Le roman historique

L'avènement du roman historique avec Ivanhoé de l'écrivain écossais Walter SCOTT (1871-1832, voir SOUS LE HEAUME DES CHEVALIERS 3/4 Chevaliers solitaires, b. L'héritage d'Ivanhoé) entraînera aussi ce regain d'intérêt pour l'Europe médiévale, une volonté de retrouver ses propres racines, de suivre l'exemple de ses propres héros. Ce n'est certes pas un repli sur soi mais bien une façon de revaloriser son patrimoine. Le style gothique, par exemple, est révélateur de ce goût pour une architecture des temps passés, plus particulièrement du Moyen Âge. Le roman gothique prendra place dans des cryptes, des châteaux et des endroits mystérieux chargés d'histoire. L'architecture adaptera ce style avec l'apparition du néogothique. L'une des représentations de ce style s'observe à l'Abbaye de Fonthill. Cette impressionnante demeure a été construite à la demande d'un riche homme d'affaires, William BECKFORD (1760-1844), par l'architecte James WYATT (1746-1813). On peut en contempler la démesure sur une peinture de William TURNER (1775-1851).

En France, sous l'impulsion du romantisme, les travaux de  restauration menés par Eugène VIOLLET-LE-DUC (1814-1879) se multiplient.  Cet architecte est  connu pour avoir rendu leur jeunesse à la cathédrale Notre-Dame de Paris ou à des châteaux médiévaux à travers la France. La Cité du l'Architecture et du Patrimoine lui a consacré une exposition pour le bicentenaire de sa naissance. Si certains lui reprochent ses "délires romantiques", il a de toute évidence laissé une empreinte considérable dans l'histoire de l'architecture française. Certains d'entre vous l'ont peut-être constaté en visitant le château de Pierrefonds, dans le département de l'Oise. Ce site médiéval restauré au XIXe siècle est devenu un monument historique classé.

Le drame romantique

Comme souvent, un mouvement naissant a besoin de s'affirmer violemment, dans la lutte et la controverse. Ainsi, l'immense Victor HUGO (1802-1885) dans la préface de sa pièce Cromwell (1827) nous dit  :

La poésie née du christianisme, la poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère du drame est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque, qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création. Car la poésie vraie, la poésie complète, est dans l’harmonie des contraires. Puis, il est temps de le dire hautement, et c’est ici surtout que les exceptions confirmeraient la règle, tout ce qui est dans la nature est dans l’art.

En somme, il s'agit de faire une pièce qui puisse ressembler à la réalité, que l'humour et la légèreté puissent se mêler au tragique et à la gravité. Puis dans la préface de sa pièce Hernani (1830), il revendique : "la liberté dans l'art, la liberté dans la société". L'action se déroule au début du XVIe siècle et dépeint les amours contrariées d'une jeune noble exilé, Hernani, avec Doña Sol. La jeune femme, en plus d'être promise à Don Gomez est aimée par le roi Don Carlos (C'est le futur Empereur Charles Quint, rival de François Ier). D'autre part, Hernani doit venger son père, tué par le père du roi... Ce récit d'amour et de vengeance va puiser ses modèles chez des dramaturges comme William SHAKESPEARE et Pierre CORNEILLE. En se démarquant des conventions, en ne respectant pas le rythme des alexandrins, en refusant l'unité d'action si chère au théâtre classique, et en mêlant les tonalités tragiques et comiques, HUGO donne naissance au drame romantique et crée un scandale mémorable.

Lisez le texte suivant pour vous rendre compte de la liberté que prend l'auteur avec la forme du texte, mais aussi comment il traite des personnages nobles à la manière de valets de comédie :

 

Extrait de Hernani de Victor HUGO, Acte I scène 1

"La bataille d'Hernani" qui voit s'empoigner et se battre des gens en plein théâtre affirme le Romantisme comme mouvement rebelle !

La peinture de l'histoire

  • Le radeau de GÉRICAULT

Loin de la simple image de l'amoureux transi, larmoyant et solitaire, le Romantisme affiche des images fortes, volontiers porteuses de scandales et de querelles. Ainsi en va-t-il pour le célèbre tableau Le radeau de la Méduse (1819) de Théodore GÉRICAULT (1791-1824). Cette gigantesque toile exposée au Musée du Louvre nous montre les survivants d'un naufrage essayant tant bien que mal d'attirer l'attention d'un navire lointain et des cadavres mis en évidence au premier plan. L'image fait référence à un fait arrivé en 1816. L'article de Malika DORBANI-BOUABDELLAH publié sur le site de L'Histoire par l'image  (http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=136) explique de façon détaillée comment la toile est devenue sujette à de nombreuses interprétations : un naufrage politique ? une citation synthétique des œuvres antérieures ? L'auteur aurait affirmé vouloir célébrer le courage des survivants. Pour beaucoup, c'est ce tableau qui ouvre la voie du romantisme en France.

 

 

  • DELACROIX guidant le peuple

Charles BAUDELAIRE (1821-1867), dans ses Curiosités esthétiques (1868),nomme celui qu'il considère comme le meilleur représentant du mouvement en peinture, Eugène DELACROIX :

Le romantisme et la couleur me conduisent droit à Eugène Delacroix. J'ignore s'il est fier de sa qualité de romantique; mais sa place est ici, parce que la majorité du public l'a depuis longtemps, et même dès sa première œuvre, constitué le chef de l'école moderne.

Curiosités esthétiques, IV. "Eugène Delacroix".

Il fait en particulier l'éloge du tableau représentant Dante et Virgile aujourd'hui exposé au Louvre (voir DESCENTES AUX ENFERS 3/4 : L'Enfer de Dante). DELACROIX, disciple de GÉRICAULT, poursuit son œuvre. Comme beaucoup d'autres critiques de la peinture, BAUDELAIRE insiste sur l'emploi de couleurs très remarquables qui donnent au tableau son essence romantique, comme sur La Mort de Sardanapale (1827). Les teintes simples ont pour but de rendre les sensations éprouvées dans la réalité, voire de les amplifier.

C'est avec La liberté guidant le peuple (1830) que DELACROIX connaît son plus grand succès et continue aujourd'hui de faire parler de lui. La scène très dynamique représente la révolte des "Trois Glorieuses", les  27, 28 et 29 juillet 1830, quand le roi Charles X signe des ordonnances qui portent atteinte à la liberté de la presse. L'allégorie sous l'aspect d'une femme nue et libérée  conduit le peuple français, les morts jonchent le sol au premier plan, bourgeois et ouvriers combattent côte à côte et un garçon servira de modèle à Gavroche, jeune héros des Misérables(1)de Victor HUGO, le monument romantique... Tous ces éléments expliquent en partie la puissance de cette toile monumentale et symbolique qui réécrit l'histoire.

Une nation victorieuse

C'est aussi une certaine vision de l'histoire qui est défendue par les monuments. L'un des plus fameux d'entre eux, l'Arc de Triomphe de la Place de l’Étoile, à Paris, en est le témoin. Le travail du sculpteur François RUDE (1784-1855), sur l'un des piliers de l'Arc, représente Le Départ des volontaires de 1792 ou La Marseillaise (1836). En 1792, le gouvernement fait appel à des volontaires pour défendre ses frontières menacées. C'est également à cette occasion que Claude Joseph ROUGET DE LISLE (1760-1836) compose notre chant national, pour l'armée du Rhin, La Marseillaise,  surnommée ainsi parce qu'elle est chantée par les troupes marseillaises venues rejoindre la capitale. La sculpture de RUDE représente un allégorie de la Victoire, une femme guerrière ailée, combative et dynamique qui guide les troupes françaises. Les ressemblances avec le tableau de DELACROIX sautent aux yeux.

Ainsi, on constate que c'est aussi le génie d'un peuple qui s'exprime à travers le Romantisme. Le compositeur russe Alexandre BORODINE (1833-1887) le démontre dans son poème symphonique Dans les steppes de l'Asie centrale (1880). Ce morceau raconte la traversée du désert et reprend en les mêlant des chants russes et orientaux. Le son va crescendo [=en augmentant de volume] pour représenter l'approche des hommes puis diminuendo [en baissant de volume] pour symboliser leur éloignement(2).



Le Romantisme est bien un mouvement général qui va au-delà de simples représentations artistiques. Il interroge aussi un mode de vie et propose une vision originale de l'histoire. A travers cela, il rénove les formes classiques et crée des structures originales. Par ailleurs, il permet à la fois aux individus de s'affirmer et aux groupes de se souder. On peut donc être romantique sans être niais.

 

 

Le mois prochain, vous lirez EXERCICES DE STYLE, pour l'humour de l'art...

 

N. THIMON

NOTES :

1: Cet énorme roman raconte la vie de pauvres gens. Il s'attache surtout à montrer comment le prisonnier Jean Valjean, qui s'est échappé du bagne, choisit de mener une vie vertueuse. Il va notamment protéger la jeune et pauvre Cosette comme sa fille. Cependant, il est poursuivi sans relâche par l'inspecteur Javert qui pense qu'il le croit malhonnête. Sur plusieurs années, on assiste à l'évolution des personnages ou aux insurrections de Paris. Le talent de l'auteur consiste à dépeindre la réalité mais avec le style propre au romantisme, faisant briller une sorte de lumière même dans les obscurs bas-fonds. Ainsi, les misérables aussi ont droit à une certaine grandeur.

2 : Victor HUGO, dans son poème en vers "Les djinns", fait exactement la même chose : le texte devient plus long à mesure que les créatures approchent et plus court à mesure qu'elles s'éloignent.