oeil de minerve ISSN 2267-9243

Dans le contexte actuel qui, suite aux attentats de janvier et novembre 2015, attise les débats et hérite depuis le début des années 2000 de tentatives de récupération voire de falsification du concept de laïcité, il est nécessaire d'en revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire à l'esprit qui a guidé l'élaboration de la loi de 1905 dans le prolongement des acquis de la révolution française et de l'école républicaine de Jules Ferry.

Précédé d'une Préface en forme de déclaration d'amour à Marianne, ce dictionnaire comprend 242 entrées. En voici quelques exemples. Certaines sont conceptuelles (à commencer par la notion de Laïcité elle-même et ses harmoniques principales : Droit laïque, École laïque, Égaliberté, Émancipation, Liberté de conscience, Neutralité, République, Universel, complétées par les termes de Laïcité de combat, d'Autonomie, de Civisme, etc...) ; d'autres renvoient à des philosophes (Augustin, Averroès, Kant, Lucrèce et Épicure, Marx, Voltaire...), des scientifiques (G. Bruno, Galilée, Michel Servet...), des écrivains (dont Victor Hugo sans doute l'auteur le plus cité et évoqué dans l'ensemble des articles de ce dictionnaire), des politiques (Atatürk, F. Buisson, Jaurès,  J. Macé, Jean Zay...), des hommes de religion (Bossuet, Jean Hus, Lammenais...), des avocats (Chokri Belaïd) ou même des personnages mythologiques (Antigone). Alors que  certains de ces hommes ou femmes sont impliqués à titre de théoriciens voire de promoteurs actifs de la laïcité, d'autres sont les victimes des pouvoirs politiques ou religieux : ils rejoignent alors les Jean Callas, Chevalier de La Barre, Etienne Dolet ...

Des entrées sont consacrées à des faits historiques mémorables (Affaire Dreyfus, Inquisition, Commune de Paris, Controverse de Valladolid, Édit de Nantes, Les Lumières, Renaissance, Saint Barthélémy...) et des lois qui ont marqué l'histoire : Loi de 1905 bien sûr mais aussi Loi Debré, Loi Goblet, Loi de séparation de l'école et de l'Église.

Les entrées en matière religieuse complètent bien sûr l'ensemble : Ancien testament, Nouveau testament, Coran, Islam, Djihad, Agnosticisme, Athéisme....

Certaines se focalisent sur les violences qui menacent les hommes pour des raisons politiques et religieuses ou les tentatives de justification idéologique de ces pratiques condamnées par  la pensée laïque   : Antisémitisme, Islamophobie, Ethnocentrisme, Fanatisme, Massacres religieux, Pureté du sang....

Les questions strictement contemporaines  qui ont provoqué récemment ou suscitent encore de vives controverses sont également abordées à travers des articles comme Argent public/école publique, Avortement, Blasphème, Communautarisme, Euthanasie, Excision, Intelligent Design, Multiculturalisme, Voile....

Enfin, la laïcité n'étant pas une exclusivité française, certains articles examinent la manière dont certains pays la conçoivent et la mettent en oeuvre : Allemagne, Canada (et Québec), Europe....

Deux livres ont leur entrée : La Cité de Dieu de Saint Augustin et Notre-Dame de Paris de Victor Hugo.

L'ouvrage est accompagné de suggestions bibliographiques précieuses distinguant les classiques des contemporains et d'un index par noms propres.

Les adversaires de la laïcité la disent intraduisible ou indéfinissable ou bien encore contradictoire en ses multiples définitions. On l'adjective (on parlera de laïcité ouverte, inclusive, plurielle, dure, molle, douce, tolérante, intolérante, etc...), on la falsifie et on la dénature. Pourtant, au-delà des préjugés et des amalgames, la notion est claire. Le substantif, postérieur à l'adjectif, date de 1877. Introduit par Ferdinand Buisson dans son Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire le terme désigne « l'aboutissement idéal d'un processus de laïcisation qui affranchit l'État de l'Église et l'Église de l'État, après avoir affranchi l'école de l'Église ». La laïcité est un principe de droit politique qui suppose un idéal universaliste d'organisation de la cité et le dispositif juridique de la séparation de l'État et des Églises qui garantit l'aconfessionnalité des institutions publiques. Elle proscrit aussi bien les régimes concordataires que l'athéisme d'État. Elle constitue « un idéal d'émancipation  » pour toutes et tous car elle est « fondamentalement l'égaliberté » que l'école publique en faisant le pari de l'intelligence doit promouvoir. Elle est la condition de possibilité d'un champ d'exercice de la citoyenneté, c'est-à-dire d'un « espace civique commun à tous, par delà les différences  », condition également «  d'une coexistence des divers croyants et des athées sur la base de la stricte égalité des droits. » Bien sûr, la laïcité ne permet pas de régler tous les problèmes notamment ceux qui touchent aux inégalités socio-économiques. Tant que l'injustice sociale régnera, l'idée de laïcité et l'unité harmonieuse du peuple indivisible (le laos) qu'elle promet, les exigences de liberté de conscience, d'égalité des droits et de primat de l'intérêt général qui font sa force pourront certes paraître purement fictionnelles et suspectes. La laïcité n'a pourtant pas à être accusée de cette injustice sociale : des efforts d'un autre type mais complémentaires sont ici requis pour lutter contre la déshérence consécutive à la mondialisation ultralibérale qui détruit les droits sociaux et redonne aux religions l'occasion de revendiquer une utilité sociale et un statut de droit public.

On ne saurait trop conseiller ce dictionnaire à tous ceux que la question de la laïcité préoccupe et en particulier aux jeunes lycéens qui manquent de repères à la fois historiques, juridiques et conceptuels.

Pascal Chantier