poisson, et l’homme suggère que le poisson préférerait une épreuve en piscine...
Parce que nous ne sommes pas les rois de l’évolution, nous n’avons aucun droit sur les autres espèces.  Nous agissons pourtant comme si nous étions « maîtres et possesseurs de la nature ». Nous sommes dans l’âge de l’homme, l’anthropocène,  disent les scientifiques. L’ anthropocène désigne la période qui a débuté lorsque les activités de l’homme  ont laissé une empreinte sur l’ensemble de la planète. Des espèces animales ont disparu, l’impact des produits chimiques sur la nature  est considérable. Nous agissons aussi comme si nous étions comme détachés de la nature : nous ne voyons  pas assez que nos interventions peuvent bouleverser la chaîne alimentaire. Notre puissance  n’est pas contrebalancée par notre sens de responsabilité.     L’homme a réussi à modifier le climat de sa planète. Ce que n’a fait aucun animal. Sous ce point de vue l'homme, s’il s'inscrit dans l'ordre biologique, au même titre que n'importe quelle espèce vivante, n ‘est pas un animal comme un autre. Y a -t-il un propre de l’homme ? Le langage articulé trace-t-il une frontière nette ?  L’orang-outan peut maîtriser jusqu'à un millier de signes du langage des sourds muets mais il n ‘y a pas de « grammaire singe ». On trouve chez l’animal un langage  avec une fonction bien définie d’avertissement ou de contact social, mais les chimpanzés n’expriment pas d’opinion ni ne posent de questions.   La conscience permet-elle de tracer une frontière plus nette ? elle n'est pas le propre de l'homme mais il faut s’entendre sur ce qu'est la conscience. Il existe des degrés différents de conscience, seules certaines espèces de grands singes semblent posséder la réflexivité inhérente à la conscience de soi . Enfin, si certains éthologistes disent qu’il y a une origine naturelle de la morale, ou qu’il existe une morale chez les chimpanzés,  puisque les chimpanzés connaissent des interdits et apprennent  que certaines choses sont réprimées par le groupe parce qu’elles vont à l’encontre de son harmonie, il faut pourtant reconnaître que cette morale n’est pas une morale théorique dans laquelle le bien et le mal sont définis. Et, pour qu’il y ait obligation morale il faut qu’il y ait  la  notion de devoir.
      Les hommes ont  tous une identité biologique, nous sommes définis comme homo sapiens sapiens, pour autant nous ne sommes pleinement humains que quand la culture vient compléter ce premier aspect de la nature humaine. La culture est  ce qui instaure un ordre nouveau qui se mêle ou se superpose à l’ordre naturel. Les êtres humains, dans leur développement et dans leurs activités, ne sont jamais strictement limités par leur nature biologique animale .
Ce qui fait de nous des êtres humains c’est notre capacité de nous détacher en partie  de la nature, c’est notre capacité d’action et  notre  capacité de choix :  nous avons à répondre de nos  actes , à  peser les conséquences de nos actes.  Nous sommes des êtres de culture : nous avons un langage symbolique, conventionnel,  riche et élaboré, nous sommes capables de fabriquer des outils et d’en varier indéfiniment la production. Certains comportements animaux sont culturels et peuvent être transmis, certains chimpanzés apprennent par exemple à casser les noix, mais la culture animale n’est pas la culture humaine et le développement culturel prend, chez  l homme, le pas sur le développement biologique (même si notre nature peut être influencée par notre culture et que nature et culture ne sont pas deux couches superposées mais des éléments qui s’entremêlent).
Pourquoi certains refusent-ils notre origine animale ? Que l’homme soit proche du singe est une idée qui dérange.  Il faut dire que l’homme a longtemps été considéré comme une exception au cœur de la nature. Le créationnisme refuse les preuves de notre histoire ancienne pour des raisons religieuses( un ou plusieurs êtres divins seraient à l origine de la vie), morales ou philosophiques (hommes et animaux seraient de nature si distincte qu’aucune origine commune ne peut être envisageable)

L’auteur différencie à la fin de l’ouvrage la croyance religieuse des faits scientifiques : E. Lécroart légende ainsi un dessin : Adam et Eve sont chassés de la paléontologie. Enfin il souligne que si notre nature est animale et  que nos gènes viennent de nos lointains ancêtres, ils ne déterminent pas tout. L’identité humaine est forgée par la culture. L’être humain garde théoriquement toute sa vie sa créativité .Il forme sa personnalité au contact des autres mais aussi par opposition à eux. L’individu, être de nature, est aussi un être de culture et peut aussi choisir de s’en libérer.

Valérie Ronceray