Erik Satie, le jazz et les avant-gardes : dadaïsme, cubisme, surréalisme

Erik SatieErik Satie, compositeur français (Honfleur, 1866 – Paris, 1925)

Erik Satie est un compositeur français de la fin du XIXème et du début du XXème siècle ; il se rattache à la musique moderne. Il est connu pour son style particulier, caustique et personnel, dirigé notamment contre les conventions du romantisme. Erik Satie est parmi les compositeurs les plus énigmatiques de l'histoire. Excentrique, novateur, indépendant, sa personnalité et sa musique peuvent être abordées de mille façons.

Satie commence l’apprentissage de la musique auprès de l’organiste de Honfleur, puis entre au Conservatoire de Paris où il obtient des résultats médiocres. Ses premières mélodies sont publiées dès 1887 par son père (Gymnopédies); dès cette période, Satie est précurseur dans plusieurs domaines qui s'épanouiront bien plus tard : musique graphique  (absence de barres de mesure) et conceptuellemusique de collage.

Erik Satie s’installe à Montmartre et travaille comme pianiste-accompagnateur au cabaret Le Chat Noir, où il se lie avec Mallarmé, Verlaine, ou Claude Debussy.  Il compose des pièces selon ses amitiés du moment : Le Fils des Etoiles pour la Rose-Croix, Uspud (ballet chrétien) avec le poète Contamine, Danses gothiques puis Vexations en rapport avec son amante Suzanne Valadon. Quelque temps après avoir formé l’Eglise Métropolitaine d’art de Jésus-Conducteur, il se consacre brusquement à l’univers du music-hall. A 39 ans, il décide d’obtenir un diplôme à la Schola Cantorum de Vincent d’Indy, où il décroche la mention Très Bien, comme pour contredire ses détracteurs (Trois morceaux en forme de poire). Au moment de la Guerre, il fait la connaissance de Jean Cocteau, avec qui collabore dans le cadre d’un ballet puis dans le contexte de l’éclosion du Groupe des Six (Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc, Germaine Taillefferre). Toute sa vie, Satie s’est inscrit contre le conformisme artistique du moment (romantisme, impressionnisme, wagnérisme), en adhérant par exemple au mouvement du dadaïsme, ou en se tenant à l'écart de la vie mondaine parisienne et en méprisant ouvertement les critiques musicaux de son temps. Sa renommée de provocateur dépasse parfois le vrai rôle que sa musique, à la fois avant-gardiste et accessible et épurée, a joué au seuil du XXe siècle.

 

Erik Satie en 6 dates

  • 1879 :  études au Conservatoire de musique.
  • 1891 :  en compagnie de Claude Debussy, Satie s’engage dans l’Ordre kabbalistique de la Rose-Croix, dirigé par le sâr Peladan.
  • 1893 :  liaison brève mais passionnée avec Suzanne Valadon (peintre).
  • 1905 :  inscription à la Schola Cantorum ; étude du contrepoint avec Vincent d’Indy.
  • 1915 :  rencontre avec Jean Cocteau ; ils sont à l’origine de la création du Groupe des Six en 1920, constitué en réaction contre le wagnérisme et l’impressionnisme.
  • 1919 :  rencontre avec Tristan Tzara ; découverte du dadaïsme.

Erik Satie en 6 œuvres

  • 1888 :Trois Gymnopédies,  pour piano
  • 1890 :Six Gnossiennes, pour piano
  • 1903 :  Trois morceaux en forme de poire, pour piano à 4 mains
  • 1914 :Sports et divertissements, 21 pièces pour piano, avec des dessins de Charles Martin
  • 1917 :Parade,  ballet en un acte créé à Paris (poème de Jean Cocteau, mise en scène de Pablo Picasso).
  • 1918 :Socrate,  œuvre pour piano - ou orchestre - et voix
  • 1924 :Relâche, ballet

(Source : France musique)

 

Erik Satie est l’un des tous premiers musiciens, en France, sinon le premier, à s’être intéressé au jazz dès sa naissance, durant la première guerre mondiale. En 1904 il avait composé « Le Piccadilly », premier ragtime écrit en Europe (mais son plus célèbre ragtime est le Ragtime du paquebot de Parade, en 1917). Debussy le suivra avec « Golliwogg’s cake walk » et « Le Petit nègre » (on peut considérer que le ragtime est le père du jazz). Les premiers concerts de jazz en France ont été donnés, à partir de 1917, par des orchestres composés de soldats noirs : James Tim Brymn et ses Black Devils, Will Vodery, Jim Europe et les Hellfighters, etc.

En 1918, un jazz band se produit en France, au Casino de Paris (Cocteau en parle dans Le Coq et l’arlequin). Or, dès 1916, Satie jouait du Jelly Roll Morton pour ses amis. Le chef d’orchestre Ernest Ansermet (qui dirigera Parade), la même année, avait rapporté des disques de jazz de La Nouvelle Orléans, que Satie avait sans doute écoutés, mais les premiers enregistrements de Morton (qui se prétendait l’inventeur du jazz) datent de 1923. Toutefois, Morton était venu à Paris en 1914, et Satie avait pu l’entendre à cette occasion.

(Source : article de Pierre Jourde, Satie et le Jazz : https://www.nouvelobs.com/les-chroniques-de-pierre-jourde/20200501.OBS28227/satie-et-le-jazz-par-pierre-jourde.html)

 

Erik Satie, Piccadilly (ragtime) :

https://www.youtube.com/watch?v=sScd15eyoUU

 

Erik Satie, Ragtime du paquebot Parade :

https://www.youtube.com/watch?v=8RSFLcT1YMA

 

Jelly Roll Morton

Pianiste, chanteur jazz (1885, Nouvelle Orléans - 1941, Los Angeles)

Il jurait être né le 20 septembre 1885 mais son acte de baptême fixe bien sa venue au monde au 20 octobre 1890, précisément au 1443 de la rue Frenchman, près du septième commissariat de La Nouvelle-Orléans. Ironie du sort car Ferdinand Joseph Lamothe (c’est son vrai nom), est issu d’une famille « créole de couleur » comme on les surnomme à l’époque. La maison de son enfance, d’apparence riche, abrite une famille élargie et de multiples instruments de musique dont le piano, la guitare et l’harmonica.

C’est à la suite d'un séjour accidentel en prison alors qu’il n’est qu’un gamin que le petit Ferdinand découvre la musique par le chant teinté de blues des vrais taulards. La cause de son emprisonnement ? Guérisseuse vaudou pour les prostituées de Storyville, sa marraine, Eulalie Hecaut, qui le trimballe partout, avait prêté le bambin à une copine qui s’est vite fait incarcérer par la police.

Bientôt l’adolescent Jelly Roll Morton (c'est son nom d'artiste) commence à jouer du piano dans les bordels florissants. Il n’a que 14 ans. Le jour où sa grand-mère découvre qu’il n’est pas du tout gardien de nuit comme il le lui a fait croire, elle pique une colère bleue et le fout à la porte illico, tout en lui jurant que cette musique du diable aura sa peau.

Il jurait être né le 20 septembre 1885 mais son acte de baptême fixe bien sa venue au monde au 20 octobre 1890, précisément au 1443 de la rue Frenchman, près du septième commissariat de La Nouvelle-Orléans. Ironie du sort car Ferdinand Joseph Lamothe (c’est son vrai nom), est issu d’une famille « créole de couleur » comme on les surnomme à l’époque. La maison de son enfance, d’apparence riche, abrite une famille élargie et de multiples instruments de musique dont le piano, la guitare et l’harmonica.

C’est à la suite d'un séjour accidentel en prison alors qu’il n’est qu’un gamin que le petit Ferdinand découvre la musique par le chant teinté de blues des vrais taulards. La cause de son emprisonnement ? Guérisseuse vaudou pour les prostituées de Storyville, sa marraine, Eulalie Hecaut, qui le trimballe partout, avait prêté le bambin à une copine qui s’est vite fait incarcérer par la police.

 

Bientôt l’adolescent Jelly Roll Morton (c'est son nom d'artiste) commence à jouer du piano dans les bordels florissants. Il n’a que 14 ans. Le jour où sa grand-mère découvre qu’il n’est pas du tout gardien de nuit comme il le lui a fait croire, elle pique une colère bleue et le fout à la porte illico, tout en lui jurant que cette musique du diable aura sa peau.

Quoiqu’il en soit, Jelly Roll reste l’agent de liaison, l’étincelle au point de départ d’une des plus grandes aventures musicales.

À tort ou à raison, avec son arrogance légendaire, cet homme avait écrit sur sa carte de visite : inventeur du jazz.

Qui dit mieux ?

(Source : article de Ralph Boncy : https://www.icimusique.ca/articles/16917/jelly-roll-norton-jazz-inventeur)

 

https://www.youtube.com/watch?v=Bv4jD1d64Z0

https://www.youtube.com/watch?v=v9Bug--6h7w

 

Jazz et avant-gardes

 

Pourquoi Erik Satie a-t-il pu s’intéresser au jazz, d’abord au ragtime, alors que par sa formation, il était en principe étranger à ce style de musique ? C’est évidemment parce qu’avant d’entendre un seul morceau de ragtime, il était déjà un musicien anticonformiste, il rejetait la musique romantique, et était un musicien à bien des titres précurseur, dont la musique est souvent pleine d’humour. C’est pourquoi « de telles hardiesses harmoniques ne manquaient pas de choquer des oreilles conservatrices. Satie fut le maître, sinon l’inventeur de la musique statique – une musique qui n’avance pas, ne se développe pas, mais qui tourne pour ainsi dire, autour d’elle-même, […] produisant ainsi un effet quasi hallucinatoire. » (Rollo Myers, « Erik Satie », dans Histoire de la musique II, éd. Gallimard, p. 968.) Il fait preuve d’ironie, il a un goût prononcé pour le bizarre, l’insolite, bref c’est un musicien d’avant-garde. Aussi, participe-t-il au mouvement « Dada » fondé pendant la Première guerre mondiale, et en réaction contre sa violence absurde, par Tristan Tzara. On peut aussi associer Satie au Surréalisme, même s’il n’a pas participé directement au groupe fondé par André Breton.

Satie a été lié au poète Jean Cocteau et à Pablo Picasso, donc au cubisme. Il compose en effet en 1917, donc à la fin de la guerre, la musique du ballet Parade. Picasso réalise les décors, Jean Cocteau écrit le livret. Si bien sûr l’anticonformisme de Satie le prédispose à la musique de jazz, en retour le jazz lui permet d’explorer de nouvelles manières de composer.

 

Le Ballet Parade de Satie marque une date dans l’histoire des avant-gardes. Imaginé par Cocteau, avec des décors et costumes signés Picasso et une chorégraphie de Massine, il est créé au Châtelet en pleine Première guerre mondiale. Il déclenche un scandale en mêlant cubisme, futurisme et music-hall. Pour lui, Apollinaire invente le mot surréalisme. Une fois de plus, Diaghilev a vu jute en faisant confiance aux artistes : ses Ballets russes ont à nouveau surpris le public parisien et restent à la pointe de la modernité.

 

Pour le public, Parade est un choc esthétique en pleine guerre mondiale

Le 18 mai 1917, le public du Théâtre du Châtelet découvre la nouvelle création des Ballets russes de Serge Diaghilev : Parade. L’immense rideau de scène de Picasso s’offre au regard tandis que les spectateurs gagnent leurs places. Il n’est pas sans rappeler la « période rose » du peintre avec son arlequin, sa grosse boule d’équilibriste au premier plan, et le plancher encadré de lourds rideaux rouges devant un arrière-fond de verdure qui suggère un théâtre éphémère. Les saltimbanques sont assis autour d’une table, tandis qu’à gauche une écuyère ailée surmonte un Pégase. Dominantes de rouge, blanc et bleu, les trois couleurs étant réunies sur l’échelle qui disparait dans le plafond. Une allusion au drapeau tricolore alors que la première guerre mondiale fait rage à l’est ?

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https://www.radioclassique.fr/magazine/articles/parade-de-satie-lacte-de-naissance-du-surrealisme/

 

Pablo Picasso (1881, Espagne - 1973, France), Rideau de scène du ballet "Parade" 1917. Techniques : Peinture à la colle sur toile. Dimensions : 1050 x 1640 cm Poids : 60 kg. Paris, Musée national d’art moderne.    

« Ceux qui ont vu Picasso dans l’atelier des Buttes-Chaumont peindre seul le rideau qui représente une halte de funambules en demeurent émerveillés. Il se promenait sur l’immense toile, faisant fleurir sous sa brosse des figures géantes, fraîches comme des bouquets », écrit Jean Cocteau dans L’Excelsior daté du 18 mai 1917, le jour même de la première représentation de Parade au théâtre du Châtelet à Paris, devant une salle houleuse.

(Anne Monod-Fontaine, Centre Pompidou)

Voir l’histoire du rideau de scène de Parade : https://www.dailymotion.com/video/xro2fp

 

Et le ballet :

https://www.youtube.com/watch?v=YejpJ4kMH_0