Pouvez-vous définir précisément votre métier ?
Ce métier est de concevoir des produits en terre cuite à destination utilitaire ou décorative, l’argile employée est pour moi toujours en grès pour des raisons de rationalisation(1). Mon principal outil est le tour mais il m’arrive également de modeler ou de travailler à la plaque. C’est un métier artisanal qui s’attache plutôt à donner aux objets un usage même si, dans ses formes ou son esthétique, il laisse une part importante à l’imagination ou à la création. La production de pièces uniques est pour moi plutôt la règle mais c’est une exception car ce métier est essentiellement une production de pièces en série, souvent industrielle. Le process de production est en résumé : les achats des matières et matériels, la conception des pièces (analyse des besoins, dessin), la création (tournage par exemple), le séchage (forcé ou non), la première cuisson (biscuit), l’émaillage c'est-à-dire l’application de l’émail, la cuisson de l’émail, la distribution (vente) et puis le nettoyage et le recyclage des terres. L’autre aspect du métier tel que je le pratique est aussi la transmission du savoir faire c'est-à-dire la formation, en cours régulier ou en stage. Par ce que les produits en terre cuite sont pratiquement indestructibles, la céramique est le témoin de l’histoire de l’humanité en particulier depuis qu’elle s’est sédentarisée et ce sur tous les continents, il y plus de 10 000 ans, ce métier en fait l’un des plus vieux métiers du monde. L’usage de la terre, de l’eau, de l’air et du feu nous font travailler les éléments essentiels.
Quelles
sont les études ou la formation requises pour y parvenir ?
Il n’y a pas d’études ou de formation absolument nécessaires, un bon potier peut très bien tourner sans diplôme mais, pour une bonne connaissance des différentes techniques, de la chimie particulière et une bonne acquisition d’une culture en matière de céramique, la formation basique est le CAP Tournage en Céramique. D’autres formations peuvent venir compléter ce diplôme, ce peut être des formations particulières concernant les arts céramiques ou autres.
Combien
de temps y consacrez-vous ?
Dans la mesure où l’essentiel de mon temps est consacré à la tenue de chambres d’hôtes, le temps que j’y passe n’est pas représentatif de la profession. Par contre l’exercice de cette profession peut être très consommateur de temps, la totalité du process de production doit être en continu du fait de la nature même de l’argile, ponctué par l’émaillage, les cuissons et le recyclage de l’argile.Cela peut représenter, dans certains cas, des journées de travail plus de 10 heures quand il s’agit de répondre à une commande urgente.
Quelles
sont les principales contraintes selon vous ?
Les contraintes de temps, le séchage et surtout la cuisson des pièces est incompressible.
Les contraintes physiques, la nature même de l’argile amène à se conformer à certaines températures selon les émaux utilisés ou aux retraits de l’argile quand celle-ci sèche ou cuit.
Les contraintes chimiques, les émaux ont des formules chimiques précises qui doivent respecter des équilibres donnés.
Quels
sont les plaisirs ?
La satisfaction d’obtenir après cuisson la pièce aux proportions parfaites, équilibrées et légères et qui satisfasse le client pour l’aspect production ; et le bonheur des élèves à avoir pu réaliser quelque chose alors qu’ils s’en pensaient incapables a priori, pour l’aspect formation.
Plus largement, de participer à rendre le monde plus beau et pratique
Quels
sont les principaux métiers associés à votre profession ?
Seuls les métiers visant à fournir les matériels et matières, c’est un travail très indépendant, il faut savoir et vouloir travailler seul. On peut être bon potier et mauvais décorateur, dans ce cas une association avec un designer en amont et un décorateur pour l’émail peut s’avérer un bon compromis, il y 2500 ans les Grecs travaillaient déjà de cette façon.
Pouvez-vous
raconter un bon souvenir ?
Les bons souvenirs sont souvent associés aux rencontres que l’on fait, le meilleur souvenir est celui de ma rencontre avec cet art, une potière corrézienne m’a expliqué avec passion et beaucoup de patience son métier…
Un
mauvais souvenir ?
Parmi les pires souvenirs, ce sont surtout des extrêmes déceptions de constater des pièces endommagées lors du défournement parce que j’ai voulu aller trop vite (me passer de certaines contraintes) ou que je n’ai pas voulu écouter des recommandations…
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui voudrait faire ce métier ?
Faire partie d’un club afin d’approcher la matière et prendre connaissance des plaisirs de la création céramique par soi même, aller voir les potiers et leur poser des questions sur leur métier, visiter les grands musées qui exposent la céramique (Sèvres, Rouen mais aussi le Louvre ou le musée du quai Branly) et même la plupart des petits musées car la céramique est depuis presque toujours associée à la vie des civilisations et ce à tous les niveaux de celles-ci.
Vous trouverez plus d'informations sur le site web professionnel :
http://havredebennecourt.jimdo.com/
https://fr-fr.facebook.com/havre.debennecourt
Je remercie très chaleureusement Monsieur FOUCHER d'avoir délaissé le four à céramique pour nous éclairer.
N. THIMON
NOTES :
1 : Les différentes terres (faïence, grès et porcelaine, pour les
principales) cuisent à différentes températures aussi il est important
de ne pas les mélanger afin de ne pas risquer des incidents lors de la
cuisson. Vous pouvez également consulter sur ce blog l'article Les émaux de Longwy.