LE SAVETIER ET LE FINANCIER
Personnages
-Le savetier
-le financier
Scène 1
Une grande salle avec une table et une chaise. Un homme entre, il s’assoit et se met à compter des billets. Un autre homme entre avec une chaise et deux paires de chaussures, il pose la chaise, s’assoit, sort un chiffon et se met à nettoyer les chaussures tout en chantant très fort.
Le financier : Voilà que mon calvaire recommence
Et que cet imbécile comme d’habitude
Chante très fort et de façon très rude.
Par sa faute, mon travail devient très dense
Et mes courtes nuits sont beaucoup gênées
Par ce bruit atonal et détestable.
Il faudra que je fasse fuir ce benêt
Afin de passer des nuits agréables.
Le financier fait signe au savetier de venir. Ce dernier arrête son ouvrage et vient au bureau du financier.
Le financier : Cher ami, combien gagnez-vous par an ?
Le savetier : Ma foi, banquier, cela est dur à dire.
Je gagne mon pain, mon eau pour l’an
Et ce qu’il faut en n’ayant rien de pire.
Le financier : Je crains devoir être un peu plus précis.
Cher ami, combien gagnez-vous par jour ?
Le savetier : C’est que là aussi je suis indécis,
Ca dépend de la bourse et de ses cours.
Que je vende ou que je ne vende pas,
Il reste toujours une bourse de côté Pour me payer mon vin et mon repas
Puisque dans le quartier je suis côté
Et quand dans le besoin je me trouve être,
On m’aide toujours d’une pièce ou deux.
Et pour ne point finir dans le mal être,
Il me faut moi aussi prendre soin d’eux
Quand c’est leur besoin qui se fait sentir
Le financier : le coupant presque :
Je comprends où vous voulez en venir.
Sachez que j’ai moi aussi un cœur tendre
Et que j’ai décidé de vous aider
Aujourd’hui même, je vais vous couronner.
Voici cents écus que vous garderez
Pour vos besoins, s’il vous plaît, prenez-les.
Le financier donne les cent écus au savetier qui s’en repart à son œuvre. Changement de décor. Le savetier est assis sur un lit, il semple épuisé.
Le savetier : Six jours voilà que je ne dors plus,
Non plus de chants, plus de paroles en l’air,
Je ne travaille plus, ah, cruelle misère,
Et tout ça par la faute des cent écus.
Ils sont dans un coffre de mon grenier
Et la peur qu’ils me soient un jour volés
M’empêche de vivre et de sommeiller.
Les gens du quartier ne m’apprécient plus,
Ils me trouvent maintenant froid et distant.
Ce calvaire est trop lourd, je n’en peux plus.
A garder mon or, je perds trop de temps
Hier encore, j’ai déjeuné au soir
Et le lendemain, diné au matin.
Au moindre bruit, j’agrippe mon rasoir,
J’ai déjà tué le chat du voisin.
Il faut que je sorte de ce malheur,
J’ai une bonne idée, j’y vais tout à l’heure.
Changement de décor. Retour au bureau du financier.
Le financier : Le somme perdu m’est enfin revenu,
Je peux m’occuper de mes revenus
Sans qu’un badaud illettré et idiot
Ne vienne m’enfermer dans ses chants si faux.
Le savetier : entrant :
Mon très bon seigneur, je viens pour vous dire
Que vos cent écus sont mes biens les pires,
Je viens donc pour vous rendre vos sous,
Récupérer mon somme et mes chansons
Je ne veux plus qu’on médise sur mes sous
Et que l’on dise que je suis l’échanson
De ce banquier qui me fit mon malheur.
Je vous en prie, reprenez-les sur l’heure
Je ne chanterai plus à vos mauvaises heures
Reprenez donc, s’il vous plait, ces objets
Qui vous donnent austérité et malheur
Je veux récupérer joie et gaité,
Sommeil, appétit et ma bonne humeur,
Ce que vos sous auraient dû m’apporter,
Et tout ce qu’ils ont fait, c’est me les voler.
Bilal LACHAUX