Comme pour les artistes italiens de la Renaissance, beaucoup de sculptures de Christophe Charbonnel empruntent leur modèle à l'Antiquité biblique ou grecque : Orphée, Persée, Thésée ou David et Goliath. D'ailleurs, pour Mathieu Lauffray, avec Long John et ses compagnons, nous avons affaire à de nouveaux personnages mythologiques, baignés dans un regain d'intérêt du public pour le romantisme. Le travail d'Alex Alice manifeste le même engouement pour les thèmes épiques aussi bien observables dans les textes, l'illustration ou la musique. C'est ainsi que la fusion s'opère pour notre plus grand plaisir.
Le talent de Christophe Charbonnel nous amène à voir en trois dimensions ces personnages dont les aventures nous ont transportés pendant des années. Paradoxalement, cette façon de modeler la matière morte arrive à créer de la vie. Ainsi, Long John, le plus célèbre pirate de fiction se tient devant vous, avec sa béquille et sa jambe de bois. Non seulement il est l'incarnation très exacte du dessin de Mathieu Lauffray, mais il pourrait être la silhouette d'une personne réelle tant le travail est dynamique et poussé. Les proportions, l'attitude, les détails anatomiques ou vestimentaires complètent une vision particulièrement saisissante de ce personnage ambigu. Xavier Dorison, rencontré sur place ne cache pas non plus son enthousiasme.
Les tableaux exposés montrent également toute la maîtrise des arts picturaux de Mathieu Lauffray. Les toiles sont ainsi magnifiquement serties dans ce petit écrin qu'est la Galerie Bayart de Paris. On verra par exemple des portraits de Lady Vivian Hastings, l'héroïne de cette sombre course au trésor. Le regard tourné vers le public, elle laisse entrevoir les parts d'ombre qui pèsent sur sa conscience.Quelques planches originales de la trilogie Siegfried sont également accrochées aux murs. Même derrière la vitre de protection, les dessins en grand format, superbement encrés sont époustouflants. La comparaison avec la version colorisée est tout à fait intéressante pour analyser et comprendre les mécanismes de la création.
Le buste de Siegfried portant son épée reprend fidèlement le dessin d'Alex Alice et rappelle bien sûr la vision donnée dans le film Les Nibelungen (1924) de Fritz Lang.
D'autre part le visage d'Odin est particulièrement réussi, sombre, sévère, des traits durs qui correspondent si bien à l'autorité du chef des dieux. Conformément au récit mythique, son œil manque, sacrifié autrefois pour obtenir la connaissance ultime.
On peut s'étonner de l'inachèvement apparent des œuvres ou de l'effet "déchiré" selon les propos d'un visiteur. C'est précisément la griffe de Christophe Charbonnel. Il confie que ce n'est pas le propos de faire quelque chose de fini, le spectateur est aussi acteur, voilà une façon de laisser place à son imagination, de perpétuer le désir et de rendre à jamais l’œuvre vivante.N. THIMON
NOTES :
1 : Blog officiel d'Alex Alice
2 : Blog officiel de Mathieu Lauffray.
3 : Site officiel de Christophe Charbonnel.
4 : Voir AUTOUR DU HOBBIT 3/3 : La représentation du dragon dans la culture occidentale et HÉROS DE JADIS 1/2 : Invincibles ? .
5 : Voir : LE POINT SUR LES ÎLES 3/4 : L'île aux pirates, b. des îles et des trésors ;
6 : Site officiel de la Galerie Bayart.