G. Hottois, J.-N. Missa et L. Perbal, (dir.), Encyclopédie du trans/posthumanisme. L’humain et ses préfixes, Vrin, 2015. Lu par Alexandre Klein
Par Romain Couderc le 16 mars 2015, 06:00 - Philosophie générale - Lien permanent
La multiplication des travaux relatifs à la révolution technologique contemporaine et à son impact sur l’être humain est devenue vertigineuse. On ne compte plus les colloques, les séminaires, les articles, les ouvrages, scientifiques ou de vulgarisation, et les numéros de revues consacrés à la question du posthumain, du transhumanisme, de l’homme augmenté, de l’homme-machine, aux techniques d’amélioration, ou simplement aux promesses et écueils d’un futur technoscientifique.
La multiplication des travaux relatifs à la révolution technologique contemporaine et à son impact sur l’être humain est devenue vertigineuse. On ne compte plus les colloques, les séminaires, les articles, les ouvrages, scientifiques ou de vulgarisation, et les numéros de revues consacrés à la question du posthumain, du transhumanisme, de l’homme augmenté, de l’homme-machine, aux techniques d’amélioration, ou simplement aux promesses et écueils d’un futur technoscientifique. Dans ce contexte foisonnant, les notions étaient devenues floues parce que multiples. Chacun s’attachait, à la fin ou au début de son propos, à produire sa propre définition, souvent idéologiquement déterminée, du transhumanisme, du posthumanisme et de ses avatars. Les débats tournaient donc souvent en rond, autour d’oppositions de postures que l’absence de consensus conceptuel ne parvenait jamais à désamorcer. Il était temps que les notions et les concepts soient clairement posés et exposés pour offrir à tous un socle commun sur lequel établir, de manière sereine et constructive, le débat devenu aujourd’hui aussi essentiel que nécessaire sur l’impact des technosciences sur l’être humain en tant qu’individu et espèce. C’est désormais chose faite avec l’Encyclopédie du trans/posthumanisme qui vient d’être publiée sous la direction des philosophes belges Gilbert Hottois, Jean-Noël Missa et Laurence Perbal, aux éditions Vrin, dans la collection « Pour demain ».
Rassemblant 28 auteurs, pour l’essentiel, rattachés ou proches du Centre de Recherche Interdisciplinaire en Bioéthique de l’Université libre de Bruxelles et habitués à collaborer à cette collection dirigée par Gilbert Hottois, l’Encyclopédie du trans/posthumanisme se donne pour objectif de proposer « une vaste réflexion sur la nature et les limites de l’humain et sur les attitudes que l’on rencontre relativement à elles » (p. 7), et ce de manière « didactique, informative et critique » (p. 10). Après une courte mais efficace introduction de ses responsables sur les débats en cours autour de « l’humain et ses préfixes », elle présente 59 articles « centrés autour des courants, auteurs, concepts, imaginaires et œuvres se réclamant, partiellement ou intégralement, du transhumanisme et/ou du posthumanisme » (Ibid.). Du dopage aux robots militaires en passant par l’eugénisme, la chirurgie esthétique, le cyberpunk, la fin de l’histoire, le posthumain ou la nanoéthique, les articles sont rédigés, pour la majorité dans un style clair et précis, par des spécialistes des domaines abordés (philosophes, scientifiques, médecins, sociologues, etc.). Ils sont répartis en trois grandes sections, respectivement consacrées à la philosophie et l’éthique, à la technoscience et la médecine d’amélioration, et aux techniques, aux arts et à la science-fiction. Trois parties qui font écho aux grands champs autour desquels se pose aujourd’hui la question de l’avenir de l’homme. L’ensemble forme finalement un tout plutôt cohérent, éminemment érudit et globalement accessible.
Bien sûr, comme tous les ouvrages de ce type, l’Encyclopédie subit parfois les affres de sa nature collective. Au milieu des articles clairs, sérieux et s’inscrivant parfaitement dans la perspective globale, apparaissent certains textes - mais c’est habituel dans les ouvrages collectifs - moins cohérents avec l’ensemble. Soit parce que l’auteur préfère y publiciser ses propres travaux plutôt que de détailler les différentes positions existantes sur le sujet traité. Soit encore parce qu’il s’enfonce dans une description de son domaine excessivement technique décourageant ainsi le lecteur le plus assidu. Soit enfin parce qu’il oublie de se rattacher à la problématique commune. Mais ces cas sont ici très rares. Dans l’ensemble, les auteurs ont répondu à la commande et ont fourni un panorama clair et honnête des questions traitées, certains d’ailleurs avec une qualité de plume et d’argumentation d’exception qui rend très agréable la lecture de ce volume pourtant imposant et par nature peu destiné à une lecture d’ensemble suivie. Même la proximité institutionnelle et souvent intellectuelle des auteurs sollicités n’empêche pas la diversité des opinions et des points de vue d’être exprimée. Certes, cette proximité laisse des traces et insuffle à l’ensemble une certaine ambiance, voire une direction qui laisse parfois penser au lecteur qu’il parcourt une encyclopédie de bioéthique. Mais le propos n’est jamais trop militant, ni volontairement orienté.
Le seul reproche que l’on pourrait faire à ce volume se rapporte à la tripartition opérée par ses responsables. À part donner un aperçu des axes à travers lesquels la question de l’homme et de son avenir est aujourd’hui posée – ce qui est déjà parfaitement explicité dans l’introduction –, les trois parties de l’ouvrage sont inutiles, voire même inadéquates. Les rassemblements d’articles sont forcés et surtout artificiels, menant parfois à des situations ubuesques comme l’exclusion de l’article technoscience de la partie qui porte pourtant son nom. En l’absence d’introduction ou de conclusion propres à chaque partie, les blocs dessinés semblent vains puisqu’aucune ligne directrice, aucun état des lieux global sur la question abordée ne s’en dégage véritablement. Il aurait été préférable de simplement présenter les articles dans l’ordre alphabétique, d’autant plus que le découpage ne facilite pas non plus la lecture qui se fait souvent, dans ce type de volume, de manière non linéaire.
Néanmoins, au-delà de ce qui reste des détails formels, l’Encyclopédie du trans/posthumanisme s’impose comme un volume essentiel. C’est en effet, par sa clarté, son sérieux et son ambition didactique globalement réalisée, un outil de choix pour accéder aux débats qui ont aujourd’hui court autour de la figure de l’humain et de son avenir technoscientifique. Débat qui, loin de se limiter aux seuls philosophes ou spécialistes, concerne l’ensemble des citoyens à qui il revient maintenant de réfléchir collectivement aux réponses sociales et politiques à apporter à cette révolution technologique et scientifique qui est sortie du cadre de la science-fiction pour devenir, ainsi que l’explicite parfaitement cet ouvrage, notre réalité contemporaine. Dans ce contexte, le travail à la fois pionnier et de qualité réalisé par les auteurs de l’Encyclopédie du trans/posthumanisme fait de cet ouvrage une référence désormais incontournable.
Alexandre Klein