Charlotte PERRIAND, Jean PROUVÉ et la galerie Steph Simon - Cours
Par F. Huard le 04 octobre 2021, 15h58 - Charlotte PERRIAND : une artiste en son temps - Lien permanent
Introduction
- Perriand raconte, émission 3
Quelles sont les caractéristiques de Prouvé selon Perriand ?
- Les premières collaborations avec les Ateliers Jean Prouvé (voir lien blog)
- Bâtiments préfabriqués pour l’usine SCAL à Issoire, 1939
- Baraquements militaires préfabriqués, 1939-1940
Ces deux projets visent l’industrialisation des éléments d’architecture.
- Les réalisations de Jean Prouvé au lendemain de la guerre (voir lien blog)
- Maison de Jean Prouvé et le bureau des Ateliers de Maxéville (1946-1948) - Vidéo
- Les meubles de Jean Prouvé vers 1949
- Les maisons préfabriquées de Jean Prouvé à Meudon (1950-1952)
I. La collaboration Charlotte Perriand avec les Ateliers Jean Prouvé
Au début des années 50 C. Perriand veut produire ses meubles en série pour une diffusion au plus grand nombre grâce à la baisse des coûts et donc des prix que permet la production en usine.
La collaboration entre Perriand et Prouvé débute en 1952, Steph Simon participe à cette collaboration en tant que commercial des Ateliers Jean Prouvé. Malgré la complicité et la complémentarité Perriand-Prouvé, la collaboration s’avère difficile à cause des contraintes de l’entreprise, des contrats d’édition, des questions de rémunération et des problèmes que rencontre Prouvé avec les actionnaires de l’entreprise.
Néanmoins « de 1952 à 1954 Charlotte Perriand étudie l’architecture d’intérieur, conçoit les équipements et le mobilier d’une vingtaine de projets différents fabriqués ou sous-traités par les Ateliers, pour lesquels elle réalise plus de 600 dessins, dont 120 plans répertoriés en 1952 » (p. 341). Les dessins sont assurés par Martha Villiger, détachée des Ateliers auprès de Charlotte Perriand.
De cette collaboration entre Prouvé et Perriand naissent deux objets cultes du design : la bibliothèque de la Maison de la Tunisie et celle de la Maison du Mexique à la Cité Universitaire de Paris créées en 1952.
II. L’édition Steph Simon (1956-1975)
Steph Simon, qui travaille avec Prouvé depuis plusieurs années en tant que commercial, souhaite ouvrir une galerie pour vendre des meubles de style moderne auquel il croit et qu’il souhaite développer. Il obtient la participation de Prouvé et demande la collaboration de charlotte Perriand. Echaudée par sa précédente relation commerciale avec S. Simon, Perriand hésite puis finit par accepter. Ainsi « avec le projet de Steph Simon, Perriand et Prouvé disposent chacun dans leur domaine, équipement mobilier et bâtiment, d’une structure commerciale adaptée à leurs besoins ».
La galerie ouvre au 145, boulevard Saint-Germain à Paris en 1956, Prouvé et Perriand sont les deux têtes d’affiche de la galerie dans laquelle sont également vendus des luminaires de Serge Mouille et des lampes en papier d’Isamu Noguchi.
Perriand confie à Simon l’édition d’une vingtaine de modèles dessinés depuis le début des années 1950, dont la plupart avaient été présentés au Japon un an auparavant lors de l’exposition « Proposition d’une synthèse des Arts » à Tokyo. Elle lui donne également l’exclusivité de ses futurs modèles.
Perriand souhaite vendre des meubles en grande quantité pour amortir les coûts de conception et de réalisation faute de quoi ses meubles ne pouvaient être réservés qu’à une clientèle aisée. Les marchés publics – notamment pour les bâtiments scolaires et universitaires – sont des aubaines mais le choix des institutions ne se portent pas souvent sur l’association Simon-Prouvé-Perriand et C. Perriand n’apprécie pas toujours les programmes qui visent en permanence l’économie au détriment de la qualité des réalisations.
La galerie vend par exemple la bibliothèque à plots (inspirée des bibliothèques Nuage, Tunisie et Mexique) et le catalogue la présente avec toute sa quincaillerie permettant à l’acheteur de composer sa bibliothèque selon ses besoins : le slogan est « Faites le vous-même » ou « Composez-le vous-même ».
Mais la galerie Steph Simon n’est pas calibrée pour proposer des meubles économiques produits en masse et le mobilier de Perriand restera acheté par une certaine élite attirée par le style moderne.
Les meubles de C. Perriand ne sont plus exclusivement fabriqués par les Ateliers de Maxéville dont Prouvé a perdu la direction ; André Chetaille, charpentier et menuisier, fournit par exemple les plateaux en bois massif de grosse épaisseur.
Les difficultés financières arrivent très vite (1956) et les relations sont tendues entre Steph Simon d’un côté et Prouvé-Perriand de l’autre. Finalement la galerie en permanence au bord du dépôt de bilan ferme définitivement en 1975.
« Même si la galerie Steph Simon n’a jamais incarné son rêve d’édition en grande série, ce ne fut pas pour autant un échec, loin de là. Pour toute une génération d’architectes, de designers et d’amateurs des années 60, elle a été un phare, un lieu de rencontre, tant artistique que mondain, qui a inspiré et attiré de nombreux créateurs, où se côtoyaient les célébrités du monde des arts et du spectacle, des intellectuels, toute la fine fleur de Saint-Germain-des-Prés, dans une ambiance de fête et de bonne humeur. (…) Steph Simon a contribué à diffuser une vision contemporaine encore balbutiante en France. Malgré des conflits et des conditions économiques souvent déplorables, Charlotte Perriand a pu créer sans discontinuer au cours des années 50, grâce à lui et à Jean Prouvé, un mobilier d’un exceptionnel intérêt, accordant à Steph Simon le mérite d’avoir servi de locomotive et de l’avoir libérée des servitudes au profit de son œuvre. L’intitulé « création, sélection : Charlotte Perriand, Jean Prouvé » inscrit pendant plus de dix ans sur la vitrine de la galerie, comme s’il s’agissait de leur boutique, fixera pour longtemps la fusion des deux noms » (p. 429)
Toutes les citations sont extraites de Jacques BARSAC, Charlotte Perriand, Un art d’habiter, éditions Norma, Paris, 2011.