Chez les Grecs anciens, après le vol du feu par Prométhée(1), les dieux ont voulu punir les hommes en créant Pandore(2). Cette femme de belle apparence devient la femme de Epiméthée, le frère de Prométhée. HÉSIODE, dans Les travaux et les jours, précise que Hermès la remplit de  "mensonges, mots trompeurs, cœur artificieux". Elle s'est vu remettre un récipient (une jarre ou une boîte selon les versions) contenant tous les malheurs du monde. Retrouvez l'extrait traduit par Paul MAZON :

"Mais la femme, enlevant de ses mains le large couvercle de de la jarre, les dispersa par le monde et prépara aux hommes de tristes soucis. Seul l'Espoir restait là, à l'intérieur de son infrangible (3) prison, sans passer par les lèvres de la jarre, et ne s'envola pas au dehors, car Pandore déjà avait replacé le couvercle par le vouloir de Zeus, assembleur de nuées, qui porte l'égide. mais des tristes en revanche errent innombrables au milieu des hommes : la terre est pleine de maux, la mer en est pleine ! Les maladies, les unes de jour, les autres de nuit, à leur guise, visitent les hommes, apportant la souffrance aux mortels". Chez HÉSIODE, Pandore reste un instrument de vengeance créé par les dieux, il n'est pas nécessaire de lui prêter une volonté propre de faire le mal ou une curiosité insatiable, comme chez d'autres auteurs.

"Ouvrir la boîte de Pandore", reste, dans le langage courant, une façon de dire que l'on crée un bouleversement en répandant d'insolubles problèmes.

Ce tableau de Jean COUSIN le Vieux (1490-1560), exposé au Louvre,  associe clairement  les deux personnages féminins de l'aube des temps. Eva Prima Pandora, Eve est la première Pandore, toutes deux sont considérées comme responsables des peines de l'humanité. Nue pour attirer le désir, sa main droite posée sur un crâne rappelle la mort qu'elle va causer, la jarre sous sa main gauche rappelle la boîte où sont contenus les malheurs. Inutile de dire que le peintre en pense le plus grand mal !

Dans la Bible, Dieu laisse Adam nouvellement créé dans le jardin avec une seule interdiction :  "Tu pourras manger de tout arbre du jardin, mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bonheur et du malheur car, du jour où tu en mangeras, tu devras mourir" (Genèse II, 16). Ainsi que nous l'avons dit plus haut, la femme a été créée ensuite, pour être le complément indispensable de l'homme. L'être humain ne pouvait être complet sans cela. C'est Eve que le serpent va trouver alors qu'elle n'était pas présente au moment de l'interdiction. Il emploie un langage subtil pour la tromper (voir COEUR D'HOMME, PEAU DE BÊTE 3/4 : Langue de serpent). Adam accepte le fruit défendu (4) sans discuter, il ne conteste pas et ne dit rien, comme un enfant. D'ailleurs, en latin, infans désigne le nourrisson qui ne parle pas.  En guise de connaissance, Adam et Eve découvrent qu'ils sont nus et en éprouvent de la honte.

Parmi d'innombrables auteurs, Lucas CRANACH  l'Ancien (1472-1553) fait la synthèse de ces moments sur les deux panneaux ci-dessus, exposés à Florence et représentant Adam et Eve (1528). Les deux personnages se cachent le sexe. Sur le panneau de droite, Eve porte le fruit et juste au-dessus, dans l'ombre, se tient le serpent.

Les deux premiers humains ont donc cédé à la tentation. C'est cette première désobéissance que le christianisme nomme "péché originel" qui sert à expliquer la raison de la dureté de notre vie, mort, souffrance, maladie, travail. L'homme et la femme sont alors chassés à jamais du Paradis, un chérubin (5) avec son épée flamboyante vient leur barrer la route. Retrouvez le texte dans l'extrait ci-dessous :

Le péché originel et l'expulsion de l'Eden selon la Bible

Cette image ainsi que d'autres sont réécrites par Émile ZOLA (1840-1902) dans  son roman La faute de l'Abbé Mouret (1875). L'histoire d'un jeune prêtre très croyant qui tombe amoureux et découvre un jardin ayant tous les aspects du paradis. L'analyse compète du roman sous l'angle de la réécriture de la Genèse est disponible en suivant ce lien  : La Faute de l'abbé Mouret, le Paradis vu par Émile ZOLA.

Et pour apprécier l'une des représentations picturales de cet instant, consultez l'analyse détaillée L'Expulsion du jardin d'Eden, le Paradis vu par le peintre Thomas COLE.

Cette malédiction est la première expression d'un conflit entre les hommes et leur créateur. Peut-être fallait-il cela pour permettre à l'humanité de grandir en autonomie ? Toutes ces œuvres font passer l'idée que le bonheur est derrière nous, à jamais insaisissable. "Avant, c'était mieux", l'âge d'or ou le paradis perdu renvoient toujours à une époque heureuse, mais révolue, située dans un passé lointain, réel ou inventé. Quelles solutions pour le retrouver ? Cherchez les réponses en parcourant la thématique à venir  : LES UTOPIES, DES MONDES MEILLEURS ?

En attendant, lorsque la faute de quelques uns retombent sur les épaules de tous, le châtiment est colossal.

Dans une semaine, laissez-vous submerger par la fin, avec AU MATIN DU MONDE 3/3 : Le déluge

Le mois prochain vous lirez LES UTOPIES, DES MONDES MEILLEURS ?

NOTES :

1 : Sur Prométhée, voir DÉPEINDRE LES QUATRE ÉLÉMENTS 3/4 : Tout feu tout flamme, b. Le feu céleste.

2 : Sur Pandore, voir AU MATIN DU MONDE 1/3 : Récits de création, c. Né de la terre.

3 : Infrangible = incassable.

4 : Une erreur de traduction a fait croire qu'il s'agissait d'une pomme.

5 : Les chérubins appartiennent à une catégorie d'anges dont l'apparence est proche d'un taureau ailé, rien à voir avec les représentations tardives d'angelots joufflus dans la peinture classique.

N. THIMON