• La guerre des mondes

Débutons la première catégorie avec un grand classique de la littérature. Herbert George WELLS (1866-1946) avec  La guerre des mondes (1898) a livré une des visions les plus marquantes. Le récit commence par des considérations scientifiques : tandis que certains se demandent  s'il y a de l'eau et de la vie sur la planète rouge, Les Martiens eux, observent la Terre depuis longtemps avant de venir l'envahir. Le mot « extraterrestre » apparaît  au chapitre 3 et c'est peut-être une des premières fois dans la littérature. L'auteur rappelle le nom prédestiné de leur planète : Mars, comme le dieu de la guerre. Les hommes remarquent des mouvements dans l'espace avant de voir s'écraser un étrange cylindre métallique « enfoncé dans la peau de notre vieille planète comme une écharde empoisonnée » (1ère partie, chapitre 8). Les êtres qui en sortent sont plusieurs fois décrits : avec une grande tête ronde, pas de narines, de grands yeux sombres mais une sorte de bec entouré de seize tentacules. Ils ne dorment ni ne mangent, pour survivre, il s'injectent le sang des créatures capturées (2e partie, chapitre 2). Les envahisseurs grâce à leurs tripodes géants comparés à des Titans (1ère partie, chapitres 10, 12, 17) se livrent à une destruction progressive et méthodique de la ville de Londres(2). Leur supériorité technologique est plusieurs fois mise en avant, que ce soit leur « Rayon Ardent », une sorte de rayon laser avant l'heure (1ère partie chapitre 5) ou la Fumée Noire qui empoisonne l'air (1ère partie, chapitre 14)(1).  Les scènes de panique sont particulièrement bien décrites « c'était le commencement de la déroute de la civilisation, du massacre de l'humanité » (1ère partie, chapitre 17). Avec des chapitres brefs, de nombreux moments d'action et de tension, un style imagé, faisant référence à beaucoup de couleurs, de formes, de tailles, le récit donne à voir les scènes.

Combien de récits ou de films ont été faits par la suite sur ce même modèle. La Guerre des mondes  (1953) de Byron HASKIN (1899-1984) ou La Guerre des Mondes  (2005) de Steven SPIELBERG (né en 1946). Chacun transpose l'histoire à sa propre époque, change les personnages et insiste sur un angle différent : le monde qui fait face à une menace comparée au communisme pour le premier, une famille qui se reconstruit dans l'adversité pour le second.

Le compositeur britannique Gustav HOLST (1874-1934) a créé une œuvre musicale extraordinaire, la suite pour orchestre n° 32 : Les Planètes. Sept des planètes de notre système solaire y sont évoquées, chacune avec un thème qui lui est propre. Le premier des 7 mouvements, Mars, celui qui apporte la guerre (1914-1917), en référence au dieu romain, ne peut vous laisser insensible. Écoutez-le en lisant l'article, vous y retrouverez l'atmosphère des films d'action, des jeux vidéo, avec toute l'intensité dramatique contenue dans les cordes, les percussions et les cuivres :

Des compléments d'information sont disponibles par exemple sur L'histoire des arts en musique et surtout dans notre analyse complète.

Mars Attacks !  (1997) de Tim BURTON (né en 1958) reprend sur le mode parodique(3) les récits et les films de science-fiction montrant l'invasion martienne.

  • Les cycles de Mars

A l'inverse, d'autres récits se  déroulent sur la planète rouge.  John Carter de Mars, de Edgar RICE BURROUGHS (1875-1950), est un héros qui apparaît dans le roman Une princesse de Mars (1917), premier tome du cycle de Mars. L'auteur ne cherche pas à faire un récit scientifiquement vraisemblable mais avant tout à livrer une aventure épique où les héros se battent à l'épée. L'adaptation des studios Disney réalisée par Andrew STANTON, John Carter, (2012) donne à voir un personnage qui fait des bonds de plusieurs mètres grâce à la plus faible pesanteur de la planète (dont l'autre nom est Barsoom). Le voyage ne s'est pas fait au moyen d'une machine sophistiquée mais grâce à une technique qui emprunte à la fois à la magie et à la science. Le corps du héros reste sur Terre mais son esprit incarné est envoyé sur Mars. Des monstres à affronter, une princesse à sauver, des guerres à livrer sont les éléments qui justifieront de nombreux effets spéciaux. La mise en images du très célèbre illustrateur Frank FRAZETTA (1928-2010), est aussi une manière d'attirer le lecteur. Cet artiste, habitué de la fantasy et des histoires d'action, est une source d'inspirations pour de nombreux dessinateurs, visitez la galerie d'images sur le site officiel pour en avoir une idée : http://frankfrazetta.net/.

Avec Le Prisonnier de la planète Mars (1908), de Gustave LE ROUGE (1867-1938), le récit fait davantage place à la fiction qu'à la science, dans un genre très divertissant qui a plus à voir avec la fantasy. Dans ce premier tome du Cycle de Mars, Robert Darvel, jeune ingénieur talentueux fait partie des rares personnes à croire que toutes les planètes sont habitées par des êtres semblables à nous avec lesquels on peut communiquer, notamment grâce à des figures géométriques. Il fait la connaissance du mystérieux Ardaneva, un brahme hindou (un religieux) d'apparence squelettique aux pouvoirs extraordinaires. Celui-ci lui propose un pacte : il lui apprendra la psychologie et le philosophie et Darvel en retour lui enseignera la chimie, la médecine et la mécanique (1ère partie, chapitre 4). En conjuguant les pouvoirs des fakirs et ses connaissances scientifiques, Robert crée le Condensateur des énergies, une machine capable de les faire communiquer avec la planète Mars mais aussi de les faire voyager à la vitesse de la pensée (1ère partie, chapitre 6). Malheureusement, Ardavena révèle ses vraies intentions en volant l'idée de Darvel et en l'envoyant contre son gré sur la planète rouge dans une sorte de sarcophage : "Je suis le premier homme qui soit parvenu dans la planète Mars !"s'écrie Darvel entre excitation et épouvante (1ère partie,chapitre 8). Le narrateur nous rappelle les spécificités de la planète : sa gravité six fois moindre que sur la Terre, la présence de calottes glaciaires aux pôles. A partir de ce moment, une suite de rebondissements en tous genres donne au récit toute sa saveur. Tandis que Darvel explore la planète dont l'atmosphère est respirable, qu'il affronte des monstres ressemblant pour certains à des pieuvres, pour d'autres à des vampires (2e partie, chapitres 4 et 5), qu'il finit par croire qu'il sera "l'empereur ou le dieu de cet univers"(2e partie, chapitre 8) parallèlement, sur Terre, sa fiancée part à sa recherche. Les deux récits croisés permettent d'entretenir le suspense.
 

  • Les Chroniques martiennes

Plus tard, Ray BRADBURY (1920-2012) publie un recueil de nouvelles qui connaîtra un grand succès : Chroniques martiennes (1946). Dans une introduction rédigée tardivement en 1997, l'auteur écrit : « cela dit, comment se fait-il que mes Chroniques martiennes soient considérées comme de la science-fiction ? Cette définition leur va mal. » Loin des clichés sur Mars, il décrit une planète qui n'est pas rouge et sans petits hommes verts. Plutôt que de nous éblouir avec une technologie futuriste (il évoque au fil des textes des fusées terriennes ; des « sablonefs » : vaisseaux glissant sur le sable des mers asséchées (dans « Morte-saison ») ; un astroport dans « Villes muettes »), le romancier préfère dépeindre les sentiments et, parfois avec humour, souvent avec mélancolie, l'impossibilité des êtres à se comprendre. Les histoires, qui se déroulent de 2030 à 2057, présentent les Martiens sur leur propre planète ; leur peau est brune, leurs yeux dorés, ils ont six doigts et sont télépathes, mais leurs comportements et leurs interrogations ressemblent aux nôtres. Dans la deuxième nouvelle ,« Ylla », ce sont les Martiens qui se demandent si la troisième planète du système solaire (la Terre) est habitée. Par un amusant renversement, tout ce qui nous est familier leur paraît étranger et ils doutent de ce qui est habituel pour nous. Ils nomment leur planète Tyrr (dans la nouvelle intitulée « Les hommes de la Terre ») et prennent les Terriens pour des Martiens fous. Plus tard, on raconte que « les Martiens seraient devenus très rares et prendraient l'apparence des Terriens lorsqu'ils viennent parmi nous » (nouvelle « Le Martien »).


 

"Life on Mars ?"  se demande David BOWIE sur l'album Hunky Dory  (1971). L'artiste ne fait pas une chanson de science-fiction mais en évoquant une histoire personnelle, il pose à son tour une question courante : serait-il possible de vivre sur Mars pour échapper aux soucis ?

Afin de vous rapprocher de Mars, consultez les projets et les missions de la NASA (l'Agence Spatiale Américaine): http://mars.jpl.nasa.gov/ (Pour ceux qui lisent en anglais).

La suite dans SCIENCE ET FICTION 2/5: Univers lointains, b. Vers l'infini...

 

Le mois prochain, vous lirez LES BELLES ET LES BÊTES, l'art de rendre beau le monstrueux...

NOTES :

1 : Un des personnages fait savoir que les Martiens « sont en train d'apprendre à voler » (2e partie, chapitre 7), il sont donc tombés de Mars. Rappelons que nous sommes à la fin du XIXe siècle, l'avion ou les fusées n'existent pas encore, difficile d'imaginer les moyens de transport. Voir Science et Fiction I. La tête dans la Lune b. la face cachée de la Lune.

2 : Pour ceux qui connaissent la capitale britannique, il serait intéressant de faire le parcours des lieux évoqués.

3 : Imitation comique.

N. THIMON