• Jean Cocteau et ses successeurs

La Belle et la Bete d'après Jean Cocteau © Julie Rouviere, reproduit avec l'aimable autorisation de l'illustratrice ; http://julierouviere.tumblr.com/

La Belle et la Bête d'après Jean Cocteau

© Julie Rouvière, reproduit avec l'aimable autorisation de la dessinatrice ;

http://julierouviere.tumblr.com/

Considéré comme un chef-d’œuvre, le film commence par une mise en abyme,  c'est-à-dire un film dans le film, une œuvre qui se répète à l'intérieur d'elle même. On y voit en effet un personnage tenir le clap de début et lancer ainsi le tournage. D'autre part, les plans sur le tableau noir rappellent l'école. Le prologue confirme que l'on s'adresse aux enfants et à leur capacité à croire aux contes de fées. L'histoire commence avec le traditionnel "il était une fois".

Bien que le film ait déjà plusieurs dizaines d'années, tout est fait pour que l'on croie à la magie. Dans le château de la Bête, certaines ombres ont des tailles étranges. Des bras jaillissent des murs ou du mobilier pour tenir des chandelles qui s'allument seules. Les portes s'ouvrent et se ferment comme par enchantement. Des statues ouvrent les yeux, tournent la tête, bougent....

A l'arrivée de Belle au palais, le réalisateur nous gratifie de ralentis très stylisés. Les mouvements des rideaux et de la robe gonflés par un vent surnaturel donnent à l'ensemble un aspect aérien. Les costumes des personnages principaux sont très riches tant par leur texture que par leurs ornements. Les effets spéciaux sont simples mais efficaces : par exemple, la façon dont Belle apparaît ou disparaît est une simple succession d'images sur un plan fixe.

Le film insiste en outre sur le côté animal de la Bête. D'une part, avec son maquillage particulièrement réussi puisque c'est son aspect vaguement félin que le spectateur garde en mémoire encore aujourd'hui. D'autre part, la présence d'une biche morte à ses pieds le place bien aux rangs des prédateurs. Enfin, une scène  la représente qui s'abreuve en lapant l'eau d'un étang, comme un chien.

Néanmoins, on comprend aussi que c'est un être torturé qui souffre de sa condition, obligé de tuer pour se nourrir, ses mains sont fumantes après avoir ôté la vie. Il est lui aussi une figure vaguement romantique, lassée de sa condition, poursuivie par une malédiction

Comme c'est souvent le cas avec les grands classiques, les studios Disney ont à leur tour proposé leur version de l'histoire. La Belle et la Bête (1992) fait partie de leurs dessins animés favoris. On y voit des chandeliers et des théières chanter, et la Bête, malgré son costume bien taillé, est un monstre cornu et possède une voix qui fait trembler les murs. Le succès de cette version a inspiré une comédie musicale qui parcourt le monde. On peut également citer une série américaine créée par Ron KOSLOW en 1987 : La Belle et la Bête. Cette fois, l'histoire est transposée à notre époque, aux États-Unis, et raconte l'alliance d'une avocate et d'une créature mi-homme mi-bête qui font régner la justice.

  • Dracula et les princes des ténèbres

En outre, de nombreuses raisons conduisent à un parallèle avec le film Dracula de Francis FORD COPPOLA, pour les plus âgés (voir SURNATUREL 2/4 : Des personnages extraordinaires). Le réalisateur américain nous donne lui aussi à voir un château inquiétant et surnaturel dans lequel les ombres semblent douées d'une vie propre. De plus, sa version se concentre sur l'histoire d'amour entre le vampire et la jeune Mina. Le comte a perdu son humanité et il est souvent plus proche d'un animal que d'un homme (voir aussi CŒUR D'HOMME, PEAU DE BÊTE 2/4 : Hurlez avec les loups). On retrouve d'ailleurs dans les deux films une scène où les larmes de la jeune héroïne se transforment en diamants.

Le monstre reste fascinant. On assiste à ses nombreuses tentatives de séduction. Il offre le confort d'un palais monumental, des vêtements luxueux, des bijoux précieux. Un autre film emploie le même registre, c'est Legend (1985) de Ridley SCOTT. Darkness, un imposant seigneur des ténèbres à l'allure diabolique cherche à épouser Lily.

Darkness, incarné par l'acteur Tim CURRY, dans Legend de R. SCOTT.

Il ensorcelle la jeune fille en lui offrant une robe sombre maléfique qui n'est pas sans rappeler celle que porte Belle à un moment du film de COCTEAU.

Le film de Jean COCTEAU semble avoir laissé une certaine empreinte dans le cinéma qui justifie que l'on accepte de revoir une œuvre en noir et blanc. Son monstre crève l'écran. Il devrait nous repousser, mais au lieu de cela, avec ses bonnes manières de "gentleman monster", il parvient à nous attirer. Peut-être est-ce la magie du cinéma ?

 

La fin dans une semaine avec LES BELLES ET LES BÊTES 3/3 : Bête de foire ou bête de scène ?

Je remercie chaleureusement Julie Rouvière pour son aimable participation.

N. THIMON