• Jeanne d'Arc

Il s'agit ici de montrer comment l'art illustre le destin exceptionnel d'une femme dans un domaine traditionnellement réservé aux hommes. Les récupérations politiques du personnage ne sont pas de mon ressort. Cette jeune paysanne affirmait avoir entendu des voix célestes qui l'encourageaient à lutter contre les Anglais et imposer sur le trône français le futur Charles VII. Elle délivra Orléans, permit le couronnement du roi à Reims et mourut sur le bûcher, accusée à tort de sorcellerie. Figure emblématique du courage et de la résistance, un peu comme Roland (voir SOUS LE HEAUME DES CHEVALIERS 1/4 :  Des héros de légende, b.Le meilleur chevalier du monde), elle a bien sûr inspiré de nombreux auteurs et pas seulement en France.

On peut citer l'exemple de La Pucelle d'Orléans (1801 et 1887 pour l'édition française), tragédie de l'Allemand Friedrich von SCHILLER (1759-1805).

Raymond, l'un des prétendants des filles de Thibaut d'Arc la décrit ainsi, une fois qu'elle s'est enflammée à la vue d'un casque de guerre :

Jeanne au cœur de lion affrontant le danger

Combat contre le loup, et bientôt lui fait rendre

L'agneau que dans sa gueule il commençait à prendre

Prologue, scène 3

La pièce allemande inspire au compositeur italien Giuseppe VERDI (1813-1901) un opéra en trois actes, Jeanne d'Arc (Giovanna d'Arco, 1845), d'après un livret de Temistocle SOLERA. L'héroïne, interprétée par une soprano (pour les termes d'opéra, voir l'interview Chanteuse lyrique, vive l'opéra !), convaincue de devoir sauver la France, refuse l'amour du roi Charles, afin de garder le cœur et l'esprit libres. Son propre père, qui la croit possédée par le diable, la livre dans un premier temps aux Anglais, avant de finalement la libérer.

Luc BESSON à son tour en offre une version cinématographique, Jeanne d'Arc (1999). Il accentue la fragile santé mentale de l'héroïne pour expliquer ses voix et son acharnement à mener une guerre.

  • Les Amazones

Les récits mythologies regorgent de figures de femmes guerrières comme par exemple les Amazones. Elles sont parfois considérées comme les descendantes d'Arès (Mars pour les Romains), le dieu de la guerre. Leur nom (a "sans"et  mazon "sein", en grec ancien) s'expliquerait par le fait qu'elles se coupaient le sein afin de pouvoir tirer à l'arc ou manier la lance. Cette étymologie en fait pas l'unanimité, mais c'est celle qui est la plus marquante. Les auteurs antiques considéraient qu'elles se débarrassaient de tous les mâles une fois que leurs filles étaient enfantées. Cette version est confirmée par l'historien grec HÉRODOTE (Ve siècle avant J. C.) qui, dans le quatrième livre de son Histoire, écrit :

[…] les Amazones, que les Scythes appellent Aiorpata, nom que les Grecs rendent en leur langue par celui d'Androctones (qui tuent des hommes), car aior, en scythe, signifie un homme, et pata veut dire tuer[…].

Deux de leurs reines sont restées célèbres dans la mythologie. Tout d'abord, Hippolyté dont la précieuse ceinture fut dérobée par Héraclès (Hercule pour les Romains). Le héros, en compagnie de Thésée, accomplissait ainsi l'un des douze travaux imposés par son cousin du héros Eurysthée. Ensuite, Penthésilée qui mena ses troupes à Troie pour défendre le roi Priam contre et les Grecs. Elle trouva la mort face à Achille (voir HÉROS DE JADIS 1/2 : Invincibles ?).

  • Les walkyries

Des mythologies germaniques et scandinaves, on retiendra bien sûr la figure des Walkyries (ou Valkyries),  les neuf filles(1) d'Odin (Wotan pour les Germains). Elles parcourent le champ de bataille et désignent les guerriers qui mourront. Elles sélectionnent ainsi les meilleurs d'entre eux pour les amener au Walhalla, le Palais des dieux aux cinq cent quarante portes. Là, ils lutteront l'un contre l'autre, sans cesse ressuscités, avant de livrer le dernier combat au moment du Ragnarökr, la bataille finale entre les dieux d'Asgard d'un côté et les monstres et les géants de l'autre.

BRÜNNHILDE : Je n'apparais qu'à ceux qui vont mourir : celui qui m'aperçoit doit quitter la vie. Je n'apparais aux preux que sur le champ de bataille : celui qui me voit, je me le suis choisi pour le combat !...

La Walkyrie, Acte II, scène 4 (traduction de Jean D'ARIEGES).

L'image de la vierge guerrière, à cheval, portant casque ailé, lance et bouclier est suffisamment forte pour inspirer des compositeurs comme Richard WAGNER (1813-1883) avec La Walkyrie (1870)  deuxième des quatre parties de son opéra L'Anneau du Nibelung. "La chevauchée des Walkyries", au début de l'acte III, est l'un des passages les plus connus(2).

Dans cette pièce, le musicien réserve un sort particulier à la fille préférée de Wotan, Brünnhilde, qui a désobéi à son père(3).  A l'extrême fin, elle perd son immortalité et est condamnée à dormir au milieu d'un cercle de feu d'où seul un guerrier exceptionnel pourra la délivrer (Acte III, scène  3).  Le texte insiste sur la relation très forte qui existe entre le père et sa fille et c'est une scène particulièrement émouvante dans laquelle chacun est prisonnier de sa condition.

La célébrité des personnages perdure grâce à des illustrateurs comme Arthur RACKHAM  (1867-1939) avec sa mise en image des mythes contes et légendes.

Walkyrie © Julien DELVAL ; reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur ; http://juliendelval.blogspot.fr/
Walkyrie © Julien DELVAL ; reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur ; http://juliendelval.blogspot.fr/

 

Cette image a été réalisée à la gouache sur papier.
C'est une réalisation personnelle pour une exposition collective. Je me réfère ici plus à la peinture classique, avec des teintes moins saturées et des figures plus hiératiques.
Le processus de création est le suivant : recherche de documentation, réalisation de petits croquis, crayonné final retranscrit ensuite sur le support définitif (ici du lavis Vinci technique 300g), puis le travail de peinture commence.
Julien DELVAL pour Lettres d'Arts.

On la retrouve encore, à peine de déformée, chez des écrivains comme John TOLKIEN (1892-1973) avec le personnage d'Eowyn dans Le Seigneur des Anneaux (1954-1955). Mais aussi dans la bande dessinée avec La Walkyrie (2009) d'Alex ALICE ou encore dans les sculptures de Christophe CHARBONNEL.

 

  • Les aventurières

On peut trouver que souvent, ces femmes guerrières empruntent beaucoup de leurs attitudes et de leur aspect aux hommes. Néanmoins l'observation des représentations contemporaines dément cette vision. Lara Croft, héroïne du jeu vidéo Tomb Raider (à partir de 1996) mène des aventures en terres exotiques sans perdre sa féminité ; Ellen Ripley, de la série cinématographique Alien (à partir de 1979), est tour à tour amante, mère et combattante. L'immense production d'illustrations de fantasy, de films d'action montre aussi comment les femmes, tout en gardant leur spécificité, mènent des actions d'envergure, luttent avec bravoure et force et n'ont rien à envier aux hommes.
 

 

Je remercie Julien DELVAL pour son aimable participation.

La suite dans HEROÏNES DE TOUJOURS : femmes de guerre, b. ...Et celles pour qui on se bat .

Le mois prochain, vous lirez AU TEMPS DU ROMANTISME.

 

N. THIMON

NOTES :

1 : Acte II scène 2 :" WOTAN : la suprême sagesse  de l'Univers me donna Brünnhilde !...  Avec huit sœurs je t'élevai" (traduction de Jean D'ARIEGES).

2 : Francis FORD COPPOLA dans son film Apocalypse Now ! (1979), réécriture du roman Au Coeur des Ténèbres (1925 en français) de Joseph CONRAD, reprend ce thème. Cette fois, les déesses ailées sont remplacées par des hélicoptères américains qui sèment la mort sur les troupes vietnamiennes.

3 : Siegmund et Sieglinde sont frère et sœur jumeaux tous deux engendrés par Wotan avec une humaine. Après avoir été séparés enfants, ils se retrouvent et deviennent amants bien que la jeune femme soit déjà mariée. De leur union naîtra plus tard Siegfried, le héros tueur de dragon (voir AUTOUR DU HOBBIT 3/3 et HÉROS DE JADIS 1/2). Fricka, la femme de Wotan, déesse du mariage, veut la mort de Siegmund et s'arrange pour que son mari le fasse exécuter. Brünnhilde, qui connaît le vrais sentiments de son père, cherche malgré tout à les protéger.