La peinture de paysage
Par Sébastien Labrusse le 25 septembre 2021, 15h44 - Lien permanent
La peinture de paysage
De la Renaissance à Nicolas Poussin
Le paysage est un genre qui apparaît tardivement dans l’histoire de la peinture. On trouve certes des formes de paysage dès l’Antiquité, par exemple dans des fresques romaines :
Mais la majorité des historiens d’art considère que le paysage ne se constitue comme genre autonome qu’à partir de la Renaissance. A partir de ce moment, le paysage commence à exister pour lui-même. On peut distinguer entre deux types de paysages : Le paysage avec figures et le paysage sans figures. Dans le premier cas le paysage est le décor d’une scène soit religieuse, soit mythologique. Il peut aussi n’être que l’arrière-plan d’un portrait, comme c’est le cas de la très célèbre Joconde.
La peinture de paysage
Voir d'autres exemples :
Livia Drusilla (58 av JC-29 ap JC) est l'épouse de l'empereur Auguste (63 av JC-14 ap JC). Dans une grotte située sous la villa, le jardin idéal de l'Antiquité romaine a été peint sur tout le pourtour. Des arbres, des oiseaux, des buissons et des fleurs particulièrement réalistes parsèment une paroi ne possédant aucune ouverture sur l'extérieur.
On trouve aussi des paysages en Egypte ancienne, en Grèce.
Le paysage est un genre qui apparaît tardivement dans l’histoire de la peinture. On trouve certes des formes de paysage dès l’Antiquité, par exemple dans des fresques romaines :
Mais la majorité des historiens d’art considère que le paysage ne se constitue comme genre autonome qu’à partir de la Renaissance.
Ce petit morceau de terre toscane apparaît ici dans la douce lumière poudrée de l’école siennoise. Tout y est : un château à créneaux rythmé d’arbres et de potagers, des collines crayeuses et des promontoires rocheux. Le spectateur se trouve face à un monde de rêve où seule une barque au trait japonisant (mais bien sûr le peintre ne connaissait rien des paysages de la peinture japonaise) semble attendre un passager. Toutefois, dans ce tableau à la sérénité immuable, un changement s’impose : le volume et la perspective. Une dynamique encore discrète s’éveille dans la composition et laisse augurer de nouvelles audaces. Le glissement vers la peinture profane est annoncé. Le nom de cet endroit nous est inconnu. Une propriété sur la rive du lac Trasimène, aux confins de la République de Sienne ? Probablement. On a presque l’impression d’entendre le clapotis du lac. Cette nature maîtrisée par l’homme, sereine et généreuse, nous semble ici bien fragile. Cette paix cristalline et pastel posée sur un simple panneau de bois (que les historiens de l’art ont longtemps cru détaché d’un ensemble plus vaste) est l’un des tout premiers paysages représentés en tant que tel dans la peinture occidentale. Un concentré de poésie, un instantané de charme disparu dans les replis du temps mais qui témoigne encore, avec nostalgie, du jardin secret et éternel présent au plus profond de nous. Extrait de : La campagne enchantée : https://coupdoeilsite.wordpress.com/2017/08/17/chateau-au-bord-dun-lac
A partir de ce moment, le paysage commence à exister pour lui-même. On peut distinguer entre deux types de paysages : Le paysage avec figures et le paysage sans figures. Dans le premier cas le paysage est le décor d’une scène soit religieuse, soit mythologique.
Il peut aussi n’être que l’arrière-plan d’un portrait, comme c’est le cas de la très célèbre Joconde.
Pendant longtemps, la plupart des paysages sont avec figures, comme c’est le cas des paysages de Nicolas Poussin. Le plus souvent, le paysage est imaginaire, recomposé à l’atelier, à partir de dessins réalisés sur le motif. On parle alors d’un paysage idéalisé. Les éléments du paysage sont réels (le peintre va dans la campagne dessiner des arbres et des rochers, le ciel et les nuages) mais il les recompose quand il peint son tableau dans son atelier. Le plus souvent, le paysage est imaginaire, recomposé à l’atelier, à partir de dessins réalisés sur le motif. On parle alors d’un paysage idéalisé. Les éléments du paysage sont réels (le peintre va dans la campagne dessiner des arbres et des rochers, le ciel et les nuages) mais il les recompose quand il peint son tableau dans son atelier.
Cette toile a été peinte, selon Félibien, pour le duc de Richelieu (neveu du cardinal) entre 1660 et 1664. Appelée également Le Paradis terrestre ou Adam et Ève dans le Paradis terrestre, elle fait partie des Quatre Saisons, un testament religieux et artistique de Poussin prétexte à méditation sur les grandes étapes de la vie humaine. Le thème est ici la fécondité de la Nature ; on y voit Ève désigner la pomme à Adam.
Le thème du tableau n’est pas seulement la scène biblique tirée de la Genèse et du moment de la Tentation, quand, séduite par le serpent, Eve goûtera du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal et le fera goûter à Adam. Après quoi, le premier homme et la première femme prendront conscience qu’ils sont nus et seront chassés du Paradis. L’homme devra labourer la terre à la sueur de son front et Eve enfanter dans la douleur. En effet à la différence d’autres tableaux traitant le même thème, l’homme et la femme disparaissent dans le paysage. Il ne s’agit d’ailleurs pas vraiment d’un jardin, mais c’est un vaste paysage, une clairière dans une forêt, avec une rivière, une montagne à l’horizon, Dieu sur son nuage. Poussin s’attache davantage au traitement des feuillages, du ciel, des nuages, de la lumière (qui a une signification symbolique) qu’au traitement de la figure humaine. Il s’agit donc bien d’un paysage, certes avec figures, mais aussi peint pour lui-même. Du reste, nous savons que Poussin allait dessiner d’après nature dans la campagne romaine.
L’Été ou Ruth et Booz figure la scène du chapitre 2 du Livre de Ruth de la Bible où Ruth implore Booz de la laisser glaner des épis de blé après le passage des moissonneurs.
L’Été représente une scène se tenant à midi : le déjeuner est en cours de préparation. De nombreux paysans travaillent dans le champ sans doute pour le propriétaire qui se situe au premier plan au centre. A remarquer l’impression de chaleur produite par le jaune des blés, la montagne en forme de volcan à l’horizon, les grands nuages dans le ciel bleu qui annoncent peut-être un orage, mais aussi l’ombre du grand arbre sur la gauche. Nous sommes évidemment en été : on moissonne les blés. On a également une impression de richesse, d’abondance qui contraste avec l’attitude de Ruth qui implore le droit de glaner après la récolte.
L'histoire de Ruth
Le soleil brille, implacable, les champs jaunissent, la terre est dure et fendue ; cela fait longtemps qu'aucune goutte de pluie n'est tombée. Une caravane lourdement chargée s'éloigne de Bethléem : c'est Elimélech, un des riches habitants de la ville, qui quitte le pays, accompagné de sa femme Noémie et de ses deux fils, en direction de Moab, sur l'autre rive du Jourdain. Elimélech meurt, ses fils épousent des filles du pays, appelées Orpa et Ruth. Dix ans plus tard les deux fils meurent aussi, et Noémie reste seule, sans mari et sans enfants. Apprenant que la famine est terminée à Bethléem, elle décide de retourner chez elle. L'heure du départ est venue, Noémie veut se séparer de ses brus : "restez chez vous et que Dieu vous bénisse". Orpa et Ruth refusent de la quitter : "Nous retournerons avec toi, chez ton peuple". Noémie essaie de les en dissuader : "attendez-vous de moi des fils pour vous marier ? Soyez raisonnables et restez chez vous". Elles se trouvent toutes trois au bord du chemin et pleurent. Mais Orpa prend la décision de rester. Quant à Ruth, elle choisit de continuer la route avec sa belle-mère : "N'insiste pas près de moi pour que je te quitte et m'éloigne de toi ; car partout où tu iras, j'irai ; où tu demeureras, je veux demander ; ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu" lui dit-elle. Les deux femmes cheminent en silence sur la voie du retour. Lorsqu'elles arrivent à Bethléem, tous sont frappés de stupeur : est-ce vraiment Noémie, cette femme, Noémie qu'autrefois tout le monde enviait ?
L'été est arrivé et la moisson est bonne, mais il n'y a rien à manger dans la maison de Noémie. Aussi elle envoie Ruth récolter les gerbes de blé laissées intentionnellement pour les pauvres. Par hasard, celle-ci va glaner dans le champ de Boaz, un parent de Noémie, qui est l'homme le plus influent de la ville. Quand celui-ci apprend de qui elle est la bru, il lui permet de récolter du blé pour subvenir à ses besoins. Ruth rentre chez elle et raconte l'incident à sa belle-mère qui décide que le temps est venu pour la jeune femme de se marier. Elle lui dit d'aller se coucher aux pieds de Boaz quand il dormira dans sa grange. Ainsi fait-elle, et vers minuit, l'homme se réveille et trouve Ruth à ses pieds. Celle-ci lui explique qu'il doit racheter les terres qui appartenaient à Elimélech, et aussi la prendre pour femme (selon la coutume). Boaz accepte et Ruth se faufile aux aurores pour rapporter la nouvelle à Noemie qui attend impatiemment. Le matin venu, Boaz propose à un parent plus proche de Noémie de racheter les terres d'Elimélech ; celui-ci accepte, mais quand il apprend qu'il doit aussi épouser Ruth, il refuse et cède ses droits à Boaz qui, devant les habitants de la ville, rachète les champs et l'épouse lui-même. Celle-ci donne naissance à Obed, qui sera le grand-père du roi David.
Automne, figure une scène du chapitre 13 du Livre des Nombres, où les hommes envoyés par Moïse pour explorer le pays de Canaan emportent une grappe de raisin au moyen d’une perche. L’Automne représente une scène se tenant en fin d’après-midi, comme en témoignent les ombres portées. Le raisin est bien sûr le fruit qui symbolise l’automne. Ici la grappe énorme fait référence à la scène biblique dont voici le récit tiré du Livre des Nombres, Chapitre 13 : Yahweh parla à Moïse, en disant: 2«Envoie des hommes pour explorer le pays de Chanaan, que je donne aux enfants d'Israël. Vous enverrez un homme par chacune des tribus patriarcales ; que tous soient des princes parmi eux.» 3 Moïse les envoya du désert de Pharan, selon l'ordre de Yahweh; tous ces hommes étaient des chefs des enfants d'Israël. […] 17 Moïse les envoya pour explorer le pays de Chanaan; il leur dit: «Montez là par le Négeb ; et vous monterez sur la montagne. 18 Vous examinerez le pays, ce qu'il est, et le peuple qui l'habite, s'il est fort ou faible, peu nombreux ou considérable; 19 ce qu'est le pays où il habite, s'il est bon ou mauvais; ce que sont les villes où il habite, si elles sont ouvertes ou fortifiées; 20 ce qu'est le sol, s'il est gras ou maigre, s'il y a des arbres ou non. Ayez bon courage, et prenez des fruits du pays.» C'était le temps des premiers raisins. 21 Ils montèrent et explorèrent le pays, depuis le désert de Sin jusqu'à Rohob, sur le chemin d'Emath. 22 Ils montèrent dans le Négeb et allèrent jusqu'à Hébron, où étaient Achiman, Sisaï et Tholmaï, enfants d'Enac. Hébron avait été bâtie sept ans avant Tanis d'Egypte. 23 Arrivés à la vallée d'Escol, ils coupèrent une branche de vigne avec sa grappe de raisin, et ils la portèrent à deux au moyen d'une perche; ils prirent aussi des grenades et des figues. 24 On donna à ce lieu le nom de vallée d'Escol, à cause de la grappe que les enfants d'Israël y coupèrent.
L’Hiver, dernier tableau des Quatre Saisons peintes par Poussin à la fin de sa vie. Pressentiment d’une mort prochaine ? Le thème du déluge choisi par l’artiste lui permet en tous cas d’exploiter toute la symbolique de cette saison : la scène est lugubre, avec un soleil voilé et une tonalité d’ensemble gris sombre, l’utilisation de grandes diagonales et verticales et la présence d’un nombre restreint de personnages ajoutent encore à l’intensité dramatique. Il demeure néanmoins une lueur d’espoir avec l’arche : dans l’ordre des choses l’homme est inexorablement emporté, mais le monde continue et le cycle recommence.
Rousseau disait du tableau de Poussin : « C’est le seul tableau qui m’a frappé… La première fois que je le vis au Luxembourg [le Louvre n’était pas encore un musée] l’impression qu’il m’avait faite me fit remonter l’escalier pour le voir encore, je ne pouvais ôter mes yeux de dessus cette mère qui ne pense qu’à sauver son enfant et l’élève sur un rocher avant qu’ils périssent tous les deux. Si j’avais le tableau je mourrais de tristesse à force de le regarder, tout vous y attache, jusqu’à une grande couleuvre que le peintre représente se sauvant au haut d’un roc, pour montrer l’effroi général de tous les animaux dans cette catastrophe. » Correspondance Complète, t. VI, lettre N° 906, p. 224. Rousseau ne voit donc pas le paysage, mais la détresse. C’est le drame humain qui retient son attention plus que le paysage lui-même.
Qu’est-ce qu’un paysage ?
- Vue d'ensemble, qu'offre la nature, d'une étendue de pays, d'une région. Synonyme : panorama, point de vue, site. Paysage admirable, grandiose ; paysage champêtre, de montagne. « J'ai recherché avec une sensibilité exquise la vue des beaux paysages ; c'est pour cela uniquement que j'ai voyagé. Les paysages étaient comme un archet qui jouait sur mon âme (Stendhal, La Vie de Henry Brûlard).
- Vue d'ensemble d'un endroit quelconque (ville, quartier, etc.). Paysage urbain.
- Tableau dont le thème principal est la représentation d'un site généralement champêtre, et dans lequel les personnages ne sont qu'accessoires.
- Paysage historique. Tableau de paysage représentant non pas des sites copiés sur nature, mais des compositions agencées suivant le goût de l'artiste et parfois peuplées de monuments en ruines, de statues, de vases et décorés de figures représentants une scène tirée de la Fable ou de l'histoire.
- Paysage idéal ou composé. ,,Paysage créé par l'imagination d'un artiste, par opposition au paysage d'après nature.
Dans sa première définition, telle que la donne le dictionnaire Le Robert, un paysage est la « partie d'un pays que la nature présente à l'œil qui le regarde ». Beau ou laid, un paysage est le cadre de notre existence quotidienne. À ce titre, il peut être l'objet d'une vision artistique (et le terme a pris en peinture un sens spécifique venant à désigner un tableau « où la nature tient le premier rôle et où les figures d'hommes ou d'animaux ne sont que des accessoires ») décrite par le poète ou représentée par le peintre.
L’étymologie du mot paysage justifie qu’on rapproche le paysage de la représentation de réalités naturelles : les mots « paysage » et « pays » dérivent du latin médiéval pagensis, qui désigne l’habitant du pagus, c’est-à-dire le territoire, le canton. Or, pagus donne le nom paganus, le paysan, l’homme rustique. Ce mot servira à formera le mot païen. Les mots pays, paysage, paysan, païen sont liés. Le paysage urbain existe mais par analogie.
De plus, le paysage désigne le plus souvent la vue sur une campagne cultivée plus que sur une nature sauvage.
Le paysage de haute montagne ou le paysage marin est plus tardif.
Tout simplement, il y a des paysages qu’on ne voit parce qu’on n’est pas encore sensible à la beauté de certains paysages. C’est le cas du paysage de montagne.
Avant Rousseau, la montagne n’était pas un paysage, mais n’était qu’un pays, sur lequel on ne portait que des jugements négatifs. Montesquieu ainsi qualifie les Alpes, lorsqu’il les traverse « de mauvais pays ». Cf. Voyage de Gratz à La Haye, (1725-1728) : « Tout ce que j’ai vu du Tyrol, depuis Trente jusques à Insprück, [sic] m’a paru un très mauvais pays. Nous avons toujours été entre deux montagnes […]. Je regarde le Tyrol comme les Alpes mêmes qui séparent l’Allemagne de l’Italie. Généralement, ce que j’en ai vu est mauvais. Ce sont des montagnes, la plupart du temps couvertes de neige et la plupart du temps très stériles. » Pour qu’un pays soit perçu comme un paysage, il est nécessaire qu’on porte sur lui un regard esthétique, donnant lieu à une représentation ou une figuration. Or, on ne peut éprouver de plaisir esthétique face à un lieu dont on souffre ou dont on perçoit les dangers. Comme le dit Kant dans la Critique de la Faculté de Juger : « ce que, préparés par la culture, nous nommons sublime ne paraîtra qu’effrayant à l’homme inculte […] Aussi bien le bon paysan savoyard, […] qui était d’ailleurs plein de bon sens, traitait sans scrupule de fous les amateurs de glaciers. » (Analytique du sublime, § 29, trad. A. Philonenko, Paris, Vrin, 1974, p. 102-103) Montesquieu, de même que le paysan, ne voit pas le paysage, car il ne considère que le pays : les montagnes ne lui procurent aucun plaisir esthétique, car elles sont « stériles ». Le paysage n’est donc pas une réalité naturelle, objective, puisqu’il n’existe qu’en fonction d’un regard. Il a une histoire.
L’un des premiers et plus grands représentants du paysage de haute montagne sera à l’époque romantique le peintre Caspar David Friedrich