Lorsque le Général Bonaparte accomplit sa campagne d’Égypte (1), c'est l'occasion pour l'Europe de découvrir les pyramides, le sphinx, des œuvres monumentales qui à ce jour n'ont pas encore révélé tous leurs mystères. Le dessinateur et architecte Charles BALZAC (1752-1820), présent sur les lieux, a pu en tirer cette aquarelle  : Les pyramides de Memphis, le Sphinx, au soleil couchant. Son analyse détaillée est disponible sur le site de l'Histoire par l'image.

Plus tard, d'autres artistes ont pu exprimer leur fascination pour les sables du désert. Comme par exemple le poète Charles Marie LECONTE DE LISLE (1818-1894) dans "Le désert" .


Quand le Bédouin qui va de l'Horeb en Syrie
Lie au tronc du dattier sa cavale amaigrie,
Et, sous l'ombre poudreuse où sèche le fruit mort,
Dans son rude manteau s'enveloppe et s'endort,
Revoit-il, faisant trêve aux ardentes fatigues,
La lointaine oasis où rougissent les figues,
Et l'étroite vallée où campe sa tribu,
Et la source courante où ses lèvres ont bu,
Et les brebis bêlant, et les bœufs à leurs crèches,
Et les femmes causant près des citernes fraîches,
Ou, sur le sable, en rond, les chameliers assis,
Aux lueurs de la lune écoutant les récits ?
Non, par delà le cours des heures éphémères,
Son âme est en voyage au pays des chimères.
Il rêve qu'Al-Borak, le cheval glorieux,
L'emporte en hennissant dans la hauteur des cieux ;
Il tressaille, et croit voir, par les nuits enflammées,
Les filles de Djennet à ses côtés pâmées.
De leurs cheveux plus noirs que la nuit de l'enfer
Monte un âcre parfum qui lui brûle la chair ;
Il crie, il veut saisir, presser sur sa poitrine,
Entre ses bras tendus, sa vision divine.
Mais sur la dune au loin le chacal a hurlé,
Sa cavale piétine, et son rêve est troublé ;
Plus de Djennet, partout la flamme et le silence,
Et le grand ciel cuivré sur l'étendue immense !

Cette langue très recherchée donne un aspect parfois difficile d'accès mais aussi très précieux. Le Bédouin, le dattier, l'ombre poudreuse, l'oasis, le sable, la dune, le chacal dont parle le poète sont autant d'images qui rappellent cette terre sèche, dépaysante et sauvage. On retrouve cette atmosphère dans le tableau de Jean-Léon GÉRÔME (1824-1904), Un Arabe et son cheval ou Dans le désert (1872) :



Ce qui se déploie devant nous, ce sont les grands espaces baignés de soleil, les couleurs claires, mais aussi la mort, au premier plan. On devine que le cheval deviendra bientôt poussière pour se mêler au sable du désert.


Dino BUZZATI (1906-1972) l'écrivain italien a écrit un roman devenu un grand classique :  Le Désert des Tartares (1940 en Italie)  dans lequel un officier attend l'arrivée de l'ennemi, depuis le poste qu'il occupe dans un fort. La seule chose qui le sépare des assaillants, c'est ce désert qu'il a tout le loisir de scruter. Jean-Marie Gustave LE CLÉZIO (né en 1940, prix Nobel de Littérature en 2008) est également l'auteur d'un roman sur le sujet : Désert (1980). Il raconte deux histoires parallèles mettant en scène des personnages en lien avec le désert. D'une part, le jeune Nour, au début du XXe siècle, qui fait partie des Nomades du Sahara ;  d'autre part,  Lalla, une Marocaine en fuite attirée par le désert.

Désert de J.M.G. LE CLEZIO, histoire de Nour

Désert de J.M.G. LE CLEZIO, histoire de Lalla

La musique s'est également essayée à représenter ces lieux.

Félicien DAVID (1810-1876), après avoir voyagé en Égypte donne une voix au désert avec Le désert, ode symphonie (1844).

Cette imposante œuvre romantique mêle un récitant (une personne qui récite le texte, ici un poème d'Auguste COLIN) les cordes, les cuivres, les chœurs d'hommes pour rendre compte de la sensation de plénitude et la grandeur du désert. C'est, selon le très réputé compositeur Hector BERLIOZ (1803-1869), "la première œuvre exotique" en France. Pour mieux la comprendre écoutez le commentaire vidéo des spécialistes de la Cité de la Musique.

Au cinéma, plusieurs films ont fait du désert leur cadre principal. L'un des plus fameux est Lawrence d'Arabie (1963) de David LEAN (1908-1991) qui raconte l'histoire vraie de l'officier britannique T. E. LAWRENCE(2) qui épouse la cause des Arabes qu'il était initialement chargé de combattre. C'est lui qui va mener la bataille en leur nom. Le héros est confronté à tous les élément attendus : la chaleur torride, la solitude, la sécheresse, les sables mouvants, les tempêtes du désert. Les plans magnifiques rendent toute leur beauté à ces lieux fascinants, vous pourrez par exemple voir un écran comme coupé en deux avec le bleu du ciel et le blanc du désert, assister à un superbe lever de soleil. Dans le domaine de la science-fiction, le film Dune de David LYNCH, d'après le roman homonyme de Frank HERBERT, met en scène des batailles épiques sur la planète des sables pour prendre le contrôle de la très précieuse "épice"  (voir SCIENCE ET FICTION 2/5 : Univers lointains, b. Vers l'infini...) ; vous apprendrez avec les Fremen, le peuple du désert, à vivre dans un milieu hostile et dénudé en vous protégeant dans les rochers et en sauvgardant l'eau.

En bande dessinée, on peut également citer l'exemple de Tintin au Pays de l'or noir, (1950) de HERGÉ (1907-1983). Le jeune reporter se rend dans un pays arabe dans lequel interviennent des combats, des complots, des attentats ou des enlèvements pour le contrôle du pétrole. La ligne claire du dessinateur, après l'avoir déjà opéré dans Les Cigares du Pharaon (1934), puis  Le Crabe aux pinces d'or (1941), vient de nouveau tracer les courbes des dunes du désert.

Enfin, des jeux vidéo ont su aussi magnifier ce cadre. D'abord, Prince of Persia, les Sables du Temps, développé par Ubisoft propose une nouvelle version du jeu publié en 1989 par Brøderbund. C'est également le cas avec Journey (2012, Sony Computer Entertainment). Dans ce jeu d'aventures, le personnage doit voyager dans des contrées désertiques. Le graphisme a été bien travaillé pour donner du réalisme aux paysages. La musique originale, composée par Austin WINTORY, offre volontiers des touches arabisantes qui vous transportent.

Les artistes arrivent donc, grâce à leur talent, à rendre plaisant le fait de parcourir une terre brûlante...




Laissez-vous illuminer par la suite dans DÉPEINDRE LES ÉLÉMENTS 3/4 : Tout feu tout flamme, a. le feu souterrain


Le mois prochain, retrouvez AUTOUR DU HOBBIT, Tolkien et les mythes d'hier à aujourd'hui...


En janvier, vous lirez AU MATIN DU MONDE, l'art du commencement...


NOTES  :
1 : La campagne d’Égypte désigne l'expédition militaire menée dans ce pays de 1798 à 1801 pour contrer les intérêts britanniques.

2 : T.E. Lawrence, officier britannique, combattit aux côtés des Arabes contre les troupes de l'empire Ottoman pendant la Première Guerre mondiale, dans l'intérêt des Anglais.



N. THIMON