Hélène Péquignat, Platon et Descartes passent le bac. Carnet de bord d’une prof de philo. Editions Le Pommier, Collection : Essais - Les défis de l'éducation, mars 2016, 172 p., lu par Jean-Baptiste Chaumié
Par Michel Cardin le 07 octobre 2016, 09:41 - Philosophie générale - Lien permanent
Le titre de l’ouvrage d’Hélène Péquignat, Platon et Descartes passent le bac peut prêter à confusion, car il y est très peu question de Platon et de Descartes. Il s’agit pour l’auteure, professeur en terminale, de partager différentes expérimentations pédagogiques originales faites avec ses élèves en vue de les mettre en situation de philosophes.
« A considérer ce que les élèves retiennent d’une année à la suivante, écrit-elle, d’une semaine à l’autre parfois, force est de s’interroger un peu honnêtement : que risquons-nous à enseigner autrement ? »
Cet enseignement « autre » qui se veut cependant toujours en lien avec le programme et les exigences de l’examen, procède de façon directe : il ne s’agit pas de dire que la philosophie commence par l’étonnement, mais d’étonner réellement, en donnant à décrire (pas si facile) un objet du quotidien (boite de conserve, coussin, clé USB) ; ou bien d’interroger sur la valeur du lien social par la découpe et le partage d’une ficelle, dont chacun gardera (ou non) un morceau noué au poignet ; ou encore de dessiner le moi sous la forme d’un arbre, puis à inviter les dessinateurs à se rassembler pour former une forêt, ce dispositif permettant de mieux lire le passage de l’Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique dans lequel Kant expose métaphoriquement, comme le dit l’auteure, « la dimension contradictoire de la nature humaine » ; ou enfin à réfléchir sur les problèmes liés au rapport entre perception et réalité par une merveilleuse histoire d’éléphant, suivie de la confection d’une boite noire pleine de surprises. Ce ne sont que quelques exemples parmi beaucoup d’autres. Le dessin, la construction, le dialogue, toutes les ressources du corps et de l’esprit sont mobilisées, « car nous pensons avec notre corps, nous sommes un corps qui pense en agissant et non un pur esprit déconnecté des turbulences sensitives et sentimentales ».
Avec l’aide de nombreux ouvrages et sites, utilement répertoriés à la fin du volume portant sur l’apprentissage en général et sur des approches originales de la philosophie, se référant à plusieurs reprises aux livres de Roger-Pol Droit exposant diverses « expériences philosophiques », et, dans une perspective proche de l’association des professeurs de philosophie Acireph, le livre parvient me semble-t-il à enrichir la réflexion du lecteur enseignant sur sa propre pratique, et même à lui suggérer pour l’année à venir quelques propositions à mettre en œuvre afin par exemple de favoriser le travail collectif, ou d’attirer l’attention des plus réticents, ou bien encore de contourner le copier/collé des corrigés que l’on trouve sur l’internet.
Pas de miracles pourtant. Le livre commence par l’aveu des difficultés à mobiliser et à retenir tout au long de l’année les efforts et l’attention d’une classe, et s’achève sur une note plus mélancolique, au contact d’un groupe d’élèves en voyage scolaire à Venise peu enclins à une autre réflexion/attention qu’à celle de leurs visages aux sourires stéréotypés sur d’innombrables selfies. Raison de plus, écrit l’auteure , pour travailler à les faire revenir à « ce qui importe » et à les interroger sur les raisons de cette difficulté qu’a l’être humain à « rester seul dedans sa chambre ».
Jean-Baptiste Chaumié