Céline Jouin Le retour de la guerre juste Droit international, épistémologie et idéologie chez Carl Schmitt éditions Vrin 2013 Lu par Marie-Christine Ibgui
Cet ouvrage paru en 2013 est destiné à présenter le parcours intellectuel qui a conduit C.Schmitt à dénoncer le retour d'une théorie de la guerre juste au XXème siècle, pour masquer des rapports de force sur la scène internationale, en leur donnant un semblant de moralité. Dès l'introduction cependant, C.Jouin montre que la pensée internationaliste de Schmitt ne peut être analysée sans que soit compris son rapport au marxisme. Ce rapprochement des extrêmes contribue à éclairer la pensée du juriste conservateur sous un jour inattendu, qui a néanmoins le mérite de rendre compte non seulement de l'originalité des positions de Schmitt par rapport à ceux de son propre camp, mais aussi des tensions et des contradictions de sa propre pensée. En effet, partant du fait que la pensée juridique de C.Schmitt se développe dans le contexte de l'opposition au traité de Versailles et au libéralisme, le parti pris de Céline Jouin est de travailler sur l'épistémologie du juriste, qualifié de « décisionniste », pour montrer que ses rapports à la dialectique hégélienne ou marxiste sont pour le moins complexes et nuancés. Car si C.Schmitt s'oppose à la dialectique « idéaliste » ou « téléologique » qu'il attribue indifféremment à Marx et à Hegel, sans reconnaître ce qui les distingue, il se réclame bien selon l'auteure, d'une dialectique « matérialiste », c'est-à-dire non téléologique, qui assimile le concret à la contradiction sociale radicale et la politique à la violence. En ce sens, on peut découvrir chez Schmitt une filiation matérialiste, ou ce qu' E.Balibar a appelé un « matérialisme de la politique », qui prend acte de la contingence de la praxis.