Dans les différentes cultures et croyances, il est courant de représenter les dieux qui manient le feu céleste, que ce soit sous la forme de la foudre comme le Zeus  des Grecs, le  Jupiter des Romains, Thor chez les Vikings ou Donner chez les Germains. Grâce à ce feu magique, ils ne craignent personne et repoussent les monstres et les géants. Dans le tableau  de Mårten Eskil WINGE  (1825-1896) qui montre Thor affrontant les géants (1872), la lumière foudroyante aveugle le spectateur et s'apprête à s'abattre sur les ennemis.

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« Mårten Eskil WINGE - Le combat de Thor contre les Géants - Google Art Project » par Mårten Eskil Winge3gGd_ynWqGjGfQ at Google Cultural Institute, zoom level maximum. Sous licence Public domain via Wikimedia Commons. ">

Le feu est aussi l'élément qui aide à fabriquer et manipuler le métal, les armes...Il devient alors l'accessoire indispensable d'un dieu forgeron : Héphaïstos des Grecs, Vulcain des Romains. Laid de naissance, il a été jeté du sommet de l'Olympe par sa mère Héra et en demeure à jamais boiteux. Sa maîtrise du feu et sa résistance à la chaleur en font un être à part, doté de compétences que les autres n'ont  pas, ayant accès à des endroits que les autres dieux ne fréquentent pas.

 

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« Vulcain forgeant les rayons de Jupiter » par Pierre Paul RUBENS — Photo by Dodo. Sous licence Public domain via Wikimedia Commons.


Tous ces aspects se trouvent résumés dans le tableau du maître flamand Pierre Paul RUBENS (1557-1640) Vulcain forgeant les rayons de Jupiter (1636) Le marteau levé du dieu en plein travail, les armes déjà prêtes posées au sol, la foudre en train d'être forgée, les étincelles et le feu qui jaillissent, un cyclope à l'arrière-plan pour aider le maître...

Dans les mythes du Nord, Loki est lui aussi un dieu du feu, il est menteur, fourbe, mais aussi plein de ressources. Nécessaire et traître à la fois, le feu a un rôle trouble, il joue un double jeu, on l'aime tout en s'en méfiant.

Insaisissable et dangereux il est l'attribut des dieux puissants et colériques. Un bien jalousement gardé. Dans la mythologie grecque, le Titan Prométhée, fils de Japet est connu pour avoir volé le feu aux dieux afin de le donner aux hommes. HÉSIODE (VIIIe VIIe s. av J.C.),dans Les Travaux et les jours, rapporte ainsi les faits : "Mais ce fut encore le brave fils de Japet qui alors, pour les hommes, le vola au sage Zeus, dans le creux d'une férule et trompa l’œil du dieu qui lance la foudre". Tel un Robin des bois antique, il fait preuve de ruse envers les forts et de générosité envers les faibles. Derrière ce feu céleste, beaucoup de penseurs ont voulu reconnaître le feu de la forge et donc de la technologie, d'autres y ont vu les lumières de la raison et de la connaissance. Tous sont d'accord pour y voir un moyen de faire évoluer l'humanité. Toutefois, ce progrès s'accompagne souvent d'une souffrance.

 

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Prométhée apporte le feu à l'humanité (1817) par Heinrich FÜGER - [1]. Licensed under Public domain via Wikimedia Commons.

Les représentations du soleil retranscrivent aussi cette ambiguïté(1) de la flamme. C'est le cas avec OVIDE (43 av. J.C. -17 ap J.C.), dans le deuxième livre des Métamorphoses. Phaéton, fils d'Hélios (le Soleil ou dans, certaines variantes Apollon) voudrait faire comme son père et conduire le char du soleil.

 

"Mais alors Phaéton voit, de toutes parts, le monde en flammes ; la chaleur lui est, à pareil point, intolérable ; il aspire par la bouche un air embrasé, comme des profondeurs d'une fournaise ; et il sent son char chauffé à blanc ;il ne peut plus  supporter les cendres et la chaude poussière partout projetée ; il est enveloppé de toutes parts d'une fumée brûlante"  (traduction de Joseph Chamonard, GF-Flammarion).

Mais inhabitué à cet exercice et oubliant les conseils de son père, il vole trop près du sol, assèche  des terres, noircit des hommes. Pour l'arrêter, Zeus le foudroie et le garçon s'abîme dans les flots.

Dans ce tableau également peint par RUBENS, La Chute de Phaeton (entre 1604 et 1608, exposé à la National Gallery of Art de Washington, aux États-Unis), nous avons une formidable vision de la catastrophe. Reconnaissez en haut à gauche les signes du Zodiaque, observez la posture des personnages terrifiés, les membres enchevêtrés et cette lumière foudroyante qui tombe sur la scène depuis la partie haute à droite.

Icare, dont il sera question dans la suite (DÉPEINDRE LES ÉLÉMENTS 4/4 : À tous les vents), connaîtra un sort semblable en s'élevant trop près du soleil. Le poète René CHAR, dans son recueil les Feuillets d'Hypnos (1946), signale que "la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil". Une façon de dire que l'accès  à des savoirs interdits entraîne toujours de graves conséquences. Faut-il donc rester dans les faibles limites de la condition humaine ? Doit-on chercher à dépasser toutes les frontières quel qu'en soit le prix ?

La maîtrise du feu a permis à l'Homme de se distinguer du reste du règne animal, pour cuire ses aliments, se chauffer, s'éclairer, se défendre, attaquer, se divertir, etc. Les progrès de la pyrotechnie (2) ont montré à quel point les feux d'artifice pouvaient être fascinants. La dimension esthétique ne fait pas de doute. Le travail sur les couleurs et les formes, les sons qu'on leur associe parfois rendent ces spectacles suffisamment importants pour être une manifestation indispensable. Il s'agit donc à proprement parler d’œuvres artistiques qui s'inscrivent moins dans la permanence que dans la performance. Lisez l'interview réalisée auprès d'un artificier de divertissement pour en savoir plus.


Toutefois, leur caractère éphémère nous invite à garder le nez en l'air.

 

 

Vous vous élèverez avec les grands esprits dans la suite : DÉPEINDRE LES QUATRE ÉLÉMENTS 4/4 : A tous les vents, a. Les ailes du génie

 

Le mois prochain, retrouvez AUTOUR DU HOBBIT, Tolkien et les mythes d'hier à aujourd'hui...


En janvier, vous lirez AU MATIN DU MONDE, l'art du commencement...

 

 

NOTES :

1 : On ne sait pas s'il en faut en penser du bien ou du mal

2 : Ensemble des techniques de fabrication et d'utilisation des pièces de feux d'artifices

N. THIMON